III : le chef d‘œuvre cinématographique de The Lumineers

Depuis maintenant trois albums, le groupe folk originaire de Denver, The Lumineers, nous illumine par sa poésie et son lyrisme à travers des mélodies subtilement travaillées. Pour III, ils reviennent cette fois-ci avec un album concept, narrant le combat d’une famille contre l’addiction à travers trois générations : les Sparks. Un projet ambitieux et délicat, frôlant les limites de l‘œuvre cinématographique, important pour le groupe. En effet, le frère de Jeremiah Fraites et également ami de Wesley Schultz luttait lui-même contre des addictions : un sujet qui leur est donc familier et qui leur tenait à cœur.

« With drug addiction or alcoholism it really affects the individual and then it has a sort of fallout effect — similar to the effects of a radiation bomb — over time and over years and years, it continually tends to affect people’s loved ones »

Jeremiah Fraites

Chapitre I – Gloria Sparks

Tout commence par le titre Donna, la mère de Gloria, l’un de nos personnages principaux. Le titre met en place la dynamique familiale et l’atmosphère pesante de cette maison. Sur quelques notes douces et mélodieuses du piano de Jeremiah Fraites et sur la voix délicatement éraillée de Wesley Schultz, on y découvre une mère qui critique sa fille à la moindre occasion et ne soutient pas son mariage. Rapidement, Gloria sombre alors dans l’alcool et l’addiction. Le ton est alors donné et tout s’enchaîne dans Life in the City où Gloria ouvre peu à peu la boîte de Pandore. On y retrouve les chœurs et échos si familiers du groupe ainsi qu’un caméo des paroles de Sleep on the Floor tiré du précédent album : Cleopatra.

Le chapitre se clôture sur Gloria, titre phare de l’album et l’un des premiers dévoilés lors de la promo. L’addiction est alors bien présente et l’on ressent toutes les répercussions sur la famille de Gloria et notamment son fils, Jimmy. Un titre qui reprend cette fois-ci les codes tant appréciés du groupe : une guitare sèche et des accords grattés de façon hargneuse et rythmée, le tout arrosé des fameux chœurs que l’on retrouvait jadis dans Stubborn Love.

Chapitre II – Junior Sparks

Ce second chapitre nous fait sauter deux générations et l’on atterrit tout droit dans l’histoire de Jimmy, le petit-fils de Gloria. L’effet domino ne s’en fait ressentir que plus fort lorsque, dans Leader of the Landslide, l’on comprend que Junior réalise qu’il ne peut pas compter sur son père, Jimmy, luttant lui aussi contre les mêmes démons que sa grand-mère. Un morceau aux débuts très doux qui explose ensuite petit à petit, un peu comme une métaphore de la prise de conscience du personnage face à une routine qui ne lui convient plus et semble anormale.

Chapitre III – Jimmy Sparks

Le groupe nous fait ensuite revenir en arrière pour comprendre l’histoire de Jimmy, fils de Gloria et père de Junior. My Cell illustre le cercle vicieux que crée l’addiction : le repli sur soi et par conséquent, la solitude et l’isolement qui en découlent. Vient ensuite Jimmy, point culminant de cet album où la mélodie du titre est si simple et pauvre que l’on se concentre entièrement sur l’amertume et la dureté de la voix de Shultz, ainsi que les paroles illustrant toutes les failles de cette famille et cette issue presque inéluctable sur les générations suivant celle de Gloria. L’album se clôture ensuite par Salt and the Sea où le groupe est presque serein à l’idée d’avoir accepté le fait que certaines personnes ne peuvent pas s’en sortir.

Et comme tout film grandiose mérite son générique de fin, III se clôture par trois titres bonus dont Old Lady sur lequel on s’imaginerait presque défiler les crédits du film avec une salle de cinéma silencieuse reprenant vie petit à petit. Les spectateurs resteraient quelques instants de plus cloués à leur siège et un peu bouche bée face à ce qu’ils viennent de voir et les lumières réapparaîtraient.

Avec ce troisième album, The Lumineers nous montre toute son évolution et sa maturité. Le groupe sera en effet passé d’un album éponyme roadtrip material à Cleopatra et III, qui dépeignent les tableaux sombres de la vie. Le groupe prouve ainsi qu’il a grandi, qu’il a vécu et qu’il veut proposer non plus une compilation de chansons mais bien une œuvre à part entière.  La seule chose que l’on pourrait regretter est l’absence du violoncelle de Neyla Pekarek, qui s’est lancée dans une carrière solo cette année, petite étincelle qui sublimait chaque morceau du groupe.

Si l’on a deux conseils à vous donner, c’est tout d’abord de regarder entièrement les dix clips de cet album, qui ont d’ailleurs été sélectionnés au Toronto International Film Festival tant leur esthétisme et la réalisation ont fait parler d’eux. Ensuite, c’est d’aller voir le groupe en live puisque l’on garde un doux souvenir de leur performance intimiste à la salle Pleyel lors de leur dernier passage à Paris.