Le projet Stienis, né dans le Nord de la France sous la direction de Maxime Duhamel et Raphaël Foulon, est aussi bien sonore que visuel. Si le projet existe depuis plusieurs années, ils ont sorti en octobre leur premier EP, au bout d’un processus de maturation dont ils se sont servis pour explorer un thème sombre : la dissociation.
Dissociation : « la prise en compte de la réalité et du vécu est inhibée (pensée, jugement, sentiment), de façon temporaire ou durable, pour supporter un traumatisme psychique. »
Le propos qui est développé ici est lié aux phénomènes de société provenant d’une prise de conscience collective, au sujet de l’environnement, de ce que le genre humain est en train de faire subir à la planète qui l’accueille. Une réaction aux divisions de toutes sortes entre les peuples. Le sujet est fort, brutal et la musique s’en ressent. Militants activistes l’un comme l’autre, les membres du duo Stienis joignent les actes à la paroles et seront toujours prêts à prendre le temps pour débattre avec vous (on vous enjoint à le faire). Ce n’est pas pour rien si leur musique est aujourd’hui distribuée sous licence art-libre. Si vous souhaitez exploiter, ré-utiliser, copier, distribuer tout ou partie de leur création, libre à vous. Le partage et le sens de la communauté fait partie de l’essence de leur message. Ces valeurs fortes sont les raisons pour lesquelles vous ne les trouverez pas sur les plateformes habituelles de diffusion de musique en ligne.
Si l’EP est divisé en 4 titres bien distincts dans leurs ambiances, le tout dégage une homogénéité de tous les instants. Entre contemplation quasi-organique et industrie harmonisée, les paysages défilent avec les messages. L’ensemble subjugue, percute, remue, dérange parfois. Il traduit la beauté de la nature aussi bien que les dérives de l’homme, qu’il décrit avec précision. La Mécanisation est bluffante et on s’imagine transporté dans un univers industriel, pressé par la cadence infernale des machines et leur force implacable, tout en conservant une ligne mélodique sous-jacente de toute beauté.
Le moment de cet EP qui nous a le plus touché, c’est le morceau (ou plutôt double-morceau) Union & Fraction. Il réussit le pari de faire cohabiter deux atmosphères qui n’ont a priori que peu de choses en commun mais qui mises en regard l’une de l’autre, se subliment. En représentant l’opposition entre harmonie de la nature et fractionnement des peuples dont l’inspiration leur est venu de leur ville d’origine, Calais, la contemplation induite dans un premier temps est renforcée par la brutalité et la froideur des rythmes présentés ensuite.
Au final, malgré un message fort et centré sur des dissensions, on se surprend à en demander encore à la fin de l’oeuvre. Si vous êtes dans le même cas que nous, on vous conseille de surveiller leurs apparitions sur scène, car leur scénographie apporte une vraie dimension supplémentaire à leur travail.