-ii- se prononce two eyes. C’est le nom sous lequel ont choisi d’officier les nancéiens Hélène Ruzic et Benjamin Racine. -ii- est un projet venu des ténèbres, des lointaines contrées fantastiques voire des forêts dignes de celles des Carpates. Les deux artistes se sont retrouvés autour d’un nouvel album intitulé Apostles of the Flesh où un univers gothique cinématographique s’entremêle à des sonorités qualifiables de tribales.

C’est bien ce qualificatif qui vient à l’esprit dès l’ouverture The Birth of Venus dès que l’on entend les premières notes des percussions. La voix pure d’Hélène Ruzic se révèle comme une source de lumière. Cette introduction pose un décor oscillant entre les ruines et le renouveau.
Une basse lourde, des percussions raides voilà les ingrédients introductifs de Digging for blood. Le morceau délaisse les paysages désolés pour une forêt à l’heure où le soleil rougeâtre décide de céder sa place à l’astre lunaire. Le morceau s’achève sur une cacophonie métal.
Lotis est une entrée dans un temple où l’on se fait surprendre plus d’une fois par des apparitions bruyantes. Le morceau s’installe dans une dynamique progressive du plus doux au plus chargé, les sursauts pour installer une ambiance décidément sombre dans laquelle des bribes d’indus commencent à se poser. Et les cordes reviennent en fermeture pour distiller un peu de lumière.
On retrouve la veine indus dans l’introduction de Sisyphus in red et comme un chant de séduction qui dompterait son environnement, l’ambiance évolue, pour s’humaniser, assumer une transformation. Plane toujours le mystère de ce paysage.
Pour The Fountain of Helicon, vous voilà désormais embarqués dans une grotte peuplée de stalactites qui laissent s’échapper des gouttelettes. Vous avancez dans une barque sans connaitre votre prochaine destination. La voix d’Hélène Ruzic votre fidèle source de lumière vous guide vers ce territoire qu’elle connait.
Cet interlude apaisant vous amène en douceur vers Pearls beneath the embers qui délaisse temporairement les grosses instrumentations. La voix se voile, le vent souffle, l’embarcation retrouve la voie vers une cascade, au bout de la grotte. Désormais Hélène Ruzic récite comme un poème L’Onde et L’Abysse sur fond de piano. L’eau de la cascade continue de couler.
Jusqu’ici très discret, un violoncelle s’invite à la fête comme un nouveau protagoniste. Where the diamons are hurled se ressent alors comme une urgence, une panique. Se laisser porter par la cascade serait donc notre seule issue ? Si c’est bien ça, alors on chavire la tête en avant. L’instrumentation se charge à nouveau, la voix se durcit.
Retournons à notre forêt et retrouvons les effets indus ! Sisters of the coven joue sur cette ambiance ambigüe d’apparente tranquillité que la guitare découpe pour petit à petit déshabiller le morceau pour ne laisser place qu’à la voix jusqu’à la reconduire au chaos.
Under the skin devient la recherche d’une issue. La voix est désormais coincée dans une tempête qui l’enveloppe. Sous cette nouvelle couverture mélodique puissante, la basse continue de vrombir pour mieux nous entrainer avec la voix qui nous rappelle celle de Björk.
Sous la lumière de la lune, la fuite : When the beauty is a crime. Oubliez l’urgence, pensez grandeur ! D’une longueur de plus de 8 minutes, le morceau est hybride. Une fois à mi-parcours c’est comme s’il aspirait toutes les ambiances de l’album, tendez l’oreille, vous entendrez cette espèce d’inhalation. Et lorsque vous aurez tout intégré, la lumière au loin vous attend, vous avancez à une vitesse ralentie mais vous y êtes presque.
La conclusion s’appelle Virginia’s mirror. Plus épuré, le morceau offre comme un moment de flottement ; était-ce un rêve ? Les paysages semblaient pourtant si réels…
Avec cet album à l’univers sonore dense, -ii- signe un opus intense. Apostles of the flesh est un véritable pot-pourri d’ambiances noires, ensorcelées empruntant autant au trip-hop qu’au métal en passant par le doom. La sorcière Hélène Ruzic joue avec l’auditeur en se faisant passer tantôt pour innocente lumière, tantôt pour possédée vampirique. Apostles of the flesh n’en est pas moins un album complexe, -ii- livre une expérience sonore, une œuvre totale à l’esthétique irréprochable.