Méridiens – Chapelier Fou au bureau des longitudes

Chapelier Fou, pour la première date de sa tournée et le lancement de son dernier album Méridiens, a investi les Trinitaires à Metz. Cet ancien couvent carmélite est devenu depuis plus de 50 ans un lieu dédié à la culture et à la musique. Le concert s’est joué à guichet fermé dans la chapelle néogothique aujourd’hui ouverte aux musiques actuelles.

Pour évoquer l’univers de Chapelier Fou et y trouver quelques repères je me suis replongé dans mes cours de musique au collège. En effet, l’an dernier notre professeur avait abordé le courant de la musique minimaliste ou répétitive. Malheureusement elle avait aussi profité d’un autre cours pour nous faire chanter, certes en anglais, la reine des neiges.

La musique minimaliste n’est pas un sujet aussi austère qu’il y parait et reste toujours actuel. La Philharmonie lui fait une part belle cette saison en ouvrant sa programmation à des week-ends Philip Glass, Steve Reich ou Max Richter. Lors de la soirée consacrée au label Erased Tapes, la Gaité Lyrique a programmé le pianiste, au nom imprononçable, Lubomyr Melnyk ou encore Penguin Café.

Côté scène française, Lucie Antunes dans son magnifique album Sergeï explore ce courant avec le talent de percussionniste qu’on lui connait. Chassol le transforme en jeux dans son dernier opus Ludi. Quant à lui, Chapelier Fou le suit en entrelaçant instruments classiques et sons électroniques, en juxtaposant par strates des boucles mélodiques.

Une des qualités de la musique minimaliste est d’encourager la rêverie et le voyage intérieur. Dans son quatrième album Méridiens, au travers de 12 morceaux, Chapelier Fou se plait à nous faire imaginer la traversée de contrées fantasmées.

Dès la première piste l’Austère nuit d’Uqbar nous entraine dans un monde navigant entre réalité et fiction. Uqbar fait référence à un lieu de l’imaginaire de Jorge Luis Borgès. Ici pas de sons numériques, les instruments classiques sont toutes cordes dehors.

Puis Constantinople revisite l’Orient Express pour un voyage vers des mondes indéfinis rythmé par le bruit des boogies sur les rails et la musicalité d’un violon pour la part du rêve.

Cattenom drones nous raccroche au danger du réel en évoquant un accident dans cette centrale nucléaire proche de Metz. Centrale dont l’une de ses particularités est d’être située à une dizaine de kilomètres d’une bourgade luxembourgeoise nommée Schengen, nous rappelant ainsi que la radioactivité ne connait pas de frontières. L’atmosphère devient plus industrielle, angoissante. Elle nous ramène à notre course effrénée à la technologie.

L’Etat nain est le morceau le plus court composé par Chapelier Fou. Il ne dure qu’une minute. Interprété au violon, joué comme une guitare, il n’est pas sans nous faite penser à l’univers de Penguin Café Orchestra.

Dans le Désert de Sonara avec ses parties au violon et son rythme intrigant, des images du film de Bruno Podalydès le Mystère de la chambre jaune me viennent en tête. Chapelier Fou a tout d’un Joseph Rouletabille dénouant les mystères musicaux.

C’est un bidouilleur de sons hors pair et tout est recréé sur scène. Dans son univers, des chouettes se jouent métronomes pour battre la mesure de son violon. Des joysticks de jeux vidéo arrondissent les sons numériques de ses instruments électroniques. Le désordre musical n’est qu’apparent, tout y a sa place.

Son set se clôt avec des chansons plus anciennes dont Tea Tea Tea qui avait été mon morceau découverte il y a, déjà ou seulement, cinq ans.

L’album Méridiens est sorti le 28 février. Vous pourrez retrouver Chapelier Fou en concert, ce printemps, dans le cadre de sa tournée Méridiens et Parallèles.

Un second album Parallèle, reflet de Méridiens, sortira prochainement pour le disquaire day.
Il est construit autour de douze titres liés anagrammiquement à ceux de Méridiens.
Ainsi l’Etat nain deviendra l’Anti-Etna. Constantinople donnera Pôle Inconstant ou encore à L’Austère Nuit d’Ubqar succèdera 4 rue d’Istanbul. On vous laisse découvrir les autres anagrammes.

Sachant que Méridiens est sorti sur le label nancéen Ici d’ailleurs (Ez3kiel, Matt Elliott,…). Que ce même label a également publié des disques de l’OuMuPo (Ouvroir de Musique Potentiel) pendant musical de l’OuLiPo cher à Queneau et Pérec. Nous avons probablement là un début de piste d’explication. Mais c’est une autre histoire.

Suivons donc les Méridiens en attendant avec impatience les Parallèles. Nous continuerons alors notre voyage sous d’autres latitudes.