Caesaria : « On fait du studio pour pouvoir faire de la scène »

On a rencontré Théo, le chanteur de Caesaria, au moment de la sortie physique de leur EP Connection Loss. Après avoir distillé avec grand soin chaque titre, les cinq titres sont désormais disponibles sur les plateformes d’écoute. On a parlé de la création de l’EP, de la société actuelle qui nous pousse au défoulement, et au rapport du groupe à la scène.

La Face B : Comment ça va ? 

Caesaria : Et ben ça roule ! Tout va bien ouais !

LFB : Comment on se sent quand on sort un nouveau bébé aujourd’hui ? 

C : Bah c’est cool ! On a hâte ! En plus on tente une nouvelle approche : on a eu envie de faire un EP physique au départ. On mettra sur les plateformes après, mais pour l’instant on veut faire ça. Donc c’est cool ! 

LFB : Pourquoi cette envie de sortir l’EP en physique uniquement ? C’est un peu inédit comme mode de promotion ? 

C : Ouais, écoute on teste. En concert en fait on en vend, les gens achètent encore des CDs, ils ont encore un lien avec ça. Les gens qui nous connaissent pas vont pas forcément l’acheter, c’est plus chiant et ils ont peut-être pas ce qu’il faut pour le lire et tout, mais là on s’adresse pas forcément à ces personnes-là. On s’adresse à ceux qui aiment bien l’objet. C’est le 3ème EP qu’on sort, l’idée c’est de véhiculer ce truc aussi. Ça nous permet aussi nous en digital de distiller un peu le contenu. Les autres titres vont sortir un par un, avec un format vidéo à chaque fois. Ça nous permet d’étendre un peu le truc et début mai, tout l’EP sera disponible en numérique. Vu qu’on veut prendre la parole différemment, plus longtemps, on s’est dit qu’on allait faire un truc dans le genre. En plus, on aura les concerts d’ici-là, donc ça permettra aussi aux gens de se dire qu’au lieu de le commander, ils peuvent venir nous voir en concert et le choper sur place.

LFB : Comment l’idée de ce 3ème EP à germer ? La dernière fois que je t’ai vu, vous acheviez le Crashing Tour et vous retourniez en studio. Pourquoi avoir choisi de retravailler le support EP et pas vous lancer dans un album ? 

C : En gros, après le Crashing Tour on s’est remis à composer. On a pas voulu partir sur un album car on a voulu aller plus loin dans l’esthétique club rock. Vu que nous on voit les EPs comme des échantillons d’un album, on s’est dit que sur le dernier EP We Are Caesaria on était pas allé assez loin, donc on a voulu remettre ça sur un EP. Aller au bout de la démarche club rock, pour voir ce que ça donnait. Et du coup on s’est dit autant le faire à fond et on s’est chauffés à partir à Londres pour l’enregistrer. Et voilà, d’où le 3ème EP et pas un album tout de suite. 

LFB : Vous vous êtes rapprochés de Londres, et j’ai vu que vous aviez bossé avec Brett Shaw (qui a travaillé avec Foals, Mark Ronson) : pourquoi cette envie de s’exporter outre-manche pour travailler ? 

C : Déjà, nous on a été biberonné au son british depuis le moment où on a pu entendre un son. En plus, ça peut paraître con mais, on est des potes d’enfance et partir en Angleterre on en parle depuis qu’on a 10 ans, c’est un rêve qui se concrétise. On avait l’opportunité de le faire via des contacts qu’on avait auprès de Brett. Donc on s’est dit pourquoi pas, on avait adoré son taff sur le deuxième album des Foals, c’était vraiment la couleur qu’on voulait. Ça a matché avec lui donc on s’est dit feu, ça permettait de concrétiser un rêve de gosses et, en même temps, d’aller sur une couleur qu’on voulait vraiment affirmer, beaucoup plus club rock électro. On a regardé dans quelles mesures c’était possible et voilà. 

LFB : Est-ce que la scène et l’expérience de la tournée vous a aidé à créer le troisième EP ? 

C : Carrément ! Avec la scène, tu testes aussi des morceaux, tu vois en fonction comment tu te sens vis à vis d’eux, comment ils sont pris par le public aussi. Ça permet de roder un truc. Tu te souviens tu m’avais posé la question si We Are Caesaria avait été enregistré en live ? Bah là, on a décidé de jouer live ! Le tour nous a permis de faire ça, que l’énergie qu’on nous souvent dit qu’on a, de la retranscrire vraiment au maximum. Je sais pas si on a réussi, mais en tout cas de le ressentir au max sur un format enregistré. Donc ouais ça aide évidemment et on a voulu aussi pas trop se faire chier avec des structures et ce genre de trucs. Quand tu commences à enregistrer tu te dis « ouais faut pas partir sur des structures alambiqués et compagnie », c’est ce qu’on faisait sur les autres. Là on s’est dit fuck en fait, on fait la structure comme on veut car en live on a décidé de le jouer comme ça et on trouve que ça fonctionne. Si ça se trouve, on se plante, mais nous on est contents de ça. C’est pour ça qu’il y a des morceaux avec des sons chelous, et tout ça. 

LFB : J’ai trouvé que sur l’EP vous avez vraiment réussi à retranscrire l’énergie que vous avez sur la scène, beaucoup plus que sur votre précédent EP où on sentait le potentiel. Tu dis finalement que vous avez un peu lâcher prise sur la conception, pour autant je trouve que c’est l’EP le plus abouti et le plus travaillé que vous avez sorti.

