ADN #1068 : BLEU DEATH

ADN : Acide du noyau des cellules vivantes, constituant l’essentiel des chromosomes et porteur de caractères génétiques. Avec ADN, La Face B part à la rencontre des artistes pour leur demander les chansons qui les définissent. La musique et la littérature sont intrinsèquement liées pour Adrien Durand aka BLEU DEATH. À l’occasion de la sortie d’Holy Shit, il lie les deux pour nous raconter ses influences.

Paul Westerberg –Stereo & Freedom de Jonathan Franzen


Il y a une dizaine d’années maintenant, je suis tombé amoureux de la musique des Replacements, comme pas mal d’emokids plus ou moins repentis. Le chanteur et tyran du groupe s’appelle Paul Westerberg et il est devenu un de mes songwriters préférés, capables de faire des petits tubes électriques. Son écriture est brute, et très belle et ses albums solos ont défini un peu le son que je voulais pour mon disque, genre de power pop/folk électrique fatigué. Westerberg est l’inspiration directe d’un des personnages de Freedom, mon livre préféré de Joanthan Franzen. Alors oui, je sais les romans sur le rock c’est comme les films sur la french touch, ça fait très peur. Mais pas celui-ci, récit d’un triangle amoureux sur fond d’échecs musicaux, d’ornithologie et de crise climatique.

Fiona Apple – When The Pawn… & Du lithium pour Médée de Kate Braverman.

Pendant ma vingtaine, j’ai snobé Fiona Apple que je trouvais trop mainstream. En réécoutant ses disques à la sortie de Fetch The Bolt Cutters, je me suis pris un énorme rappel de ce que les spécialistes ratent en faisant les malins. Avec le recul, When The Pawn est mon disque préféré de Fiona Apple, avec son côté piano bar cramé et hanté. Il y a un côté hyper puissant et en même temps humain et fragile. Je le relie à Du lithium pour Médée de Kate Braverman, une écrivaine qui raconte les dessous de Venice Beach dans les années 1960. C’est très noir et ultra-poétique.

Television –Marquee Moon & Un bestiaire de bouquinistes d’Aaron Cometbus


Le fait que Television ne soit pas considéré comme le plus grand groupe de rock de tous les temps me fascine. Ce disque est incroyable et tout y est…incroyable. Les parties de guitare sont folles, l’énergie aussi. Ce disque concentre tout ce qui a pu m’obséder dans la culture new-yorkaise. Quand Tom Verlaine est mort, les gens de la librairie Strand ont écrit un texte très émouvant pour raconter qu’il venait presque chaque jour fouiller les bacs de livres en soldes. Ça me fait penser à un autre livre que j’adore, le bestiaire de bouquinistes d’Aaron Cometbus qui raconte son expérience de bouquiniste à New York. Chaudement recommandé (et en plus il coûte pas cher).

Cat Power – Moon Pix & Stella Maris de Cormac McCarthy



Dans la réédition de Je n’aime que la musique triste, j’ai écrit que j’aimais quand les disques me maudissent, comprendre que l’émotion est si forte et si marquante qu’on ne peut plus rien faire ensuite (et encore moins écouter de la musique insignifiante). Cet album de Cat Power me fait exactement ça. Il y a ce côté fantôme du Sud profond, une forme de folie qui transpire, quelque chose de surnaturel. J’adore quand les chansons racontent des histoires. Un livre important au moment où j’ai fait ce disque est l’ultime roman de Cormac McCarthy, Stella Maris, qui forme un diptyque avec Le Passager. C’est un dialogue entre l’héroïne et son psy, qui raconte à la fois son inadaptation au monde, son amour pour son frère et la façon dont ses psychoses deviennent réelles.

Chat Pile – Remove Your Skin Please & David Vann Sukkwan Island


Le premier morceau du disque, The Hunt, est inspiré directement de Sukkwan Island, une lecture qui m’a énormément marqué où un père défaillant emmène son fils adolescent passer un an en Alaska, seuls face à la nature. Je me demande souvent quelle serait la BO des livres que j’aime. Dans ce cas-là, je pense à l’EP Remove Your Skin Please de Chat Pile. Le morceau Mask m’a donné envie de garder un son caverneux sur mes propres chansons.

 

Holy Shit de BLEU DEATH est à retrouver sur Bandcamp