Nous Etions Une Armée pose le sublime

L’amour des formats courts a ses limites. Nous Etions Une Armée a (enfin) dégainé l’album ; mais le ciel est sublime. Un premier album qui nous hante et ce, pour longtemps. On y retrouve tous les bons ingrédients qui font la solidité du projet Nous Etions Une Armée. Le pouvoir des beaux mots, le romantisme certain, les émotions bouleversantes… Un extase puissant sans limite. Rendez-vous le 20 novembre à la Maroquinerie.

Comme un dernier message avant de s’enfoncer dans l’âme tourmentée, comme un vocal désespéré, une fois n’est pas coutume. Une brève introduction qui annonce la couleur : de l’or sous la peau. Pas de musique, juste la voix brute de Léo Nivot dans un dictaphone qui semble recouvert d’un tissu.

Territoire perdu dont on vous parlait il y a quelques semaines apporte le début de ce qu’on pourrait qualifier d’« histoire ». Un morceau qui nous a happé dès la première écoute. Pour ce qu’il raconte, pour ce qu’il provoque en chacun de nous, il résonne si fort. Aussi politique qu’intime, territoire perdu pose les prémices des énigmes sémantiques des chansons de Nous Etions Une Armée avec sa boucle mélancolique implacable.

Ne pas regarder en bas convoque le vertige des émotions. Tout en figeant une espèce de mantra, les mots de Léo sont en miroir avec l’instrumentation, la voix qui s’élève dans le refrain, la guitare avec. Comme des dynamiques en crescendo permanentes avec des envolées presque bruitistes. Une chanson sur fond de résilience finalement.

Tel un train qui avance à pleine vitesse, mais le ciel est sublime qui donne son nom à l’album vient faire bouillir l’intérieur tout en se voyant alléger dès les notes de synthé plus aigües. Mais la rythmique rigoureuse vient entretenir la gravité auquel le propos se mêle. Mais le ciel est sublime entre dans le registre de ces chansons qui nous chamboulent sur l’album.

Notre protagoniste est désormais intimement brisé. Brisé en 4 c’est comme un aveu sensible d’un amour déchu. Cette guitare sèche qui crierait – lorsqu’elle se fait électrique – en silence et le piano doux. Le morceau dispose d’une rythmique discrète que l’on visualise comme des pas dans le sable. Le vent qui souffle au loin. La réflexion autour de cet amour déçu se poursuit dans le poignard dans le <3  – oui oui c’est écrit comme ça ! -. On ne peut s’empêcher de se remémorer alors toute la décharge qu’a engendré la théâtralité de l’interprétation de cette chanson au concert du Point Ephémère, atténuée ici avec les effets sur la voix de Léo Nivot. La colère se dissipe peu à peu. Un morceau qui s’offre une  rythmique introductive puissante à la basse, un virage post-rock qui prend par surprise au refrain et ça nous électrifie.

Puis, il y a ce train que l’on prendrait bien, dans lequel on sauterait bien, pour peu qu’il soit au ralenti. Celui où une fois dedans, on voudrait que tout s’arrête. Justement c’est le titre ; J’aimerai que tout s’arrête. Une histoire allée trop vite en besogne ? On quitte les ambiances post-rock pour un semblant de balade. Une chanson pour les absent(e)s, pour les disparu(e)s, pour les délaissé(e)s ? Et comme un apaisement, on ira chanter une chanson d’amour (comme une autre), celle qu’on chante une fois la tête haute, à la lumière d’un nouveau lendemain.

La psychiatre suisse Elisabeth Kübler-Ross a formalisé 5 étapes – plus ou moins longues – qui temporisent autant qu’ils fondent le deuil : le déni, la colère, le marchandage, la dépression et enfin, l’acceptation. Nos oreilles se sont concertées avec le cœur pour soupçonner que peut-être un peu trop fort se rapprocherait de la phase d’acceptation. Un morceau à nouveau déchirant parce qu’il résonne avec notre vécu – sans aucun doute permis, même -. Le morceau est comme une piste en boucle, au tempo à deux vitesses avec des coupures abruptes comme un poing qui taperait sur la table à chaque épreuve mentale, à chaque fois que le cœur se refuse à entendre la voix de la raison. Et la mer au loin, balayant les larmes de soulagement.

C’est ici que trouve sa place heureux comme un roi à la percussion feutrée, créée une source de lumière progressive à mesure que la guitare qui tire dans les aigues se fait entendre. S’attarder sur le moment présent et la beauté de l’instant, telle est la quête. Dans le refrain, Nous Etions Une Armée nous surprend avec des chœurs chantés et en langue anglaise ! La phrase n’est pas des plus audibles distinctement mais on semble capter au vol « alone ».

Comme dans un sas doux, plus vivant que jamais donne la part belle au piano pour installer à nouveau une ambiance post-rock où Léo Nivot par ses cris, se relève, célèbre toute l’intensité de la vie et crie tout son bonheur de renouer avec la lumière. Ce même piano, on le retrouve sur chez moi. Comme un miroir tendu à territoire perdu, chez moi est plus lente, plus contemplative et officie comme une grande respiration, un interlude.

Et enfin, c’est vraiment la fin. Minimaliste à son tour, elle répond à de l’or sous la peau. Cette fois-ci c’est un guitare-voix pour signifier la fin comme un dernier poème. « On réalise toujours trop tard » / « Je t’ai tellement aimé » comme un nouveau mantra, une veste qu’on enfile avant de (re)partir dans la ruelle imaginaire d’un nouveau territoire plus lumineux.

Mais le ciel est sublime était follement attendu. On le vit comme la bande originale d’une session d’urbex intérieure, une chanson pour chaque recoin du cœur, les mots clamés intensément par Léo nous déstabilisent autant qu’ils nous renforcent. Un album où chaque détail prend sa puissance. Chaque mot prononcé et la sensation qu’une larme va couler. Nous Etions Une Armée nous fait frémir à chaque fois, nous bouleverse, ils le savent. A toi petit cœur à la dérive, laisse-toi saisir, réapprends à chérir les absents comme les présents et à te relever au milieu du chaos parce que malgré les nuages, rappelle-toi que, si Zaho de Sagazan chante qu’il fait toujours beau au-dessus des nuages, Nous Etions Une Armée complète son propos en clamant que le ciel est sublime.

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