Les clips de la semaine #274 – Partie 3

La musique ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine, La Face B vous sélectionne les clips qui ont fait vibrer ses yeux et ses oreilles. Exceptionnellement cette semaine, on vous offre une troisième partie de notre sélection des clips de la semaine

Miel de Montagne Feat Ultra Girl – Más Cerquita

Miel de Montagne revient avec un nouveau single inédit et totalement inattendu : Más Cerquita, en collaboration avec Girl Ultra. Ce morceau est une rencontre unique entre deux univers : la pop française légère et spontanée de Miel de Montagne, et l’indie sensuelle et magnétique de l’artiste mexicaine. Ensemble, ils livrent un duo improbable et romantique, à la fois onirique et dansant, jouant des contrastes pour transformer la distance en poésie musicale.

Más Cerquita est « une chanson sur le désir d’être proche, même quand des kilomètres nous séparent ». Entre Paris et Mexico, les deux artistes inventent un langage commun, une histoire mêlant français et espagnol avec une fluidité naturelle. La chanson s’articule comme une conversation intime, un échange amoureux, où les mots et les voix s’entrelacent sans barrière. Les paroles reflètent parfaitement ce ton : « J’aimerais pouvoir te dire que je suis près de toi, mais ce serait mentir de te faire croire que je suis là. Mon esprit est ailleurs, loin des yeux près du cœur. »

Le clip illustre cette alchimie subtile. On y plonge dans des instants simples, presque volés, comme si l’on vivait leur romance ou participait à leur date à travers l’écran d’un téléphone. Les images volontairement imparfaites, granuleuses presque floues, renforcent l’authenticité de chaque plan. 

Avec  Más CerquitaMiel de Montagne ajoute une corde à son arc et se montre plus aérien et romantique que jamais. Alors qu’il prépare la réédition de son album Ouin Ouin Ouin, prévue pour le 7 novembre, ce single s’impose déjà comme une passerelle poétique et magnétique entre Paris et Mexico, entre deux voix qui n’avaient peut-être qu’un morceau pour se rencontrer.

Yolande Bashing – Le Tarif

Découverte cette semaine du deuxième extrait du nouvel EP de Yolande Bashing, à paraître le 10 Octobre prochain. Le Tarif, c’est un hymne à la solidarité face à la brutalité du monde et à la violence sociale.

On imaginerait d’ailleurs sans problème le refrain devenir un chant de manifestation (et le morceau sort en pleine période de contestation sociale, tiens donc comme par hasard). On espère que vous irez vous époumoner en le chantant place de la République ou à votre endroit préféré pour revendiquer des choses.

Dans l’esthétique, on vit un vrai retour en arrière avec des inspirations très années 80, comme une référence à l’époque des derniers grands progrès sociaux avant l’ère néo-libérale (la retraite à 60 ans, on s’est battu(e)s pour la gagner, on se battra pour la garder).

Côté images, on est en plein dans cette vague rétrofuturiste entre minitel et réalité virtuelle analogique. Les idées fonctionnent toutes, et nous confirment la très bonne direction prise par le chanteur Nordiste pour ce nouveau disque qu’on attend avec autant d’impatience que la démission du président.

Ino Casablanca – Dima Rave

En dialecte marocain, Dima signifie “toujours” : une idée d’élan permanent, de flamme qui ne s’éteint jamais. Rave, lui, renvoie à la fête, à l’excès, à cette énergie brute des nuits électro. Réunis, ces deux mots donnent un titre qui sonne presque comme un slogan : toujours dans l’énergie, toujours dans la fête. C’est exactement tout l’esprit d’Ino Casablanca. Depuis Tamara, sorti en janvier 2025, il a prouvé sa capacité à fusionner influences et émotions, du Maghreb à l’Espagne, en passant par le rap et l’électro. Avec Dima Rave, il transforme cette intensité en manifeste : une fête sans fin, où l’émotion brute se marie à la puissance sonore.

Ce single agit également comme une vitrine pour son prochain projet, Extasia, un EP de 10 titres attendu pour le 10 octobre. Fidèle à sa méthode, Ino Casablanca prend le temps de peaufiner chaque détail et semble avoir trouvé son rythme de croisière. Comme dans sa musique, il affirme désormais une signature visuelle forte dans ses clips. Là où ses précédents projets, comme Tamara ou Ciao, My Love, jouaient sur l’intimité du huis clos, Dima Rave explore les interactions et les relations entre personnages. Le clip illustre parfaitement cette approche : une grande fête de quartier entre amis, composée de tableaux tantôt poétiques, tantôt brutaux, truffés de détails qui reflètent la richesse de son univers.

Avec ce premier single, Ino Casablanca confirme qu’il veut terminer l’année sur la même intensité qu’il l’a commencée. Dima Rave laisse entrevoir un EP fidèle à l’esprit de Tamara : curieux, audacieux, voyageur, et terriblement efficace. L’artiste semble plus sûr de lui que jamais, capable de mêler avec fluidité émotion et énergie, héritage et modernité, intimité et collectif. 

