Se prouver que chaque étape de la vie peut être un renouveau : Deadbeat de Tame Impala est une excellente manière de saisir cette idée.

Premières écoutes et émergence du son
Il nous a fallu plusieurs écoutes pour enfin accrocher au dernier projet de Kevin Parker et en dessiner les contours. Cela n’aura échappé à personne : le musicien enrichit ici sa palette sonore déjà bien garnie, ajoutant des textures et des nuances inédites.
Cinq ans après The Slow Rush, qui apparaît comme le bouquet final de ce qu’il avait accompli avec Currents (2015) et Lonerism (2012), ce nouveau disque mélange l’imagerie sonore qu’il sculpte depuis plus d’une décennie, au service d’un son plus électronique, plus distant, et pourtant intensément vivant.
Rares sont les artistes capables de titiller autant notre curiosité, quelle que soit la direction empruntée. Avec Tame Impala, nous avons toujours l’impression de faire face à une idée complexe, à une âme encore insaisissable. Ne pas tout comprendre dès les premières écoutes fait partie de l’expérience : c’est le voyage lui-même qui compte, cette sensation de se perdre volontairement pour mieux se retrouver.
L’intime et le luxe de l’expérience
Avoir Tame Impala dans ce vaste paysage musical est un luxe rare, un phare dans un monde souvent trop sonore et uniforme. Il est ce point lumineux que nous suivons par instinct, nous guidant vers un univers encore insoupçonné.
Aimer et suivre le travail du musiciens nourrit en nous l’envie d’explorer, de partir à l’aventure, dans tous les domaines de notre vie. Chaque découverte, plus précieuse que la précédente, nous donne la force de construire ce que nous souhaitons pour nous-mêmes, d’oser franchir des frontières intérieures.
Au début, les anciennes habitudes referont surface, parfois brusquement, rappelant ce que nous pensions avoir laissé derrière nous. Comme dans My Old Ways, il faut les embrasser, non pour les effacer, mais pour les faire évoluer. Le piano aux vagues sautillantes rappelle que l’organique d’antan reste présent, cette fois au service d’une musicalité plus intime, plus réfléchie, presque caressante.
Le cœur, le partage et la transformation
L’intime se vit à la fois en soi et auprès de ceux que l’on aime. Il faut permettre à ces proches de comprendre, avec douceur, l’évolution amorcée en nous, sans imposer notre rythme ni nos peurs.
Trouver l’équilibre entre transformation personnelle et énergie donnée aux autres est un exercice délicat. No Reply illustre ce désarroi, cette envie mêlée de crainte de blesser ceux que nous aimons, cette tension entre le désir d’avancer et le poids de nos attaches.
Le parcours initiatique peut se faire seul, mais il prend tout son sens lorsqu’il s’achève entouré et réchauffé par la présence des autres. Sans cela, nous pourrions nous sentir isolés, incompris, dérivant comme des Dracula modernes dans l’infini de nos transformations, à la fois puissants et vulnérables.
Expression et reconstruction
Cette évolution peut se manifester de différentes façons : Dans Loser, par une théâtralité presque shakespearienne, où le désarroi et le désespoir s’expriment pleinement, presque comme un cri lancé dans le vide. Puis, dans Oblivion, par une énergie dansante et ouverte à l’autre, montrant que malgré ce que nous devons déconstruire et rebâtir, nos pensées restent proches de ceux que nous aimons, attentives à leurs besoins comme aux nôtres.
Le temps est nécessaire pour que chacun fasse son propre chemin. Une phase étrange commence alors, presque comme un purgatoire, un espace suspendu où notre instinct tente de maîtriser l’incertain. Il faut l’accepter pour continuer à grandir, même au milieu de paysages dérangeants, pour trouver la beauté au cœur de l’inconnu.
Le refuge et la mémoire
Not My World embrasse cette incertitude avec frénésie. Elle rappelle que rien n’est jamais acquis et que traverser les zones d’ombre fait partie de la quête de soi. La nostalgie, comme un remède ou un poison, nous aide à accumuler les souvenirs nécessaires pour retrouver un instant de paix, capable de traverser les moments les plus sombres.
Piece of Heaven incarne ce refuge : un lieu onirique, où le toucher, l’odeur et la chaleur sont presque réels, où aimer et se sentir aimé devient tangible. La musique y devient un espace tangible, une bulle où l’âme peut respirer.
Obsolete agit comme une lettre, preuve de présence et témoignage d’une nouvelle compréhension. La croissance personnelle devient alors compatible avec le partage et l’amour, un équilibre subtil entre introspection et ouverture à l’autre.
Danse, miroir et apprentissage
Ethereal Connection nous invite à danser ensemble, à célébrer notre renaissance et à la mettre au service de nos besoins. Mais il arrive que nous soyons confrontés aux images du passé dans un miroir face à nous : un instant brutal mais nécessaire pour mesurer notre évolution.
Ce détour révèle la peur de l’incertitude, mais il est aussi le signe que nous avons grandi. Chaque souvenir et émotion passée devient une étape indispensable vers l’acceptation et la renaissance
Bouffée d’air, fin de cycle et renouveau
See You On Monday (You’re Lost) rappelle notre humanité, avec ses qualités et ses défauts, et éveille nos doutes. Les obstacles et les inquiétudes sont là, mais ils peuvent être affrontés plus sereinement, comme une tempête que l’on traverse pour atteindre un ciel plus clair.
Afterthought offre un souffle d’air frais et d’espoir. La fin d’une ère approche, inévitable mais riche d’enseignements. Ce qui reste flou et ce qui est compris se fondent en un tout cohérent, comme un cycle musical qui se répète tout en se transformant.
End Of Summer clôture le cycle, annonçant des jours plus radieux, tandis qu’au final, l’album Deadbeat nous apprend l’acceptation de l’humain dans sa fragilité et sa beauté. L’évolution reste toujours compatible avec ce que nous avons déjà, et l’amour continue de nous porter, lumière persistante dans nos vies en mouvement.