Chez La Face B, on aime la musique mais on a aussi une petite passion pour les séries. Et dans les séries il y a un concept qui s’appelle crossover ou les héros de deux séries se rencontrent. Aujourd’hui, on a décidé de faire notre propre crossover en faisant se rencontrer Format Court et Bons Baisers du Québec pour vous parler des EPs de Michaëlle Richer, Loic April et Clay And Friends.
Michaëlle Richer – Fâcheuse tendance
Il suffit de parfois peu de choses qu’on se connecte à un artiste. Une phrase, une note, un mot peut être. Quand Michaëlle Richer susurre calmement dans Osti, » tu peux pas m’aimer à ma place« , elle se transforme d’un coup en un miroir pour nos doutes personnels sur le fait d’être parfois aimé par des gens alors qu’au final on ne s’aime pas soi même. Tout le talent de ce Fâcheuse Tendance se trouve dans une petite chose toute simple : les introspections de Michaëlle Richer deviennent des catalyseurs à nos propres questionnements, à nos propres interrogations sur le monde qui nous entoure et sur les choses qui se passent dans notre vie et finalement dans celles de ceux qu’on côtoie, la preuve avec les voisins qui clôture les cinq titres de ce premier effort et qui met en confrontation ces deux idées : même si on se regarde soi même, même si on ne voit que soi, le monde autour vibre toujours. Il n’y a aucune résignation dans la musique de la québecoise, il y a une envie de combat, derrière la douceur apparente d’une voix tendre et cajolante, la colère gronde, dans son écriture, la jeune femme n’hésite pas à être cru, elle chante comme elle parle, le quotidien n’est jamais loin, il transpire de ces textes qui sont comme les pages d’un journal intime qu’on finit par offrir au monde. En plus des textes, il faudra rajouter une vraie qualité dans le travail d’ambiance sonore, offrant un son ample, divers, allant autant vers la pop électronique que se diriger par moment vers le meilleur de la scène indé américaine. Ainsi, on pense clairement à Local Natives à son meilleur niveau sur la superbe Fâcheuse Tendance, on navigue avec bonheur entre cordes et nappes électroniques sur Peut-être qu’un jour et Le Plancher tandis que Osti et Les voisins nous ramène vers le meilleur d’une pop ambitieuse et ample. Vous l’aurez compris, les cinq titres qui composent Fâcheuse Tendance nous offrent une rencontre avec une artiste en devenir qu’on suivra avec énormément d’attention pour les années à venir.
Clay And Friends – Grouillades
Le seigneur Clay et ses amis ne sont pas du genre à se reposer sur leur lauriers. Un an après avoir dévoilé La Musica Popular De Verdun, les voilà déjà de retour avec ce nouvel EP nommé Grouillades. Même sens du rythme, même envie de faire bouger les gens, même musique solaire qui mélange à la fois funk, pop et hip hop et même réaction chez ceux qui les écoutent : un énorme sourire et des fourmis dans les jambes. La réaction est épidermique, Clay and Friends nous donne envie de danser. Quelle distinction faire entre ces deux efforts ? La langue tout simplement, comme un ying et un yang qui se ressemblent mais qui ont des couleurs différentes, la musique de Mike Clay se distingue par ces deux versions : l’anglais et le français. L’ambition est donc la même, le talent aussi et Grouillades réussit ce petit miracle qu’on aime tant chez son camarade Les Louanges : il fait groover la langue de molière. C’est beau, c’est simple mais c’est souvent une chose assez compliqué. Mais à l’écoute de ces cinq titres la mission est amplement réussie. Alors on baisse notre garde et on oublie tout besoin de résistance car la musique de Clay and Friends, si elle atteint nos cœurs réussit aussi à nous chopper aux tripes. Difficile de passer à côté de Gainsbourg et Romeo et leur son funky et fun qui devient vite addictif, impossible de ne pas remuer la tête sur la plus sérieuse Ok ou le son se fait plus lourd et compliqué de ne pas se glisser dans la douceur tendre de C’est Tout. On emet un peu plus de doute sur Joséphine qui semble avoir été créée pour cartonner en radio, mais qu’importe avec Grouillades, la musica populaire de Clay And Friends continue de tracer son sillon avec bonheur.
Loïc April – Ressusciter Les Stigmates
Si l’on s’en réfère à la définition biblique, les stigmates sont les blessures du christ. Si l’on s’en réfère au monde moderne, les stigmates sont des marques laissées sur le corps. Mais on peut aussi avoir des stigmates sur l’âme, des morceaux de peine et de violence, des traces comme des souvenirs d’événements et de brutalités passées. C’est souvent des choses qu’on regarde mais qu’on aimerait ignorer. Alors pourquoi Loïc April a t’il voulu Ressusciter Les Stigmates ? Sans doute pour enfin les laisser partir, les regarder une dernière fois dans le blanc des plaies pour ensuite les faire disparaitre, se réparer l’âme, poser dans l’intemporel les mots et les maux pour ensuite mieux avancer, comme une béquille qui nous soutient un moment pour qu’enfin on finisse par réaliser qu’elle n’est plus nécessaire. En une petite dizaine de minutes, sa voix haut perchée proche du lyrisme se fracasse sur une basse que ne renierait pas certains groupes de post punk, se caresse sur des nappes de synthés et des guitares consolantes. Ces quatre titres (plus une introduction d’une vingtaine de seconde) sont une expérience de catharsis, un besoin de contrer la mort, de célébrer la vie, de retrouver le gout au lâcher prise et finalement se retrouver en paix avec soi même. Impossible de séparer les titres, Tu ne peux plus mourir, La convention des plans mort-nés, Nous ne sommes plus de ceux qui se foudroient et La marche à suivre s’écoutent d’une traite et se vivent comme un tout aussi uni que divers, parfois dissonant mais porté par l’envie et la force de Loïc April. On appelle ça une grosse claque, tout simplement.