Sleaford Mods – Megaton

Comme tout bon quarantenaire désabusé, le duo le plus déjanté d’Angleterre remet les pendules à l’heure en s’attaquant à l’aliénation et à la désinformation qui pullulent sur les réseaux sociaux.

Avec Megaton, leur nouveau single, Sleaford Mods frappe en plein cœur sans jamais sombrer dans le prêche moralisateur ni la récupération facile. Affûtés comme jamais, Jason Williamson et Andrew Fearn montent sur leur escabeau dominical pour clamer une solidarité sans frontières, au beau milieu d’un parc anglais. Megaton résonne comme un cri du cœur face au chaos mondial, porté par des basses électroniques lourdes et implacables.

Entre les images insoutenables de génocides et l’ego-trip permanent, les réseaux sociaux ont normalisé un cynisme qui nous détourne de l’entraide. Sleaford Mods renverse la table : tous les bénéfices de ce titre seront reversés à Civil War, une association qui vient en aide aux enfants plongés dans des situations critiques. Aucune excuse alors : streamezMegaonn en boucle

Milky Chance – Wonderful Life

Milky Chance revient cette semaine avec “Wonderful Life” de Black, offrant une réinterprétation lumineuse et groovy du classique popularisé par Katie Melua. Ce morceau, extrait de leur mixtape Trip Tape III sortie en septembre 2025, illustre parfaitement l’art de transformer un hymne mélancolique en une célébration de la beauté simple de la vie.

Pourquoi avoir choisi cette reprise ? Comme le dit le duo : “C’est notre version de ‘Wonderful Life’, une chanson que nous aimons depuis longtemps. Elle parle de ces moments calmes dans la vie qui restent pourtant remplis de magie. Même lorsque les choses semblent lourdes ou que l’on est seul, il y a de la beauté tout autour. Parfois, il suffit simplement de se tenir au soleil et de laisser la vie être merveilleuse.”

Le duo allemand, célèbre pour sa fusion unique de folk, électro et reggae, y imprime sa signature sonore : une instrumentation aérée, une rythmique détendue et la voix chaleureuse de Clemens Rehbein. L’atmosphère évoque une balade ensoleillée où chaque note semble capturer un rayon de lumière. Dès les premières notes de guitare, le groove entêtant nous invite à chalouper, bientôt rejoint par le beat et une basse subtile qui enrichissent progressivement la texture sonore. Puis la voix de Clemens, teintée de reggae, nous emporte dans ces paroles comme si nous les découvrions pour la première fois. Des paroles, à la fois introspectives et optimistes, explorent la solitude et la quête de sens tout en révélant la magie des moments simples : “Here I go out to sea again / The sunshine fills my hair / And dreams hang in the air”

Le clip de Wonderful Life, réalisé par Milky Chance, prolonge magnifiquement cette atmosphère. À travers les lunettes d’aviateur de Philipp Dausch, on suit un voyage sensoriel et visuel où ciel, désert, montagnes et sable se succèdent, comme un road trip onirique à moto, en avion, en vol d’oiseau, on ne sait pas mais on adhère. Les halos de lumière et les paysages entre réel et rêverie créent une immersion totale, comme un flottement. Le clip se conclut sur un zoom arrière élargi. Chaque plan du clip nous invite  à ralentir, à observer et à apprécier la beauté autour de nous.

Avec Wonderful Life, Milky Chance transforme un classique en une ode à la sérénité et à l’émerveillement quotidien. Ils ont cette capacité à réinventer les standards tout en restant fidèles à leur identité musicale. Quelle reprise pêchue et réussie, à la fois surprenante et immédiatement addictive.

Katrine Noel – Sandwich aux tomates

Tu connais une bonne recette de Sandwich aux tomatesKatrine Noel, aka la “grande” des Hay Babies, oui.

Dans ce clip très bucolique, on retrouve Katrine la jardinière qui nous raconte ses récoltes, vante ses beaux bons légumes et partage le plaisir de travailler la terre, le tout dans un enrobage country-folk hyper invitant. Difficile de ne pas chanter avec elle l’iconique refrain : « Chu pas bonne en sciences ni bonne en maths, mais je sais que y’a rien qui peut battre un sandwich aux tomates ».

En parlant de ça, je pars m’en faire un avant que ne commence l’hiver.

Primevère – Cérémonies

Primevère s’apprête à dévoiler son troisième projet, sobrement intitulé III, le 31 octobre prochain. Et ce n’est pas un retour sans Cérémonies, puisque c’est précisément le titre du premier extrait dévoilé cette semaine.

Sans fioritures Cérémonies vise juste et nous rappelle ce que l’on aime chez Primevère : cette façon de raconter des histoires, de chercher le mot juste de manière, de raconter des histoires personnelles de manière poétique tout en poursuivant une quête musicale où la recherche d’épure se mêle à des expérimentations DIY et à un attachement particulier à un environnement organique qui renforce tout à la fois la chaleur de sa musique et sa profonde mélancolie.

