Rencontre avec marta

marta c’est le duo que forment Joachim Baumerder au violon et Simon Lacouture aux percussions. On les a rencontré au Bivouac. L’occasion de se parler des racines du projet atypique qu’il propose et de leur processus créatif. Le duo nous a prouvé qu’il aime faire danser les gens en clubs comme en plein air.

MARTA – Joachim Baumerder & Simon Lacouture © David Tabary | Dans Ton Concert

La Face B : Salut marta, comment ça va ?

marta
Simon Lacouture (percussions) : Ça va super.

Joachim Baumerder (violon) : Très bien. Et toi ?

LFB : Nickel aussi, je suis très contente de vous rencontrer. Je vous ai entendu beaucoup en studio, mais pas encore en live, donc ça sera l’occasion de le faire ce soir !

marta
Simon Lacouture
 : Ok, c’est trop bien.

LFB : Le Bivouac, ça vous parlait, vous connaissiez déjà ?

marta
Simon Lacouture : Moi perso, je ne connaissais pas.

Joachim Baumerder : Moi non plus. Mais on avait trop hâte de jouer ici parce qu’en fait, on croise plein de copains ce soir. Notamment là, Baptiste qui est avec Chilla, d’autres avec François avec Atlas Mountain. On avait trop hâte de voir Odezenne, etc. Donc on est trop contents d’être là aujourd’hui, trop honorés de jouer après aussi.

LFB : On va revenir un peu sur l’origine de marta. Quand vous racontez l’origine, vous expliquez que c’est une fille qui est partie en vacances avec vous. Plutôt que de demander si c’est vrai, j’aimerais savoir si, vous pensez que votre musique, a les traits de caractère de cette personne…

marta
Simon Lacouture
 : C’est une bonne question. Je ne m’y attendais pas.

Joachim Baumerder : La question c’est, est-ce qu’il y a des traits de caractère de Marta qui se reflètent dans notre musique ?

LFB : Exactement.

marta
Simon Lacouture : Pas du tout. C’est une pote avec qui on a passé des super vacances et tout, qui est dans notre cercle de potes. Mais c’était plus histoire de, un prétexte pour trouver un nom pour notre groupe, plutôt que de s’inspirer d’elle dans notre musique, en tout cas.

Joachim Baumerder : Ouais, c’est difficile de répondre, mais je ne pense pas.

Simon Lacouture : Ouais, je pense qu’il n’y a rien du tout. Mais c’est un peu comme quand on choisit nos titres de morceaux, il n’y a pas beaucoup de rapport avec, très peu de rapport avec la musique. On fait ça au plus vite, avec une syllabe, et là, on a fait ça très vite aussi.

Joachim Baumerder : Il fallait que ça reste simple.

Simon Lacouture : C’était un peu la première idée qui était la bienvenue.

LFB : Vous venez tous les deux d’un univers musical qui n’a plutôt rien à voir : le jazz. Et avec ce que vous proposez aujourd’hui, je me demandais comment on peut créer de la connexion autour d’un projet qui est vraiment atypique pour le groupe.

marta
Simon Lacouture
 : Je pense que notre musique et le jazz a tout à voir, justement. Par exemple, la musique jazz, c’est fait pour danser. Et nous aussi. Vraiment, en termes très techniques musicaux, par exemple sur les parties de batterie de jazz, il y a des kicks sur tous les temps et des cymbales sur les contretemps. Et nous aussi. Il y a des accords, il y a des lignes de basse. Je pense que c’est vraiment hyper lié. Et il y a beaucoup d’impro aussi dans ce qu’on fait. C’est hyper cadré, mais, tout ce qu’on joue, ce n’est pas écrit à la lettre près. C’est-à-dire qu’à chaque concert, on peut faire des choses un peu différentes. Donc voilà ma réponse.

Joachim Baumerder : Après, c’est vrai que nous, on s’est rencontrés autour de cette musique-là, du jazz. Mais, même en faisant ça, et parce qu’on écoutait beaucoup de musique électronique, pour nous, ça a été, genre même sans s’en parler, assez naturel d’aller vers cette musique. Enfin, par exemple, pour moi, le gros rapport entre le jazz et la techno, c’est la transe. Et nous, c’est vraiment ça qui nous intéresse. C’était de tourner autour de cette transe. Nous, quand on improvisait en jazz ensemble, naturellement, on faisait des trucs de transe ensemble. Et on s’est dit, autant faire la techno.

Simon Lacouture : Après, moi, c’est mon rapport à cette musique-là. Et je la vois comme ça, parce qu’on a beaucoup étudié le jazz. Et quand je joue de la techno ou du jazz, je fais quasiment aucune différence. Pour moi, c’est juste vraiment une esthétique différente et un code, un langage différent. Mais quand je la joue, et le but final, il est quasiment pareil.

