Bandit Bandit : la nuit leur appartient

En cette année 2019, le rock en France a fait un retour fracassant et salutaire. De MNNQNS à Last Train en passant par L’Epée et Lysistrata, les guitares résonnent fort et bien dans notre paysage musical. Et ça n’est pas près de s’arrêter, la preuve avec Bandit Bandit qui a dévoilé récemment un premier EP éponyme brûlant.

Un homme et une femme. La nuit. L’une nous regarde et se dédouble tandis que le second semble distant, regarde au loin quelque chose qui nous semble indescriptible. Ainsi va la vie sur la pochette du premier EP de Bandit Bandit. Depuis toujours, le rock’n’roll passe par l’image, par cette envie de transformer l’Homme en icône, de rendre irréel celui qui pourra finalement se tenir à côté de nous. À bien y regarder, Bandit Bandit a coché les cases de cette idée, créant avant même l’écoute une aura nocturne et brûlante autour de leur projet. Avant même l’écoute de leur musique, la mythologie se crée autour d’eux : aimants/amants, différents mais complémentaires, nocturnes mais baignés de la lumière des néons. Icônes on vous dit ? C’est l’idée qui pourrait vivre si on s’arrêtait à l’image, heureusement, on a décidé de laisser ces deux là braquer nos oreilles avec les cinq titres qui forment leur premier EP.

Dès Pixel, les icônes n’existent plus. Et si, sur les cinq titres qu’ils nous offrent, leur musique se fait intemporelle, convoquant autant le stoner rock que le psychédélisme dans un bouillonnement créatif impressionnant, c’est bien dans notre époque qu’ils décident d’ancrer leur musique. Que ce soit au travail d’une production impressionnante qui transforme leur musique en mur du son brutal et fracassant que dans les histoires qu’ils décident de raconter. Pixel donc, c’est leur histoire en musique, c’est Tinder raconté de manière imagée, c’est la provocation au service de la tendresse. Des moments qu’on a tous vécus et dans lesquels on finit par tous se reconnaître. La pâte Bandit Bandit se dévoile en un titre : deux voix qui se confrontent, s’enlacent et se répondent, une guitare qui ne refuse jamais d’exploser dans des solos électrisants, une basse et une batterie qui donnent le rythme autant qu’elles trouvent leur place dans cette puissance ambiante. Maux continue le voyage et montre une nouvelle fois cette appétence pour une écriture fine où les mots se transforment en maux. Ici, le mot n’est jamais trahi dans le besoin de faire sonner, au contraire le texte accompagne la musique dans ses intentions, ce que l’excellente Nyctalope viendra aussi prouver.

Ainsi Pixel, qui pourrait apparaître dans la bande son de Sin City, et Fever, jouent leurs cordes sur une vibration sensuelle, Maux va transformer la brutalité de ce qu’elle veut nous raconter dans sa puissance sonore qui nous fracasse tandis que Never Know viendra nous offrir une respiration et une douceur presque nécessaire. Car c’est bien Nyctalope qui vient nous achever. Psychédélique, lourde et mouvante, la chanson trouve dans sa durée le moyen de nous faire naviguer dans différentes intentions et semble être un condensé de ce que tout ce que Bandit Bandit nous proposait avant, autant qu’une porte ouverte sublime sur un avenir tout tracé.

Avec ces cinq premiers titres, Bandit Bandit nous ouvre les portes d’un univers ambitieux, aussi porté sur le son que sur les mots, une ride nocturne entre ombre et lumière qui prouve que ces deux-là ont beaucoup à nous offrir. Définitivement, la nuit leur appartient.

Photo de couverture : Théo Sauvage