Alien : « j’estime qu’aujourd’hui, ma priorité, c’est la musique, donc je me laisse entre parenthèses »

Alien, vous le connaissez sûrement déjà, il a fait partie du groupe VSO. Il a continué sa carrière en solo depuis 2023, et on l’a rencontré pour qu’il nous parle de la réédition de son album, Après l’orage !

© Romane Leo Marsault

La Face B : Bonjour Alien, comment ça va ?

Alien : Ça va plutôt pas mal. Plutôt pas mal, il fait chaud, il fait beau, magnifique.

LFB : On te connait depuis VSO, ton ancien groupe, puis tu as commencé en solo. Mais à part ça, qui es-tu ? Comment tu as commencé la musique ?

Alien : Alors qui je suis avant VSO ? En fait, j’avais commencé la musique avant de rencontrer la team VSO. Je ne suis pas un membre fondateur, j’ai rejoint l’aventure en route, même si elle était naissante. Le collectif existait depuis quelques mois, et je les ai rencontrés par hasard. Moi, j’avais déjà commencé à sortir quelques sons de mon côté. J’avais pris une séance au studio, je m’étais acheté du matos.

Après les avoir rencontrés, ça s’est fait assez naturellement, on a commencé à enchaîner les morceaux ensemble. L’aventure a vraiment pris quand on a commencé à faire des concerts ensemble. Et ça, c’est quelque chose que je n’aurais pas du tout envisagé de faire seul. Je pense que je n’aurais pas eu le courage de me lancer à faire des concerts solo. On était booké à Nîmes dans des petits bars, et après dans la région, puis après tu vois un peu plus loin, toujours un peu plus loin. Et voilà, c’était parti.

LFB : Quand j’écoute ta musique, il y a trois mots qui me viennent. Je dirais « lumineuse », parce qu’on sent le sud, la chaleur dans tes morceaux. Je dirais aussi « intime » parce qu’en vrai, je trouve que malgré les mélodies lumineuses, tu parles de toi et c’est intime. Et le dernier, qui va pas du tout avec les deux autres, c’est « mélancolique ». Je trouve que ça résume bien tout l’éclectisme que tu vas avoir dans ta musique.

Alien : Je suis entièrement d’accord avec toi ! Pour ce qui est du côté intime, c’est vraiment une volonté. C’est-à-dire que j’essaye d’être très honnête et très spontané et sincère dans ce que j’écris. Et surtout maintenant, de plus en plus, c’est quelque chose que je cherche à travailler dans mon écriture. Enlever toutes les fioritures et mettre que ce qui est vrai.

Et pour le côté nostalgique, je trouve que quasiment tous mes sons le sont. Mais j’essaye toujours d’apporter une pointe de luminosité, une pointe de lumière. Je ne dis pas ça exactement comme ça, je dis de l’espoir. J’aime bien faire des morceaux qui sont à la fois mélancoliques, et qui portent de l’espoir. Parce que c’est les morceaux que j’aime écouter, je trouve que c’est les plus beaux morceaux. Parce que sinon quand c’est trop ton sur ton, si c’est triste c’est plombant, si c’est joyeux c’est cheesy, mielleux en français. Fromageux, littéralement (rires).

LFB : Tu as sorti ton album l’année dernière, le 5 avril 2024. Il s’appelle L’orage. Et là, tu en sors une réédition. Ou un double album, comme j’ai vu que tu l’appelais aussi.

Alien : C’est une réédition ! Mais je mets double album parce qu’il y a deux CD dans la version physique.

LFB : Elle s’appelle donc Après l’orage, elle est sortie le 27 juin. Qu’est-ce qui t’a donné envie de faire une réédition ?

Alien : Il y a plusieurs raisons. Dans L’orage, j’avais envie de faire un album qui soit un peu un voyage de l’orage vers la lumière, vers le beau temps. J’avais envie de suivre un petit peu la métaphore et de partir un peu de la dépression pour aller vers le bonheur, la joie. Et en fait, je n’ai pas réussi à le faire sur l’album. Je m’en suis rendu compte quand il est sorti. J’avais un petit goût d’inachevé. Et en fait, j’avais tellement taffé sur ce disque que je me suis dit, « franchement, complète-le. Continue à écrire, pour justement finir cette histoire-là ». Du coup, j’ai rajouté des morceaux qui sont quand même vachement lumineux, où il y a beaucoup plus d’espoir. J’ai vraiment axé sur l’espoir, les thématiques de résilience, d’espérance.