Joachim Baumerder : Puis, en plus, il y a énormément de tracks dans la musique électronique qui ont énormément samplé le jazz. Au début, c’était avec la House, qui ont beaucoup samplé de jazz. Et de là, a découlé la techno. Il y a moins de samples dans la techno, mais on peut quand même en retrouver. Et je sais que les grands producteurs de musique techno, c’est aussi des grands fans de jazz. Et du coup, dans plein d’interviews, ils disent qu’ils vont s’inspirer de plein d’artistes de jazz. Je pense qu’il y a pas mal de rapports entre ces musiques.

LFB : Je me demandais aussi si le fait d’avoir resserré votre musique autour de deux instruments essentiellement, c’est-à-dire le violon et la batterie, c’est un défi artistique que vous êtes imposé, ou si c’était plus de l’ordre de l’évidence que ce soit ces instruments-là ?

© David Tabary | Dans Ton Concert

marta
Simon Lacouture : En fait, naturellement, c’est nos instruments de prédilection. Même si on fait d’autres choses, on produit sur l’ordinateur et on joue un peu des synthés aussi, mais, nos instruments de base, c’est ça. Et on a essayé à un moment de jouer avec une troisième personne au synthétiseur, mais après, il est parti pour faire son projet solo. Et là, pour moi, c’est le moment où ça a encore plus accentué le fait que c’était trop bien de l’être tous les deux. Déjà parce que c’est atypique, et on a vraiment envie de mettre ça en avant, le violon-batterie, et que l’ordi, ce soit juste un truc qui colore tout ça.

Joachim Baumerder : Et au final, c’est devenu un challenge aussi, parce qu’évidemment, juste batterie et violon sans rien d’autre que de faire la techno, on serait très vite limités. C’est aussi quelque chose qui nous cadre dans la composition, de se dire qu’il faut qu’on part de là, de la batterie, du violon, et ensuite, comme tu l’as dit, on colore avec de la production derrière.

LFB : J’ai eu tendance à me dire, quand je vous ai écouté la première fois, que vous êtes un peu le drum and bass revisité en drum and violin. Et d’ailleurs, ce côté transe du drum and bass est très présent. Vos morceaux sont hyper physiques, et on a énormément de mal à imaginer une troisième personne, tu me disais que au synthé, mais j’imaginais de rajouter du chant. C’est impossible, si ce n’est par sample… ?

marta
Simon Lacouture : Ce n’est pas impossible. On a quand même deux tracks où il y a du chant. C’est les tracks qu’on a remixés, donc évidemment, ce n’est pas des morceaux de base. Mais c’est un truc qui nous trotte quand même, et qui reste dans un coin de notre tête. Parce qu’avec ces deux tracks qu’on a remixés, qu’on adore jouer en live, on se dit, c’était cool quand même d’avoir de la voix sur de la musique techno. Donc oui, ça peut être soit samplé, ou soit un jour, je sais que j’aimerais bien faire un feat avec un chanteur ou une chanteuse à part entière, et qu’il y ait un morceau dédié à ça. Parce que pour moi, l’un n’empêche pas l’autre.

Joachim Baumerder : Dans ce cas-là, ouais, c’est sûr que la voix sera plus au premier plan que le violon, par exemple. Mais après, pour nous, si ce n’est pas la totalité du live qui est comme ça, c’est grave cool, et ça amène des variations aussi sur une musique qui est totalement instrumentale. Ça donne du relief et tout, et du coup, c’est assez cool.

LFB : C’est là où je me demandais si le violon prenait pas une espèce de place de chanteur-chanteuse à voix, parce que des fois, c’est qu’il y a ce côté voix, parce qu’il incarne quelque chose. Et de l’autre côté, comme tu m’expliques, s’il y a une collab, si jamais il doit y avoir du chant, c’est vraiment quelqu’un de l’extérieur, qui ne serait pas l’un de vous deux.

marta
Joachim Baumerder : Peut-être, on ne veut jamais dire jamais, mais… (sourire)

Simon Lacouture : Je ne pense pas .Non, mais ouais, c’est un truc qui nous plairait de faire une collab. On a plein de noms en tête et on aimerait bien faire ça. Peut-être pas pour le prochain EP, mais celui d’après. Et ouais, ça nous parle. Moi, je me suis beaucoup posé la question de, est-ce que c’était bizarre ou gênant d’avoir du chant alors que ce n’est pas vraiment chanté.  

Mais, je me suis dit, parfois, je vais voir beaucoup de concerts de musique électronique et il y a un DJ ou quelqu’un qui fait des machines et le chant est dans la prod, et tout le monde s’en fiche .Et c’est trop bien, donc on ne va pas s’empêcher ça, je pense.