C : Bah merci c’est cool ! Ça fait plaisir ! C’est un peu paradoxal, mais c’est ça. On était plus dans un état d’esprit « on y va comme ça et puis balec’ ! » et au final, c’est peut-être ça la solution. Enfin avec aussi le prisme du réalisateur qui nous a quand même apporté pleins de trucs. D’où tu vois cette phase de rodage et d’EPs dont je te parlais avant. Mais c’est cool que ça plaise !

LFB : C’est ça que vous ressortez de la tournée précédente en fait, de conserver cette énergie de scène et de la capter directement. 

C : Complètement, c’est exactement ça, et d’aller encore plus loin et d’expérimenter cet univers un peu qu’on essaye d’installer, de club rock et de rock électro et d’aller au maximum dans cette démarche. C’est vraiment ce qu’on ressort du tour. Et de toutes façons, comme on dit souvent, nous on fait du studio pour pouvoir faire de la scène. C’est notre leitmotiv. Avant de faire des enregistrements, on faisait déjà des concerts, et c’est pour ça qu’on a voulu faire de la musique. Nous on utilise des boucles, et quand tu fais une guitare une basse une batterie, bah en live t’as pas la même énergie. Mais c’est un équilibre à trouver, avec le côté hyper lisse de l’électro que tu peux avoir, hyper calibré, et le côté vivant du rock. Et c’est dur de mêler les deux, mais quand tu y arrives, c’est super cool. Donc c’est pour ça qu’on avait envie de cette phase de rodage avec l’EP.

LFB : Au niveau des sujets abordés dans l’EP, je sais que c’est toi qui écris les textes : j’ai trouvé que tu t’ouvrais un peu plus et que c’était plus personnel. 

C : Il y a pleins de thèmes abordés. Certaines chansons sont plus intimes complètement, y a des titres vraiment personnels comme Conversations, ces choses que je n’arrive pas forcément à dire à mes proches, c’est plus simple de les dire en texte. J’arrive mieux à le faire comme ça. Sometimes I Wanna Fight parle de notre adolescence, de notre parcours avec nos potes avec qui on est depuis 15 ans là-dedans, de notre combat. Il y a une chanson d’amour, Bright, rock mais chanson d’amour quand même. Beast qui est contre les normes de la société qui nous cassent les couilles, quand des fois t’as envie de péter un câble sur différents trucs. Un peu un lâcher-prise, qu’on revendique assez souvent en fait car je me rends compte que c’est un thème qui revient pas mal dans nos textes et dans nos EPs. On parle souvent du laisser aller. On réfléchit pas forcément, mais à chaque fois, on en parle. C’est un truc que moi je peux ressentir pour des gens autour de moi. C’est beaucoup plus perso. 

LFB : Ce qui se passe dans notre société actuelle, c’est un moteur de défoulement ? 

C : Ouais complètement, et tu vois y a un côté aussi lâcher-prise, de partir à un moment donné, de s’évacuer de son quotidien, de sa routine… Je pense que c’est hyper important. C’est le côté un peu juvénile de la chose, de la vie. À un moment donné, pourquoi on a besoin de faire du sport, de faire de la musique… C’est aussi pour ces choses-là, ça nous permet de prendre du recul, de partir de ce quotidien. On dit « jouer de la musique », il y a bien un côté enfantin. Du coup, c’est important pour nous. Et c’est pas évident : plus tu grandis, plus tu vieillis, tu peux vite rentrer dans une espèce de facilité à perdre ta part d’enfant. C’est important de garder une part d’enfant même quand t’as 45 piges ou 60. La musique en fait partie. Quand tu vois mon daron qui a 60 balais écoute ces trucs de jeunesse, de punk. S’il écoute ça encore maintenant, c’est pas pour rien, c’est parce que ça fait partie de lui. La musique a un pseudo pouvoir. 

LFB : C’est un peu le rôle de la musique aussi, et de l’art en général, de permettre de s’évader.

C : Complètement, et sous tous ses aspects en plus, que ce soit dans la tristesse, dans la colère, le défoulement, la mélancolie ou la nostalgie. Ça t’enlève du monde pendant 3min30, 4min05…

LFB : J’ai trouvé que l’EP avait une petite sonorité old school, surtout Sometimes I Wanna Fight, qui sonnait bien vintage. 

C : Ouais complètement ! Un peu 90s, ouais, on nous l’a déjà dit. C’est clair, je sais pas pourquoi ! On est pas rentrés en studio en se disant « ouais on va faire un truc old school ». Mais je suis assez d’accord avec toi. On a toujours été là-dedans en fait, on y revient un peu à nos sources. Après, c’est lié aussi à la production de Brett qui lui est axé là-dessus. Au niveau de l’écriture des musiques, nous de toutes façons, on a toujours été un peu là-dedans. Mais au niveau de la prod, il a permis cette couleur un peu 90s à l’ancienne. Après on aime ou on aime pas, mais je pense que c’est pour ça qu’on a accroché avec lui sur ses travaux précédents. 

LFB : C’est quoi la suite pour vous du coup ? Un premier album ? 

C : Ben la suite c’est d’aller défendre l’EP en concert. On commence là vendredi, on ouvre pour Skip The Use à Mulhouse. Et après on fait Rennes, Nantes… Sinon on joue au 1299 à Paris. On a d’autres dates de prévus, une quinzaine. On va faire des festivals aussi. Après là, gentiment, on compose pour un album, c’est la prochaine étape, mais ça sera pas avant 2021. On se sent d’attaque, on a envie. On trouve de plus en plus notre voix. Sûrement à l’étranger aussi. 

LFB : Merci beaucoup Théo d’avoir répondu à mes questions ! 

C : Merci à toi pour ton temps !