LFB : Et pourquoi pas un deuxième album ?

Alien : Parce que je ne me sentais pas prêt à reconstruire un projet de zéro. J’en avais besoin, c’était un peu un sas de décompression, on va dire, pour repartir. Maintenant, je me sens complètement à l’aise avec l’idée de repartir avec un nouveau disque.

LFB : Tu as vraiment fini l’arc Après l’orage.

Alien : Exactement, j’ai clôturé cet arc-là. Et là, tu vois, j’ai envie de faire des choses différentes, j’ai envie de faire plein de trucs. Et ce n’était pas exactement le cas il y a un an. J’avais besoin de ce temps-là. C’était vraiment le fil conducteur de la tempête jusqu’au soleil.

© Romane Leo Marsault

LFB : Autant l’album L’orage que Après l’orage, est-ce que tu dirais que la musique que tu fais retranscrit qui tu es ? On parlait tout à l’heure de sincérité, est-ce que ces musiques sont fidèles à ce que tu es ?

Alien : Ah oui, complètement. Moi, j’aime bien quand j’écoute un disque d’un artiste que je ne connais pas. J’aime bien, après avoir écouté l’album, avoir l’impression que c’est un de mes potes. De découvrir quelqu’un. J’adore ça. Et j’ai beaucoup de mal avec les artistes que je découvre, où j’ai du mal à comprendre qui c’est, où ils veulent en venir. Parce que j’adore m’identifier aussi. En tant qu’auditeur, je m’identifie vachement au texte, aux histoires que les gens racontent. Et du coup, j’ai envie de faire une musique sur laquelle aussi tu peux te projeter.

LFB : Tu viens de Nîmes, et tu parles beaucoup dans ta musique de soleil, de mer, de Sud, ça a l’air de prendre de la place dans ta vie. C’est quoi ton rapport avec le Sud ?

Alien : Un rapport vraiment amoureux (rires). En fait, c’est le seul endroit où je me sens chez moi. Pour le son Chez moi, on a tourné le clip vraiment dans le Sud, chez moi parce que c’est le seul endroit où quand je rentre, j’ai l’impression d’être à la maison. C’est là où j’ai grandi. Et j’ai pas mal bougé, je ne me sens jamais vraiment chez moi. Peut-être un peu plus maintenant à Paris. Ça fait longtemps que j’y suis. Et encore.

LFB : Tu ne t’es pas mis des Parisiens à dos ?

Alien : Non, parce qu’il y a plein de gens à Paris qui ne sont pas Parisiens. Et je pense que tout le monde a un peu ce spleen, de vouloir rentrer chez soi parce que tu es ici pour le taf. Et des fois, tu as envie de retourner là où tu es bien, voir ta famille, tes potes. Je pense que c’est un peu général.

LFB : Dans Comme avant, tu dis « on vit, on rap, on meurt ». C’est comme si tu vivais vraiment que pour ça. C’est quoi ton rapport au rap ?

Alien : J’adore le rap. J’ai vraiment écouté que ça pendant très longtemps, j’ai grandi avec ça. J’ai toujours des punchlines en rapport avec à peu près toutes les situations. Après, quand je dis ça, c’est plus la place que ça prend dans ma vie, c’est un peu la mission que je me suis donné. Parce que c’est vrai que si j’enlève la musique, ça prend tellement de place dans ma vie que ça laisserait beaucoup de vide. Donc, ouais, je fais ça 90% de mon temps.

LFB : Moi, j’étais une grande fan de ce que vous avez fait avec VSO. Du coup, je suis trop contente d’écouter tes morceaux, où j’entends parfois un peu des touches à la VSO. Tu avais fait des morceaux solo avant, mais vraiment te lancer, écrire tout seul, composer tout seul, être sur scène tout seul… Est-ce que ça a été dur de te lancer en solo ?

Alien : Les concerts au début, je t’avoue, ça m’a fait tout drôle. Vraiment, j’ai eu un temps d’adaptation. Même les interviews, ça m’a vraiment changé. C’est vrai qu’après, au niveau de la création, c’est sûr qu’il y a plus à écrire. Mais bon, en vrai, ça n’a jamais été un souci. Ça a été vraiment plus un changement de mood dans l’aventure. Parce que j’avais l’habitude d’être tout le temps avec mes potes. Et du coup, fatalement, on se voit beaucoup moins. C’est surtout ça la différence.

