ADN #1046 : Sébastien Delage

ADN : Acide du noyau des cellules vivantes, constituant l’essentiel des chromosomes et porteur de caractères génétiques. Avec ADN, La Face B part à la rencontre des artistes pour leur demander les chansons qui les définissent. Alors qu’il dévoilera début novembre TURBOSTÉRONE, Sébastien Delage nous entraine aujourd’hui dans l’histoire de ses influences musicales..

Louise Attaque – La Ballade de Basse

Chez moi il n’y avait pas de musique – ou peu, ou pas la « bonne » – juste le son de la TV allumée H24. J’ai été initié à la musique par mon parrain, par le fils de la 2e femme de mon grand-père ainsi qu’elle-même, Bijou (pour qui j’ai écrit une chanson sur mon premier disque), et par une animatrice de mon école primaire où j’ai grandi en banlieue, Marianne, qui est devenue une grande amie et confidente.

Cette dernière m’a emmené en 6e voir mon premier vrai concert, à La Cigale, Louise Attaque. Je connaissais les tubes, je n’étais pas assez éduqué pour avoir une regard critique sur leur musique ou leurs textes, d’ailleurs je n’y prêtais pas spécialement attention, et puis lors de ce concert arrive La Ballade de Basse, un OVNI post-rock de plus de 10 minutes avec des accords de basse en intro bien emo et une ligne de chant nonchalante avec un texte dont je ne pourrais dire aujourd’hui de quoi il parle.

Mais je me souviens de cette basse, drone, en drop D, qui pour la première fois m’a fait me dire que tous les jours de ma vie je voulais ressentir mes poils se dresser comme ils l’ont fait pendant ce morceau en live.

Radiohead – Paranoid Android

17 ou 18 ans, j’achète une basse avec mon argent de poche à un copain, j’apprends Muse, System of Down, KoRn et Nirvana, et puis arrive dans ma vie OK computer de Radiohead.

J’apprends à écouter la guitare, je regarde des Lives, je suis fasciné par le son de Johnny Greenwood. C’est décidé, j’aurai le même setup que lui, je finis par me dégoter une mauvaise telecaster, une Big Muff russe, une whammy et un AC30 Vox puis je me mets au défi d’apprendre toutes les guitares lead de OK computer.

Je commence par Paranoid Android, morceau épique, 3 parties qui n’ont rien à voir les unes avec les autres, un texte politico-poétique, une grille bien triste, de la 7/8 pendant un bridge fucked up avec un solo avec 3 notes… le petit pédé emo en moi était comblé, c’est un morceau qui ne me lassera jamais.

LCD Soundsystem – Dance yrslf clean

À la fin du lycée, ayant eu un ordinateur très tardivement, je me suis mis à télécharger illégalement tout ce que je pouvais, le bipolaire maniaque en moi (non diagnostiqué à l’époque) s’était mis en tête de faire la bibliothèque audio parfaite.

Je ne téléchargeais que des albums entiers, avec la pochette, si possible des discographies entières, qualité CD, j’avais un dossier dans mon vieux PC avec des TONNES de musiques, dont le premier album de LCD Soundsystem.

J’étais déjà monomaniaque à l’époque et j’écoutais beaucoup Daft Punk Is Playing At My House mais je n’écoutais pas le reste, ça me faisait pas grand chose.

Et puis arrive This Is Happening avec l’intro Dance yrslf clean, 2 accords, et après quelques minutes d’intro le son du synthé basse SH2 (ou SH1 peut-être), peut-être 10 fois plus fort que le reste qui vient te chercher très très violemment, ça a été le déclencheur de mon obsession pour ce groupe et pour James Murphy.

Theodora – Get Obsessional

Pleine période Hollydays, Polydor (et plus généralement l’industrie de la musique) met en compétition les groupes et plus particulièrement les chanteuses. À l’époque il fallait être team Juliette Armanet, Clara Luciani ou Fischbach (ce qui n’a aucun sens de choisir, puisque ce sont en plus des projets très différents) et moi j’étais obsédé par ce titre de Theodora (bien que j’aimais beaucoup le disque de Fischbach aussi que je trouve être un grand disque).

Moi qui ai expérimenté des phases maniaques et obsessionnelles assez régulièrement, je me suis senti comme à la maison, une ligne de basse coldwave à une note, un beat froid et répétitif, des solos de synthé à une ou deux notes, pas plus que quelques lignes de texte et mélodiques, c’était mon banger, je l’ai écouté en boucle pendant plusieurs années.

Peu de morceaux me font ressentir cet effet nerveux physique et tendu comme celui-là, de la pure drogue. Il m’a donné envie de bosser mes prods, d’écouter plus de cold wave, plus de The Cure, de New Order

Big Thief – Not

Après cette période de 8 ans avec Hollydays, beaucoup de MAO, de Ableton, de bandes enregistrées pour le live, tout était clean, aseptisé, on (je) nettoyait toutes les pistes, fallait pas qu’on entende les repisses de click dans les pistes, jamais un son trop radical, le texte en avant, tout devait sonner joli.

Quand j’ai découvert Big Thief j’ai entendu des pains dans les prises studio, le bruit du plancher qui craque, un buzz d’ampli, le batteur qui crie « one, two, three, four » dans les overheads qui prennent les cymbales, des morceaux joués en groupe… Et en fait je me rends compte que c’est ça qui me touche alors quand j’ai monté mon label au début de mon projet, je me suis imposé des contraintes grâce à cette chanson : tous les titres devaient fonctionner en guitare voix et il n’y aurait rien d’autre que guitare-basse-batterie-voix sur le premier album, et même si j’ai emmené un Omnichord et des synthés analogiques, depuis c’est toujours comme ça que je compose un morceau.

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