Coline Rio, Tout près du cœur

Coline Rio a sorti son deuxième album Maison le 10 octobre dernier. C’est un chemin vers la lumière, au cours duquel l’artiste Nantaise change de peau, de voix, et essaime généreusement quelques moments de grâce. Alors, rendez-vous à la maison, là-bas, derrière les rochers. Promis, le voyage en vaut le coup.

Sur la pochette, elle tient tout près du cœur la devanture d’une maison en bois. Elle est debout sur un récif et ses yeux sont fermés. L’ombre d’un sourire. Elle a l’air d’avoir trouvé une paix intérieure. Ça n’est pas pour jouer à la description d’image que je l’écris, c’est plutôt qu’il me semble que rarement une photographie aura si bien résumé le disque dont elle est la pochette. Coline Rio, cela fait un moment qu’on l’écoute. Je me souviens d’avoir entendu ses premiers morceaux un peu avant le confinement. Est-ce-que cela fait de moi un fan de la première heure ? Peut-être pas, mais j’aime le penser.

Jusqu’ici, ses chansons avaient incarné des capsules d’une douceur généreuse ; une douceur non pas mièvre, mais puissante, assumée. Un choix : une manière de prendre soin du monde. Puis il y a quelques semaines, Manteau chagrin est sorti. C’est le deuxième morceau de l’album. Dans les notes à l’intention de la presse, il est écrit que c’en était un invité inattendu, un morceau né dans les tous derniers jours du processus d’enregistrement. C’est aussi l’un des plus beaux. De ceux dont l’écriture semble la plus urgente.

Cela fait partie du jeu des chansons. Quand un artiste que l’on aime a le cœur brisé, on se sent pris d’un curieux sentiment d’injustice – se demandant qui, désormais, prend soin de Coline Rio comme elle a pris soin de ses auditeurs -. Comme lorsqu’un ami vous raconte sa rupture, et que l’on se sent enclin à prendre son parti avant même d’en connaître le contexte. Force est de constater que l’on ne connaît pas, ici, Coline Rio. Mais le manteau chagrin qui entoure son cœur n’a de cesse de briser les nôtres, avant d’être reconstruits tout entier par les mots qui achèvent le titre. Retrouver le soleil dans ma voix, écrit-elle. Et elle a, ce faisant, des mécanismes vocaux jamais entendus jusqu’alors. Signe favorable qu’une mue s’effectue, qu’une métamorphose s’amorce.

Une mue qui se poursuit dans les titres suivants. Maison, une course effrénée à la quête d’un foyer intérieur, puis Lettre à soi. Ici, il faut s’arrêter un peu. J’ai souvent pensé que les plus belles chansons étaient celles qui ignoraient leur public : celles qui étaient faites avant tout pour répondre au besoin intime de leur auteur.e. Que c’était à ce prix qu’elles étaient vraies. Je me garderais bien de dire que Coline Rio ignore son public, mais ce qui est certain, c’est qu’ici encore, la nécessité d’écrire pour elle même est palpable. Et qu’elle est belle. Marcher, c’est bien, c’est beau/Marcher ça fait grandir, elle écrit et je me suis répété à moi même cette phrase une paire de fois pendant le mois de septembre. Ralentir un peu. Trouver la justesse du foyer intérieur, ne pas se précipiter.

Tout au long de l’album, on admire la qualité de sa réalisation, conçue à deux mains avec Stan Neff – déjà admiré plus tôt dans l’année avec Mathieu des Longchamps -, plus l’apport de quelques musiciens, notamment Raphaël Chassin à la batterie. C’est brillamment fait, on ne sait pas comment mieux dire. Cela sonne comme un foyer de bout en bout, et sur le titre qui suit comme sur les autres. Grand-mère pourrait-être une manière de prologue au Ma mère du premier album. Mais ici, la présence chaleureuse n’apparaît qu’en rêve – presque comme la voix de Coline Rio en double-tracking, brumeuse et réconfortante tout à la fois.

Ici et là du réconfort trouvé dans les autres – la chaleur de la lutte de Nouvelle Lune, la sororité des Louves -, puis un plaidoyer pour l’amour (Ami-amant). Et l’on arrive bientôt de l’autre côté du chemin. La maison intérieure, c’est à dire celle qui est de nouveau prête à rayonner sur le monde, se laisse apercevoir dans un morceau chanté et écrit en duo avec Barbara Pravi. C’est un manifeste qui s’appelle La gentillesse. Où l’on retrouve la Coline Rio que l’on connaissait, celle qui choisit de prendre soin. « Peut-être qu’un jour tu comprendras/la force qu’il faut pour retirer les ronces/des fleurs aux couleurs bleu de Prusse« .

Le soleil de septembre se pointe enfin en bout d’album, et il éclaire tout. C’est la fin de l’été, et l’on goûte ses rayons qui illuminent une peau renouvelée. Comme un cycle qui s’achève, le deuil est fait. Coline Rio retrouve le sens de qui elle est, et n’a plus peur de regarder la lumière dans les yeux, celle qui irradie désormais la voix et la musique. Le foyer est là, luminescent et chaleureux. Tout près du cœur.

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