LFB : En ce moment, partout, et à Paris encore plus, il y a une multiplication des événements musicaux et culturels. Et en tant qu’artiste, est-ce que parfois tu as la FOMO ?

Alien : Je ne prends pas de vacances l’été, parce que je me dis que je vais avoir des dates. Et tu vois, ça n’a pas raté cette année, j’ai voulu partir une semaine, et comme par hasard, il y a eu un truc au milieu. Après, c’est une question de priorité. Moi, j’estime qu’aujourd’hui, ma priorité, c’est la musique et ma carrière musicale. Donc je me laisse entre parenthèses. Mais c’est vrai que la FOMO, c’est un fléau dans notre monde. Moi, j’ai envie d’être partout. Mais malheureusement, ça ne dépend pas de moi. Enfin, pas que de moi. Mais en vrai, je suis partisan d’en faire le plus possible.

LFB : Tu as sorti le single L’air de rien, qui sera dans la réédition. C’est quoi l’histoire du morceau ? Comment tu as écrit, composé ? En plus, c’est un feat. Comment ça s’est fait ?

Alien : Je compose beaucoup avec Camille Rossi, qui est le mec avec qui j’ai le plus composé. C’est aussi mon pianiste sur scène, il m’accompagne, à la guitare, au piano. Il a un frère qui s’appelle Florian, qui est un musicien de Stromae. Et c’est un super compositeur. Camille me dit qu’il faudrait qu’on fasse une session avec son frère. Je suis trop chaud. Je suis allé chez son frère, on a commencé. En vrai, ça s’est fait assez vite. J’avais écrit mon couplet, le pré-refrain, le refrain dans l’après-midi. Et donc, on fait le morceau, on fait une petite maquette. C’est pas mal du tout, on était contents. Et je laisse passer deux mois. Entre-temps, je suis parti en Thaïlande, et j’avais un peu oublié le morceau. Je reviens, je réécoute et je me dis que déjà, le morceau tue. Et sur le deuxième couplet, j’entendrais trop Kemmler. Donc, j’écris à Kemmler et il me dit « ah ouais, vas-y, fais voir ». Je lui envoie le morceau, il me dit que c’est un hit. Après on a un peu modifié la prod, et j’ai enregistré les voix avec Camille et son frère. Et franchement, fin de l’histoire, c’était plié, c’était impec.

LFB : C’est toujours comme ça, même pour tes musiques, est-ce que tu composes avec quelqu’un et après tu écris le texte ? Ou est-ce que tu as une banque de textes que tu utilises ?

Alien : Oui, parfois j’ai des couplets que j’ai écrits, que je ne garde pas et que je sais que je vais replacer. Mais je commence le son en me disant que je vais poser ce couplet-là, parce que sinon ça fait trop patchwork. Je le faisais avant mais j’essaye de ne plus le faire, sinon tu perds le fil conducteur. C’est bien pour des petits freestyles. Vas-y, sois pas flemmard.

© Romane Leo Marsault

LFB : J’ai vu que t’avais un tatouage L’orage, j’allais justement parler de ta bio Spotify qui dit : « j’ressemble à l’orage ». En quoi que tu ressembles à l’orage ?

Alien : Parce qu’un orage, ça explose, ça pleut, c’est lumineux, c’est sombre, c’est inquiétant, c’est rassurant. C’est tumultueux. En fait, j’aime bien la phrase « je crois qu’on ressemble à l’orage ». Quand je dis ça dans le morceau, c’est très imagé, après tu mets ce que tu veux derrière. Mais j’aime bien l’image. Le tatouage d’ailleurs, je l’ai fait pendant le clip de L’orage justement. Le mec qui me tatoue dans le clip, il le fait pour de vrai.

LFB : Super stylé ! Tu disais tout à l’heure que tu faisais de la musique depuis longtemps. Est-ce que tu trouves que la musique que tu fais maintenant a mûri, par rapport à tes débuts ?