LFB : Si on prend la couleur jazz, on aurait tendance à se dire et quand on revient aux racines de la house, tout ça, c’est vraiment de la soul. Donc si vous faites une collab, il faudra une voix qui a du coffre, quand même.

marta
Simon Lacouture : Ouais, c’est sûr.

LFB : Aujourd’hui, avec l’intelligence artificielle, on n’ose à peine imaginer ce qu’il est possible de faire, mais que ce soit quelqu’un qui l’incarne vraiment. Autant votre musique, elle est électronique, mais il y a encore deux instruments qui sont très présents organiques, donc il faudrait que ce soit une vraie voix.

marta
Joachim Baumerder : Ouais, complètement. Bien sûr. Après, dans la techno, ça se fait aussi beaucoup d’avoir des voix sous vocodeur, ou hyper trafiquées, qui disent des mots par-ci, par-là. Et nous, je pense que ça nous plairait aussi de faire des trucs parfois comme ça, plus des ambiances et tout. En vrai, on se limite pas, et on laisse tout, tout est possible. Ouais, on verra bien.

Simon Lacouture : Ouais.

LFB : La répétition est très présente dans votre travail, on parlait de la transe justement, elle est pour créer justement la sensation transe, ou plutôt pour respecter les codes, entre guillemets, du clubbing ?

marta
Joachim Baumerder
 : C’est un peu des deux. Ce qui nous fait kiffer, souvent, quand on compose, on cherche des boucles, et du coup, on cherche, on cherche, et tant qu’on n’est pas dans une transe, on sait que ce n’est pas la bonne boucle, et parfois, ça se joue à rien, à une note, à un rythme  et parfois, on arrive à enfin trouver la boucle qui nous fait… Et là, on entre en transe, et on se dit, ok, la boucle, là, elle est bien, et on va s’attarder à un autre élément, et de fait, ça devient de la techno, parce que c’est des boucles, et parce que ça devient de la transe. Tout est assez naturel, dans cette musique, au final, mais on ne va pas forcément se soumettre à un code ou quoi que ce soit…

Simon Lacouture : Oui, c’est ça, après, c’est quand même codifié, la musique qu’on essaye de faire et tout, mais c’est sûr que nous, notre but, quand même, c’est de faire danser, et je sais que, enfin, quand on va en club ou quoi, et que si jamais le rythme, il change toutes les deux secondes, ça coupe un espèce d’élan et de transe, qui est hyper important, et en plus, ça, c’est une bonne question, parce que c’est un truc dont on avait peur au tout début, quand on a monté notre premier live.

Quand on a fait notre live session en appart, on s’est dit, waouh, tout est trop long, c’est chiant, et tout, et il y a un pote qui nous a dit, mais pas du tout, c’est même pas assez long, il faut continuer, et c’est ça que les gens, ils cherchent quand ils dansent devant notre musique. Donc, ça, c’est une peur qu’on a réussi à effacer avec le temps.

LFB : Et comment ça se passe pour la production, enfin, la composition même, c’est que vous trouvez d’abord la boucle et vous décorez, ou c’est vraiment, il y a une part d’improvisation, forcément ?

marta
Joachim Baumerder : Il n’y a pas un process qu’on fait à chaque fois, pour chaque track qu’on fait, ça change. Pour chaque track qu’on fait, ça change, et une fois, on va, je ne sais pas, trouver la batterie en premier, une autre fois, ça va être le violon, et ensuite, on va trouver le reste.

Une autre fois, on va jouer avec nos synthés, nos boîtes à rythme, et ensuite, nous, on va trouver nos parties derrière. Et parfois, ça part de là, et ensuite, on avance hyper loin dans la track, et puis, avec le recul, on n’aime pas du tout, et on jette tout et on garde que une idée et on recommence tout un morceau à partir de cette idée. Donc vraiment, à chaque fois, ça change, et je ne dirais pas qu’on a un process de faire qui est sans arrêt le même.

Simon Lacouture : Ouais, je n’aurais pas mieux dit.

Joachim Baumerder : Merci. (sourire)

LFB : Les morceaux de l’EP ont des titres qui, mis bout à bout, peuvent faire penser à une sorte de cadavre exquis, mais les morceaux ne se répondent jamais vraiment les uns avec les autres, est-ce que c’était voulu là aussi, on a enchaîné des morceaux dont on était contents, et puis voilà ?

marta
Simon Lacouture : Sur cet EP-là, on a mis du temps à l’écrire, donc du coup, c’est pour ça qu’il y a cette sensation-là, et je pense qu’en tout, entre le premier morceau et le deuxième morceau, et le dernier, il y a eu deux ans, je pense, et il y a eu même des versions différentes et tout, donc c’est pour ça qu’on a… Il n’est pas hyper… Enfin, il est quand même assez différent dans l’ensemble.

