Now Would Be A Good Time : le monde intérieur de Folk Bitch Trio

Prendre la beauté et l’harmonie à bras-le-corps : c’est ce que nous propose l’une des révélations de cette année, Folk Bitch Trio, avec son premier album Now Would Be a Good Time.

Éclosion lumineuse

Vous le savez, à La Face B, nous aimons ces artistes qui mettent toute leur force et leur créativité au service du beau. Loin d’être novices, ayant débuté en 2022, c’est en ce début d’été qu’a surgi une chaleur lumineuse, transposée dans un univers feutré et introspectif des plus envoûtants. Des voix harmonieuses qui s’entrecroisent, des mélodies à la fois brutes et douces, et une peinture sonore éblouissante.

Quelques années de singles plus tard, et nous y voilà : leur premier disque est enfin là, à notre portée, avec cette émotion qui nous fait réaliser que nous l’attendions depuis très longtemps.

Portes entrouvertes

Saisir la porte d’entrée de Now Would Be a Good Time, c’est comme franchir le seuil d’une maison dont chaque pièce renferme un secret, une tension, un souffle retenu. Le titre qui ouvre le bal, God’s a Different Sword, est happé par une introspection fiévreuse : un monde où la solitude danse avec le doute et où chaque respiration semble mesurer la fragilité de l’existence, malgré la ferveur et la couleur de la mélodie.

Le groupe y marche sur des chemins incertains, oscillant entre lucidité et vertige, tandis que ces vers qui bordent les notes deviennent un mantra de persévérance fragile, une incantation pour continuer à porter ce qui pèse.

Le quotidien en scène

Cette turbulence intérieure se fond naturellement dans le quotidien décalé de Hotel TV, où le banal devient théâtre intime : télé d’hôtel et bruits voisins se heurtent à l’insomnie et au désir. La tension est diffuse, presque palpable, comme si notre rôle à l’écoute de ce titre était de creuser un refuge dans la lumière vacillante d’un écran, tout en nous débattant avec des obsessions surgies au détour d’un rêve trop réel. La solitude n’est plus seulement psychique : elle est physique, palpable, et pourtant jamais froide. Elle devient le terreau d’une contemplation douloureuse et sensuelle.

Chambre close

Cette oscillation entre contemplation et tension prépare le terrain à The Actor, où les relations se transforment en pièces à huis clos, chaque geste intime étant à la fois charnel et performatif. Définitivement l’un des coups de cœur de l’album, le désir y est éclatant mais toujours teinté de mélancolie : la chair et l’émotion s’emmêlent dans un ballet de tensions et de silences, de disputes et d’aveux silencieux. L’acteur devient miroir et écran, reflétant la complexité de l’amour, l’ambiguïté des intentions et la fragilité des certitudes.

Éclats suspendus

Moth Song plonge plus profondément dans la mémoire et le traumatisme, mêlant visions hallucinatoires et souvenirs douloureux à des éclats de beauté presque irréelle. Des papillons de nuit, confettis flottants et opales scintillantes.

L’album prend ici une dimension presque cinématographique et contemplative, où chaque image, chaque sensation, est suspendue entre réalité et imaginaire, nostalgie et fixation obsessionnelle. C’est un territoire où le temps semble éternel, où l’esprit refuse de lâcher ce qu’il a vu et perdu.

Lumière intérieure

La tension se transforme ensuite en résilience avec I’ll Find a Way (To Carry It All). Les guitares se mettent en retrait pour laisser place à la puissance vocale. Le groupe ne souhaite plus se perdre dans le vertige des émotions ou le tumulte du désir. Ici, le choix est de porter le poids de la douleur, de l’amour et de la solitude avec dignité, comme si la répétition des mots devenait une prière douce et déterminée. L’album ouvre alors une fenêtre vers une lumière plus calme, un espace de réconciliation avec soi-même.

Tension et équilibre

La tri-force de l’album apparaît ensuite avec Cathode Ray, Foreign Bird et That’s All She Wrote. L’intimité et la sexualité reprennent leurs droits, mais toujours sur le fil ténu entre désir, contrôle et vulnérabilité. Les corps se cherchent, se frôlent, se déchirent, mais chaque geste reste chargé de tension, chaque scène respirant une fragilité brute. Violence, angoisse et beauté coexistent, et l’album révèle son goût pour l’ambivalence : plaisir et douleur, liberté et peur, humour et tragédie. Ces trois titres, côte à côte, donnent l’impression d’être un pilier solide dans la structure du disque, sans jamais se répéter.

Fil invisible

Sarah et Mary’s Playing the Harp concluent cette traversée par un souffle plus mélancolique et contemplatif. L’amour y est toujours présent, mais subtil, presque sacré. Il persiste malgré la distance, malgré les blessures, comme un fil invisible qui relie les âmes. La musique devient miroir de la mémoire et de l’attachement durable, célébrant les petites images de beauté, la harpe, les feux d’artifice, les paysages, qui accompagnent les longues heures de solitude et de voyage.

Miroirs de l’âme

Au fil de l’album, Folk Bitch Trio construit un univers intime et mouvant, où chaque chanson est un miroir poli par l’émotion, un espace où le corps, le désir, la mémoire et la résilience s’entrelacent. Écouter Now Would Be a Good Time, c’est accepter ce qui est beau et fragile dans l’expérience humaine, rendre accessible et précieux une part d’intimité souvent protégée. C’est un disque qu’il faut absolument écouter. Ce type de production est rare et précieux aujourd’hui. Merci au groupe d’avoir pu nous tendre, avec toute la grâce qui le caractérise, un fragment de tendresse et d’humilité.

Découvrez l’ADN des Folk Bitch Trio ici, et retrouvez le groupe sur Instagram et Facebook.

Laisser un commentaire