Alien : Oui. Surtout si tu me connais depuis VSO ! J’ai réécouté il n’y a pas longtemps Adrénaline, et ça a beaucoup changé. Tous les trucs qu’on a faits avec VSO, quand je retourne dessus, ça me fait kiffer. Mais j’ai l’impression que c’est quelqu’un d’autre. Je ne referais rien pareil quasiment. Je ne dis pas que je ferais mieux. C’est juste qu’au moment précis, j’ai fait comme j’ai pu et j’ai fait au mieux que je pouvais.

Aujourd’hui je fais différemment et peut-être pas mieux. C’était pas la même démarche en fait. C’était pas du tout réfléchi, c’était très spontané, c’était bête, c’était drôle. Mais pour autant, j’essaie de garder ça parce que justement dans l’air de rien, je dis que j’ai des souvenirs de la vingtaine à vomir dans des ruelles sombres, de mélanges de soda et de vodka premier prix. Et je me fais rire parce qu’en vrai, c’est con mais c’est vrai. On parle d’identification et tout, je pense qu’il y a des gens qui peuvent s’identifier à ça. Quelques-uns.

Il y a ce truc de sincérité, avant ça je pense que je l’aurais pas écrit parce que j’aurais trouvé ça dégueulasse. Mais maintenant je trouve ça stylé, trouve ça chelou. Et à l’inverse, là il y a quelques jours, j’étais avec une pote, elle me disait qu’elle kiffait le son Classic de VSO. J’avais oublié ce son. Je commence le son en disant « sur la tête de la sœur à la mère à ma cousine ». J’ai récouté, je me suis dit que c’était cool. Je me fais rire, mais avec affection. Je ne regrette rien, je suis content d’avoir fait ça. C’était sincère, en fait, et je pense que c’est pour ça que ça avait bien marché. C’est parce qu’on racontait nos vies et notre histoire sans se prendre la tête, sans chercher à être qui on n’était pas. Sans faire les stars. On était con, mais c’était génial.

LFB : C’est quoi tes inspirations ? Les trucs que tu as écoutés quand tu étais petit, ou même en ce moment, ou des choses dans ta vie, qui t’inspirent ?

Alien : Il y a des choses que j’aime, et il y a des choses qui m’inspirent. J’ai beaucoup écouté Stromae, Orelsan, Nekfeu, Sexion d’Assaut, Booba, Nirvana, Cesaria Evora…

Mais va savoir là où commence l’inspi. Ça reste dans ta tête et ça se retranscrit. Je suis beaucoup dans les musiques du monde. Le rap d’aujourd’hui, j’adore. Hamza, j’adore. En fait, j’adore plein de trucs, plein d’artistes, que je trouve trop forts. Après, il faut digérer un peu les influences, et tu les retraduis à ta façon.

LFB : Et dans ce que tu écris, il y a des thèmes qui t’inspirent ? Est-ce que tu écris toujours sur toi ? Ou des fictions, parfois ? Des trucs qui t’inspirent ailleurs ?

Alien : Je fais rarement des fictions. Ça m’est arrivé, mais pas vraiment, non, c’était vraiment beaucoup sur moi. Ma propre matière première. Efficace. Franchement, j’ai l’habitude de faire comme ça. Et je préfère, parce qu’encore une fois, c’est que je cherche la sensibilité.

LFB : Est-ce que tu as des prochains concerts ?

Alien : Là, j’ai deux premières parties de Michel Polnareff. Je fais à Orléans et à Brest. Après, je fais un concert à Vincennes, fin juillet. Sinon des petits plateaux, des plateaux NRJ, des trucs comme ça. Mais pas de vraie tournée annoncée, encore.

LFB : Une dernière question. Est-ce que tu as des recommandations d’artistes plutôt émergents ? Je ne sais pas si tu écoutes un peu trop la scène émergente française.

Alien : J’écoute, oui. Saint-Graal. J’adore. J’aime aussi un gars qui s’appelle Malo’, qui est un pote à moi avec qui je fais du son. C’est très cool. Pex, très chaud. Hélène Sio aussi, j’adore. Moji x Sboy, aussi. Après, il y en a plein d’autres que j’écoute, mais ils sont plus gros que moi, donc je ne vais pas leur dire que c’est des artistes émergents, ce serait un peu gonflé (rires).

LFB : Trop bien ! Merci à toi.

Alien : C’était très sympa. Merci !

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