Format Court #1 : Modern Men, Dharma Bum et Kumusta

À La Face B, on adore les EP. On a donc décidé de leur accorder un rendez-vous rien qu’à eux dans lequel on vous présentera une sélection d’EP sortis récemment. Pour ce premier épisode, on a pris la direction de Rouen avec Modern Men, Kumusta et Dharma Bum.

Modern Men – Anéantir Le Monde Moderne

Il existe des titres prophétiques, qui agissent comme une mise en garde autant que comme une sombre prédiction. Anéantir Le Monde Moderne dit tout et rien à la fois, il nous prévient simplement de ce qu’il est nécessaire de faire. Il nous annonce aussi que Modern Men n’est pas là pour plaisanter mais plutôt pour secouer, pour frapper fort, pour marquer tout simplement. Et il faut le dire, avec ce « premier » EP (ils avaient sorti quatre titres démos plus tôt dans l’année), la mission est plus que réussie. En quatre titres, ces garçons modernes nous mettent dans un état de tension assez inédit, nous poussant dans le dos vers un précipice musical qui porte en lui toute la brutalité et la violence du monde et transforme la colère en musique industrielle du plus bel effet.
Les titres sont mus par une portée sociale et une violence bien sentie, ils prouvent surtout que le duo n’est jamais avare d’expérimentations, de mise en danger et d’explorations. Souvent électronique, leur musique portée par leurs deux voix qui hurlent et se répondent parvient ainsi à offrir une palette assez large et plaisante. Si on se retrouve frappé au fer rouge par la brutalité froide de Tirer sur L’ambulance, XX se fait plus pondérée et Bag Of Rice évolue dans une veine plus chantée / sensible qui n’est pas pour nous déplaire avant de laisser exploser les guitares comme un orage nous prendrait par surprise. Reste This Shit Should Be Mine, agissant comme un mélange des trois titres précédents, un shoot d’adrénaline qui clôture en beauté ce premier EP politique, rageur et entêtant. Une bien belle manière d’anéantir le monde moderne.

Kumusta – Kumusta #1

Il semblerait que la tendresse ne soit pas un sentiment qui prédomine à Rouen. En tout cas, c’est l’impression qui ressort de l’écoute du premier EP de Kumusta, première sortie du label Kids Are Lo-Fi Records. Ici, c’est vers le punk qu’on se tourne, chaque titre est une déflagration, un pain dans la tronche qui amène avec lui le goût du sang et l’appel du pogo. La musique de Kumusta est un défoulement, un plaisir simple où les guitares hurlent et la batterie nous fracasse.  » We are angry right now » nous disent-ils sur l’excellente Tadadada et on a bien envie de le hurler avec eux, ce besoin de vivre l’instant, d’exprimer notre colère. Pourquoi se soucier de demain alors que le monde autour de nous est un chaos indescriptible ? Kumusta #1 est une masse mouvante qui vibre d’une énergie impressionnante portée vers la destruction de nos tympans. On sent la pureté et le refus de la concession dans Car et Poor, titre le plus fort de l’EP. Modus Operandi joue, lui, en trompe l’œil, nous emmenant au départ vers une sorte de cold wave énervée pour basculer une nouvelle fois vers le bruit et la fureur. Vous l’aurez compris, on ne peut cacher notre enthousiasme face au plaisir qu’a Kumusta de nous maltraiter les oreilles. Si on jouait au petit jeu des comparaisons malvenues, on pourrait ainsi dire qu’on a trouvé nos Idles français. Kumusta #1 c’est un peu ça et sans doute beaucoup plus.

Dharma Bum – Deux

Si en 2019 lorsqu’on pense rock et psychédélisme notre regard se tourne vers l’Australie, il sera désormais bon de tourner notre regard vers Rouen et plus précisément vers Dharma Bum qui a dévoilé récemment son second EP, sobrement intitulé Deux.
Portées par des montées instrumentales vertigineuses, les quatre chansons proposées par le quintette ont tout du trip comme on en fait peu. Bien loin d’un exercice de style un peu vain, la musique de Dharma Bum est dans une recherche constante de la surprise, entre ses guitares folles et classieuses, ses percussions entêtantes (notamment sur la très bonne Worship the Ease), cette voix qui maintient à la fois un ton distancié et chaleureux et ce besoin d’apporter un groove constant, le groupe détonne et étonne. Surtout, on assiste ici à un véritable voyage sonore, de la lumière vers l’ombre, comme une soirée qui bascule au coucher du soleil. Si l’EP commence comme une fête avec Ladybug, bourrée de reverb et portée par un côté épique bien senti, qu’il continue avec la très dansante Worship the Ease, un point de basculement apparaît au milieu de l’excellente Neon Lover et leur musique se pare d’un voile plus inquiétant pour se terminer de manière sombre et lourde avec Afterparty et sa basse tapageuse. Vous l’aurez compris, Deux est un EP maîtrisé, jouant avec les textures et les codes d’un genre pour mieux les distordre et s’amuser avec eux avec talent. On a désormais qu’une hâte : voir ces titres grandir en live lors de leur release party du 17 décembre au Supersonic.