C’est dans la grisaille de sa ville, Hambourg, que la jeune prodige allemande Ilgen Nur nous livre son premier album Power Nap, une douceur indie-rock. Cet album permet de passer un moment dans le cocon de l’artiste, sa chambre comme témoin de l’évolution d’une jeune femme perdue dans ses réflexions solitaires.
C’est avec son premier EP No Emotions sorti en 2017 que nous avions découvert Ilgen Nur, sa musique intimiste enjouée par sa voix harmonieuse n’avait laissé personne insensible ; c’est aujourd’hui avec un premier album Power Nap que l’artiste vient nous charmer. L’album donne l’occasion de se plonger ou de replonger dans des sensations d’une jeunesse comparable aux années lycée : être jeune, désemparé, une individualité perdue dans le flots des passions et mœurs quotidiennes.
C’est au détour des différents morceaux que l’on découvre le penchant solitaire et désinvolte de l’artiste, cette bulle qu’elle crée trouve écho dans l’image du lit et de la chambre. C’est d’ailleurs la pochette de l’album qui tire les traits d’une sieste musicale avec l’artiste assise sur son lit, une couette blanche déployée, prête à accueillir nos songes. Si la chambre est dans l’imaginaire collectif un lieu où rien ne se passe (lorsqu’on y est seul), qui est déconnecté de la vie qui s’écoule tout autour, pour elle, cette chambre c’est une bulle qu’elle matérialise comme un cerveau, qui prend conscience de l’activité et de l’agitation permanente autour de lui et se retranche dans ses positions, son propre cocon. Ce cocon qui est l’espace de naissance et d’expression des sentiments les plus forts, c’est en son sein que la confusion règne, une sorte de matière grise à profusion qui donne lieu à des feux d’artifices de pensées.
Elle arrive à poser des mots pour décrire le marasme viscéral de notre génération qui ronge chacun d’entre nous, avouant “I spent my days in my head”, dans le morceau In my head, une phrase qui parlera au plus grand nombre. Combien sommes-nous à nous laisser porter par les tracas de nos pensées, les évasions incontrôlées de notre esprit au détriment parfois de nos relations.
Sa musique à la croisée de l’indie pop et du rock nous rappelle la géniale anglaise Nilüfer Yanya qui écrit sur des thèmes similaires dans un style un peu plus punchy mais moins grave et profond que la jeune allemande.
Le morceau Deep Thoughts vient contraster l’ensemble de l’album très rock jusqu’à maintenant avec un piano et une voix douce et chaleureuse qui vient exposer ses questionnements sur l’amour perdu et le manque d’une personne, car oui, au fond, les pensées les plus profondes sont celles qui se morfondent sur l’absence de l’autre et qui nous renvoient nous et notre solitude dans le fond de notre lit, un retour à la réalité instantané comme une prise de conscience qui fait disparaître notre bulle de pensée si fragile.
Pas d’inquiétudes cependant pour les cœurs brisés, Ilgen Nur a une formule bien imagée pour ces moments difficiles : “You break my heart, I’ll break your spine” qu’on pourrait traduire par, “Brise moi le coeur, je te briserai la colonne vertébrale” une belle façon de se prémunir de la violence des déceptions amoureuses dans le morceau You are a mess.
Qui sait, peut-être qu’au détour d’un de vos rêves vous croiserez la route d’Ilgen Nur, voguant sur un nuage de couettes et d’oreillers ; en attendant, vous pouvez la retrouver au Supersonic à Paris le 23 octobre, au Sonic à Lyon le 24 octobre et enfin au Grand Mix de Tourcoing le 25 octobre, l’occasion pour tout le monde de partager une bonne sieste musicale ou une bonne dose de rock.