Là, le deuxième, il serait un peu plus, comment on dit, monochrome, cohérent, parce qu’on écrit tout en ce moment, et l’autre, on a vraiment mis du temps à le trouver, on a mis beaucoup de temps à chercher aussi, à savoir vers où on voulait aller.

Il y a plein de trucs qu’on a jetés à la poubelle, qu’on n’a jamais sortis et voilà.

Joachim Baumerder : Notamment un feat avec Pharrell Williams quand même, il faudrait qu’on réfléchisse si on ne pourrait pas le sortir quand même. Il n’était pas en forme ce jour-là, c’était pas ouf.

LFB : Pour le morceau Bip vous avez choisi de transformer un appart en club, comment est né ce projet un peu dingue ?

marta
Joachim Baumerder : On voulait faire une live session, on voulait tourner une live session, et vu qu’on s’inspire beaucoup de la musique électronique, pour nous ça a coulé de source de s’inspirer des soirées boiler room. Les soirées boiler room, le concept c’est que le DJ est au milieu de la foule, et la foule est tout autour. On s’est aussi inspiré d’un groupe français qui s’appelle Jersey. Ils jouent dans des apparts, au milieu du public et ils foutent le bordel et c’est trop marrant. Et du coup on voulait faire un truc très intimiste comme ça, où on a chopé l’appart d’un pote, on a invité plein de potes à venir écouter le concert. On a filmé, on a enregistré, on voulait vraiment avoir cette proximité avec les gens qui dansent autour, pour un peu retranscrire l’énergie des soirées de musique électronique.

LFB : Le morceau tel qu’il est pour le clip c’est la version définitive ?

marta
Joachim Baumerder : En gros, il n’y a pas que Bip, il y a tout le concert qu’on a tourné, on a juste pas tout sorti sur les réseaux mais on a fait une captation du concert entier. Nos morceaux, on les adapte un petit peu en live quand même, pour pas que ce soit un copier-coller et aussi parce que en live on se permet de jouer un peu plus longtemps sur certaines parties, et parfois de monter aussi d’un cran l’énergie pour que ça s’adapte au live et que ce soit plus énervé.

LFB : Je comprends mieux l’idée, c’était effectivement toute une captation.

marta
Joachim Baumerder
 : Oui, et après on a coupé dedans.

LFB : Donc je sens qu’il va y avoir d’autres live sessions qui vont sortir !

marta
Joachim Baumerder : Complètement, là on est en pleine préparation du deuxième EP du coup, on est en pleine écriture, et comme disait Simon, ça va être plus techno qu’électro, et donc là on est en train de réfléchir effectivement à tourner une deuxième live session dans un autre appart.

On a trop hâte de ça. Je pense que l’EP, il va peut-être sortir courant janvier, quelque chose comme ça, ce n’est pas défini encore, mais ça sera en début 2026, on aura un nouvel EP.

Et voilà, il y a plein de super actus qui vont arriver dont une grosse release party. On ne peut pas trop en parler, mais ça va être vraiment une grosse release party parisienne, avec un chouette concept, on en reparlera quand ça se passera, quand ça sera annoncé !

LFB : Et pour la dernière question, est-ce que vous avez des coups de cœur, que ce soit dans la musique, au cinéma ou même dans la littérature ?

marta
Simon Lacouture : Alors cinéma, moi j’ai trippé sur Le Projet Blair Witch, j’ai eu hyper peur. Ça n’a rien à voir avec ce qu’on fait, mais… J’ai trouvé ce film incroyable ! A combien était le budget ? 60 millions. 70 000 dollars. C’est rien. C’est une masterclass. Réponds toi, moi je réfléchis en musique.

Joachim Baumerder : Je réfléchis aussi. Si, en plus, j’ai maté un truc il y a pas longtemps qui était hyper cool, je ne sais pas ce que c’est.

Simon Lacouture : Ah si, moi, en vrai, j’ai trippé sur le dernier album de Odezenne. Il est trop bien. Ah ouais, aussi, j’ai trippé sur le dernier album de Empty7. J’ai vraiment trop kiffé. Ouais, c’est un peu mes deux derniers coups de cœur.

Joachim Baumerder : Si, j’ai redécouvert un album… Il y a pas très longtemps, qui est sorti il y a longtemps de Jon Hopkins, qui s’appelle Immunity.

Simon Lacouture : Ah, j’avoue.

Joachim Baumerder : Qu’on a pas mal poncé avec Simon. Qui est incroyable.

Simon Lacouture : Ouais. Une masterclass.

Joachim Baumerder : Mais voilà, ce sera mon coup de cœur.

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