Cérémonies peut faire l’effet d’un gros câlin après une crise de larmes, on a de la peine et les yeux rouges mais l’on se dit que malgré tout, la vie continue et qu’il faudra bien faire avec.

Pour l’accompagner, Sylvain Maino et Romain Benard nous offre une vidéo en forme de long plan séquence dans laquelle Romain se transforme en un crooner, un peu loser, un peu américain et surtout totalement perdu. S’en suit un lypsinc un peu foireux dans une démarche un peu gauche, surjouant le rôle du chanteur habité. La vidéo bascule alors que les habits de scène sont quittés et qu’on suit Primevère jusqu’au toilettes.

S’en suit une scène étrange où le présent croise le futur et que le second prend la place du premier sur scène laissant apparaitre une vie cloisonnée dans un rôle qui ne semble pas lui convenir totalement. Un instant étrange et une réflexion sur le rôle d’artiste et du temps qui passe.

PARADOXANT – Jamais sans personne

Il y a des morceaux qui nous prennent par surprise pour ne plus nous lâcher. Que ce soit pour leur force, leur intention, leur message ou une globalité qui rend le tout à la fois étrange et attachant.

Issu de leur album DEUX, Jamais sans personne de PARADOXANT fait parti de ces morceaux. Transformer le chaos du monde en chaos sonore, c’est un peu ce qui pour nous ressort de ce morceau. Une agressivité organique et sauvage qui nous prend en otage pour mieux nous secouer et nous faire réfléchir sur les choses qui nous entoure. C’est frappé, sauvage et ressemble autant à un morceau de musique qu’à une œuvre d’art moderne.

Et quoi de mieux pour l’accompagner que de tourner un clip dans les rues de la ville qui représente à la fois le bruit et l’activité : Paris. Caméra au poing, Yoann Stehr nous emmène dans les pas du chanteur de PARADOXANT pour une promenade sonore et éreintante.

Esthète visuel, le réalisateur multiplie les effets et les plans pour nous entrainer dans cette jungle urbaine en perpétuel mouvement et extension dans laquelle on passe tous inaperçu et où l’on finit par se noyer et disparaitre, même en portant la tenue la plus étrange du monde.

Que ce soit dans le son ou dans l’image, Jamais sans personne est une expérience dont vous ressortirez changé.

Wednesday – Townies

Pour accompagner la sortie de son nouvel album Bleeds, le groupe d’indie rock Wednesday dévoile le clip de Townies. Côté production et réalisation, c’est le vidéaste américain Lance Bangs qui s’y colle. Il a déjà collaboré avec de nombreux groupes de rock US tels que Sonic Youth ou Pavement. Lance Bangs est fortement associé à l’esthétique MTV des années 90 ainsi qu’à la série Jackass.

Alors ici, pas vraiment de surprise niveau réalisation mais le rendu est hyper efficace, en mode backyard show déjanté dans l’Amérique profonde pour accompagner le meilleur titre de l’excellent Bleeds. Au début du clip, la chanteuse du groupe, Karly Hartzman, distribue des flyers pour un concert de Wednesday à venir. Pendant la distribution, Karly dépose la cassette d’un film X dans une boîte à livres. A première vue, il s’agit de l’humour lourdingue typique du Lance Bangs derrière la caméra.

Mais dans Wednesday, comme dans ce clip, c’est le style ultra narratif de Karly Hartzman qui est aux manettes. Townies est un titre hardiment féministe et décrit la sexualité des jeunes femmes, souvent utilisée contre elles. C’est pendant le deuxième refrain que l’univers visuel des sorority rushes (recrutement de sororités étudiantes, généralement en première année de fac aux Etats-Unis) rencontre celui d’une backyard party filmée à Durham en Caroline du Nord. Au milieu du jardin, trône un jacuzzi bricolé dans une piscine gonflable, avec un moteur de bateau pour faire les bulles. Karly Hartzaman l’assure : “personne n’a eu les jambes coupées au cours de l’opération”.

Eléonore Fourniau – Laye Laye

Eléonore Fourniau poursuit son travail sur l’héritage musical kurde. La chanteuse et joueuse vielle à roue dévoile le clip de Laye Laye, tiré de son dernier album Neynik.

C’est le musicien Mazhar Khaleghi qui inspire cette version d’un morceau traditionnel en sorani, un dialecte kurde d’Iran et d’Irak. Nous retrouvons Eléonore Fourniau non loin de cette région. Puisque le réalisateur Ali Bagdu filme l’artiste dans un hôtel de Mardin, une ville à majorité kurde dans le sud de la Turquie, à quelques kilomètres de la frontière syrienne.

Le cinéaste a aussi réalisé d’autres clips d’Eléonore Fourniau, comme Raze. Ce qui donne un caractère uniforme, un sentiment de continuité dans la colorimétrie et le travail de photographie.