C’est un projet qui dérange, bouleverse et libère à la fois. Tout le monde en parle en ce moment : Pretty Dollcorpse de Ptite Soeur, Femtogo et Neophron. Sorti le 10 octobre dernier, l’album transforme la douleur en art, la vulnérabilité en force, et prouve qu’au-delà du style, le rap reste d’abord une affaire d’émotion vraie.

Là où certain·es diront que Pretty Dollcorpse n’est pas du rap, ils se trompent lourdement. Pas parce que vous n’aimez pas l’hyperpop, ni parce que les voix robotisées vous dérangent, mais parce que ce projet incarne l’essence même du rap : la liberté totale d’expression.
Avec leur concept assez simple d’iceberg, Ptite Sœur, Femtogo et Neophron déroulent une tracklist pensée comme une descente progressive — du plus accessible au plus brut, du cute au chaos. Le début frappe fort : egotrip, productions saturées signées Neophron (présent sur tout le projet), ambiance New Wave. Une violence sonore qui reste pourtant lisible, presque séduisante.

Et puis, peu à peu, la glace se fissure. Pour quelqu’un comme moi, qui connaissait à peine Femtogo et encore moins Ptite Sœur, la plongée devient intime : les souvenirs remontent, l’enfance se dévoile, les cicatrices s’exposent. Plus on avance, plus les morceaux deviennent sombres, introspectifs, presque thérapeutiques.Femtogo y fait d’ailleurs son coming out. Parler de ces sujets, sûrement pas une première dans le rap français, certes, mais en faire le cœur battant d’un projet collectif, c’est rare, courageux, et profondément nécessaire.
Ces traumas, il et elle les évoquaient déjà, mais souvent entre les lignes. Ici, tout est dit, tout est montré. Pretty Dollcorpse n’est pas qu’un projet musical : c’est une tentative de réconciliation. Une manière de réhabiliter la sensibilité comme une force, et de rappeler que le rap, avant tout, reste un espace de liberté et d’humanité.
C’est exactement ce qui m’a touché dans Pretty Dollcorpse : Musicalement, ce n’est pas forcément mon univers, mais l’écriture m’a mis une claque — assez forte pour me faire aimer le projet. Je ne ferai pas partie de ceux qui répètent que “le rap d’aujourd’hui ne dit plus rien”. Disons plutôt que les nouvelles générations ont déplacé le curseur : elles préfèrent explorer les textures, les émotions, les hybridations, plutôt que de s’enfermer dans le culte du texte. Et c’est très bien comme ça.
Mais ici, les trois artistes rappellent à quel point les mots peuvent encore tout retourner. Leurs textes respirent, évoquent, confessent. Ils ramènent le rap à ce qu’il a toujours été : une histoire de résonance, où les phrases continuent d’écho longtemps après que le son s’arrête. C’est peut-être ça, la vraie beauté du rap, quand la sincérité d’une phase frappe plus fort que les sonorités
Leur album commun rappel cruellement à quel point les sujets abordés sont souvent mis à silence : la prostitution pendant l’enfance, le vi*l, le pedopiégeage (grooming), la dysphorie de genre, l’homophobie et la transphobie. Comme certains, je ne dirais pas que c’est le meilleur projet de l’année. Je dirais plutôt que ça sera probablement l’un des projets les plus importants.
Mention spéciale pour le dernier son du projet : Le Môme
Retrouvez sur Instagram : Ptite Soeur, Femtogo et Neophron et sur La Face B notre chronique de RED႟UN