Il aura fallu trois ans à William Fussell pour transformer l’essai de son premier EP Universal Country. Trois ans pour puiser dans l’expérience de son précédent projet shoe-gaze, dans le classicisme de ses racines traditionnelles américaines et dans l’émulation de sa nouvelle vie londonienne. C’est avec sa femme Alana Pagnutti qu’il a composé les onze titres de Starmaker, entre Paris, Budapest et Londres.
Honey Harper a dévoilé en ce début de mois de mars Starmaker, un album entre lumière et obscurité qui sent la terre sèche sous les bottes santiags et la pluie sur le goudron chaud en une fin d’après-midi douce amère.
Entre le voyage initiatique, le compte philosophique et le journal intime, ce nouvel album sort des genres pour les mixer, les remanier, et créer un ovni musical planant. Un opus cinématique où des paillettes cosmiques scintillent sur la toile holographique du for intérieur d’Honey Harper.
Green Shadows ouvre la danse et dévoile les armes secrètes du cowboy 3.0 : un vocoder sur nappes synthétiques planantes, créant une atmosphère futuriste et transgenre. C’est lorsqu’on entend les doigts parcourir les cordes rugueuses d’une guitare acoustique qu’on devine qu’Honey Harper échappe à toutes les cases. Si l’on pensait pouvoir lui attribuer un style, l’arrivée des harmonies vocales dans les oreilles nous démontrent que la tâche est impossible. Comme si Simon and Garfunkel avait composé un morceau dans l’univers d’Albator.
Les chansons s’enchaînent en présentant des tendances plus ou moins présentes. Tantôt les codes de la musique country traditionnelle prennent le pas sur le synthétique musical ; tantôt les guitares acoustiques deviennent omniprésentes et nous rappelleraient presque la pop folk bossa de Kings of Convenience.
Honey Harper nous réserve également de belles surprises, notamment sa collaboration à Budapest avec le Hungarian Studio Orchestra qui nous offre un moment de pur extase sur Suzuki Dreams. L’envergure cinématique de l’album trouve son paroxysme sur ce morceau où les envolées des violons édifient un voyage onirique, une comédie musicale sur le psychisme de l’artiste.
On accordera une attention particulière au titre en collaboration avec Austra, Someone Else’s Dream, dont les synthés à peine ringards, la guitare acoustique et le rythme appuyé de la grosse caisse couplés aux choeurs du groupe canadien créent une musicalité poignante. Un titre à la fois déchirant et réparateur qui sauve la vie et panse toute la douleur du monde.
Le traitement de la voix est impressionnant sur Starmaker : outre les nappes vocales en arrière plan qui accentuent le côté stellaire de l’album, la voix semble se détacher de l’univers instrumental pour se présenter de manière frontale dans les oreilles de l’auditeur. Une confrontation vocale qui rappelle un traitement similaire à la scène rap actuelle, notamment chez PNL. Sa voix sait relever avec brio des productions frôlant parfois avec le kitch, rappelant notamment ABBA ou Glen Campbell.
Ce qu’on retient tout au long de l’album, c’est ce sensationnel cinématique qui nous donne le sentiment d’avoir traversé la fenêtre de l’inconscient d’Honey Harper. Entre ses doutes, ses craintes, ses peurs et son cheminement intellectuel. On regarde à travers la complexité de son humanité, révélant une fragilité douce et lumineuse, teintée d’espoir et de destruction. Le tout sur une fusion entre le futurisme d’une pop cosmique et le classicisme des guitares acoustiques et des rythmes country.