Maruja : l’union du sauvage, de l’amour et de l’espoir.

Après trois EPs ponctuant chaque année depuis 2023, le groupe de Manchester Maruja sort enfin de ce cycle et offre son premier album chez Music For Nations, intitulé Pain To Power, ou comment diluer et transformer un sentiment destructeur en rayons d’espoir. Entre jazz, punk et rap, ce disque redéfinit l’union. La solidarité et l’humanité en figures de proue, les quatre musiciens tracent leur voie, tissant un fil d’Ariane impossible à briser. Pain To Power est ce qu’il y a de plus beau à découvrir en ce mois de septembre.

Engagement émotionnel à son paroxysme.

Alors que le monde creuse un fossé devenu manichéen, si profond qu’il devient impossible d’en apercevoir encore la surface, ce disque vient traduire toute l’émotion qui nous habite. Ainsi, des vagues de désespoir se lient aux vagues d’amour et de résistance. Impossible de ne pas évoquer à ce stade Saoirse, titre aux multiples carats, qui fait vibrer l’âme à haute fréquence. De quoi rester coi devant tant d’inspiration à mesure qu’on navigue dans ses notes.

Et ce mantra poignant, scandé par Harry Wilkinson, “It’s our differences that make us beautiful”, rappelle l’ampleur de la situation en Palestine quand le nom du morceau tente de l’apaiser. Il signifie “la paix” en gaélique. Ces quelques mots éclatent comme un hurlement. Ces mots vont vers ceux qui ne les entendent pas. Qu’importe, il ne faut pas se taire, jamais. Notre voix est peut-être notre seule arme, elle est aussi la plus belle déclaration d’amour qu’on puisse faire à l’humanité.

Culture et politique ne font qu’un.

Vous pensiez que Maruja n’était pas politique ? Il serait présomptueux de penser que la musique ne l’est pas, comme toute forme d’art. Vous pensiez que Maruja était “juste un groupe de jazz” ? Il est bien plus que ça. Le jazz tisse le fil de la liberté collective. Il l’étoffe jusqu’à former des drapeaux porteurs d’histoire, porteurs de valeurs, porteurs de messages.

Au sein de cette même thématique, il est temps de s’attarder sur Zaytoun et ses forces libérées par un free jazz saisissant. L’improvisation s’ancre pour faire pousser cet olivier, “zaytoun”, symbole palestinien de la paix qui s’enracine. Tandis que les pires affres semblent régir le monde, les quatre musiciens prônent la solidarité, l’esprit de communion, l’union et le soutien. Sans cela, nous ne sommes rien. Pour eux, l’individualité est le premier facteur de fragmentation et de division qui laisse grande ouverte la porte aux dérives qu’on connaît.

Spiritualité.

Parmi ces dérives, il y a l’utilisation de la souffrance comme générateur de billets. La vente des armes en ligne de mire, Look Down On Us dresse un portrait peu reluisant du capitalisme, à l’image de ce qu’il est, et même pire. Le saxophone, porté par Joe Carroll, transpire tout son talent. Défiant la gravité à chaque note, des envolées lyriques viennent caresser les nuages, habiter l’espace et saisir les émotions, pour ne plus les lâcher, pour les panser et réveiller l’humain qui sommeille en nous. Chaque morceau s’emplit de spiritualité, s’émancipe des codes pour puiser dans des influences glanées ça et là. Ce qui constitue la grandeur d’âme de cet opus réside en sa capacité de diversité. Il revêt son habit de citoyen du monde.

Chute et renaissance.

Pour autant, cet espoir, cette humanité, ne signifie en aucun cas être exempt de tourment. Bloodsport aborde l’aspect sous-dural du contexte : une anxiété qui croît et pour laquelle il faut faire preuve de courage et se soutenir afin de compter la vaincre. Ce morceau, ardent comme le feu qui consume des pays entiers, s’invite à la drum and bass. Percussions frénétiques et rap incisif se déploient. Il est constamment question de chute et de renaissance. L’album se construit bien souvent comme les sets live. Entrée fracassante, flux d’énergie intense et montée percussive d’adrénaline, il n’en faut pas moins pour ce groupe taillé pour fouler la scène, portant sur son piédestal l’improvisation pour faire front et célébrer une amitié pour laquelle la confiance scelle son aspect inébranlable.

Dans Born To Die, une mention spéciale doit être faite pour cette guitare et cette basse planantes, empreintes de folie et d’une sauvagerie brûlante. Un somptueux exemple de communion le qualifie, bien qu’on en perde nos mots. Cette composition étale une démonstration criante de dix minutes où chaque seconde a une saveur et une couleur particulières. Break The Tension prend la suite, enragé et tendu qu’il est. Les instruments comme la voix rugissent à l’unisson. La même sensation qu’à l’écoute des intemporels et cultes Rage Against The Machine se diffuse, faisant palpiter chaque organe dans nos veines.

Unissons-nous.

L’ultime appel à la fin de l’individualisme prend la forme de Trenches. “I see you in the trenches” renvoie à l’action collective, à cette idée qu’on est plus forts ensemble. Pour voir l’avenir, il faut déblayer ensemble. Si tu es seul à désencombrer le paysage de ses obscurs desseins, alors ton action sera vaine. Enfin, l’ultime exhausteur d’espoir se dessine dans la silhouette de Choice. Le saxophone enveloppe alors que le parlé réunit. La batterie, cérémonieuse, donne une direction tandis que la basse et la batterie remplissent la jauge de force et de pouvoir. Tant d’humanisme retranscrit en musique a de quoi sidérer. Choice s’exalte dans la douceur pour clore cette beauté, les chœurs en action venant chatouiller les dernières émotions bloquées pour les libérer.

crédit photo Sam Edwards

La force de Maruja s’inscrit dans une volonté sincère de faire cohabiter chaque courant musical au sein d’une sphère pétrie d’humanité, truffée de ses différences et qui réussit le pari de l’union pour créer sa force. Maruja est un groupe profondément humaniste. Impossible de ne pas rester béat en surface et chamboulé de bouleversements intrinsèquement. Les yeux luisent, le cœur rougit. Pain To Power, comme tatouage cérébral. Un premier album magistral, un grand album de l’année 2025.

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