Il suffit de tendre l’oreille et de suivre le son des guitares et de la batterie pour se laisser guider vers le Splendid. C’est en entrant dans cette salle de concert lilloise que je rencontre les BB Brunes.
La salle est quasiment vide, nous sommes une dizaine à assister aux balances, en comptant l’équipe technique. C’est intimiste et beau. Sur les sièges de spectacles, au fond de la salle, on peut observer l’entièreté du Splendid. Authentique, sombre et chaleureuse, voici comment décrire ce lieu. Les accords résonnent, les micros s’ajustent, les voix se lèvent sur cette scène aux allures d’ancien cabaret.
A l’occasion de la sortie de Visage, leur nouvel album, et de leur tournée, nous avons rencontré Adrien, Bérald et Félix dans leur loge lilloise.
La Face B : Bonjour les gars ! Bienvenue à Lille !
BB Brunes : Mais merci bien !
LFB : Vous formez les BB Brunes depuis 12 ans maintenant. Comment vous renouvelez-vous d’album en album ? Pour en arriver à votre 5e album !
Adrien : 6 si on compte l’EP anglais ! Qui est un peu comme un petit album ! Comment on s’est renouvelé ? Je pense qu’on ne s’est pas dit « Les BB Brunes, il faut que ça sonne comme ça. ». C’est vrai que le premier album a été un gros succès mais on ne s’est pas dit « Il faut rester dans cette ligne pour continuer à plaire, etc. » On s’est surtout laissé guider par les trucs qu’on écoutait et au fur et à mesure que le temps passait, on écoutait des choses de plus en plus différentes. On avait des envies différentes et c’est vrai que quand tu regardes Puzzle ou Visage, ils n’ont rien à voir. Je pense qu’on est juste décomplexés par rapport aux choses qu’on écoute et à nos influences. On n’a pas forcément envie de les dissimuler, c’est quelque chose de très assumé quoi.
LFB : Vous vous laissez porter, donc ?
Adrien : Ouais c’est ça, on se laisse porter.
Félix : Et puis c’est vrai que de 20 ans à 30 ans tu évolues beaucoup et tu écoutes plein de trucs différents donc forcément tu ne vas pas faire la même chose en 10 ans. C’est vrai qu’on passe par plein, plein d’étapes donc nos albums sont différents. Pour ne pas s’ennuyer aussi, c’est instinctif je pense ! C’est pas réfléchi. Après peut-être que de 50 à 60 ans on écoutera toujours la même chose hein, je ne sais pas.
LFB : Comment pensez-vous que votre musique a évolué ? Plutôt dans vos paroles ? Votre écriture ? Les sonorités ?
Adrien : Un peu de tout je dirais, hein ?
Félix : Ouais un peu de tout.
Adrien : On a progressé en tant qu’instrumentiste et en même temps dans nos techniques d’enregistrement. J’ai progressé dans mon écriture, je dirais que ça a forcément évolué parce que j’ai vu plus de choses et parce que je grandis. Donc oui, tout évolue indéniablement.
Félix : Comme je disais tout à l’heure, de 20 ans à 30 ans on évolue et on grandit. Du coup ça se ressent dans les textes, dans la musique et on a un peu plus d’expérience aussi, que ça soit scéniquement ou en studio.
Bérald : Oui je suis d’accord. On grandit, on a plus d’influences et d’expérience et tout ça, ça nous fait évoluer.
LFB : Dans Visage, on sent un retour beaucoup plus rock que pour Puzzle par exemple. Pourquoi avoir choisi un retour au rock dans une période où la pop et le rap prédominent ?
Adrien : C’était vraiment selon notre envie, on ne voulait pas absolument coller à l’époque. On trouvait ça assez intéressant justement de faire de la musique que personne ne fait en ce moment. Et de retourner à nos premiers amours ! On a réécouté le premier album et on s’est dit que c’était vraiment un bon album. Aussi, je me suis mis à réécouter des choses qui n’existent plus : des vieux chanteurs par exemple.
Félix : Et du coup tu vois, encore une fois, c’était une envie instinctive.
Adrien : C’est aussi une sorte de cycle, qui tourne et où on est passé par des sons un peu plus « produits », un peu plus « pop », un peu plus « cérébraux » et « électro » et peaufinés, léchés en studio. On en avait aussi un peu marre et on voulait repasser à quelque chose de plus simple, plus brut et assez authentique. Par exemple en concert on a pris beaucoup moins d’effets sur les guitares, beaucoup moins de pédales. Ça rejoint plus le premier album où on va droit au but : on se branche, on joue.
Félix : C’est une façon de moins se prendre la tête, ouais.
Adrien : Le dernier album c’était très expérimental en studio, très réfléchi. Là ça n’a rien à voir et je pense qu’il y a un besoin de revenir et de lâcher prise. Et c’est là où on est les meilleurs je pense. Mais il fallait qu’on passe par ça pour pouvoir retourner à ce rock. Donc oui, on est bons là-dedans je pense.
Félix : On est bons là-dedans tu dis ? (rires)
Adrien : (rires) Oui en tous cas je pense qu’on est meilleurs en rock vintage qu’en électro.
Félix : C’est qu’on a commencé comme ça quoi, on a plus d’expérience là-dedans.
Bérald : C’est vrai aussi que la période, pendant 10 ans, voulait que tout ce qui sortait était hyper produit. À un moment on écoutait Drake par exemple.
Félix : J’adore Drake !
Bérald : Et ça c’était que de la prod derrière et tout. Donc on avait cette envie aussi de goûter à de meilleurs produits. C’était plus de l’expérimentation, alors que là c’est ce que l’on sait faire.
Félix : Ce qu’on aime finalement. Là où on est les meilleurs !
Bérald : Là où on est les meilleurs ! (rires)
Adrien : Ça, ça va être mis en boucle ! En ce moment il y a beaucoup moins de musique organique et jouée et nous on se sent un peu les défenseurs de ça. On se sent les défenseurs de la musique jouée et de la musique organique, en ce moment en tous cas. C’est ce que cet album défend, le retour aux sources.
Félix : Le « jouer ensemble » quoi.
Adrien : Là on a tout enregistré en live, ensemble ! Ce que tu écoutes sur l’album c’est une seule prise. On a joué tous en même temps et ça nous excitait aussi de revenir à ce côté performance.
Félix : L’album d’avant on l’a enregistré en mode « chacun séparément ». D’abord la batterie, ensuite la guitare… On n’a pas du tout fait un enregistrement live. C’est tout ce qui s’est passé dans nos vies qui nous fait retourner à ça aujourd’hui.
Adrien : Mais c’est vraiment nous qui voulions ça à chaque fois. Ça témoigne d’une grande liberté au sein du groupe et c’est ça qui est cool. Il n’y a pas de carcan. Ne serait-ce que le format « pop » parce qu’à chaque fois les chansons restent un peu pop mais la façon dont on habille de manière sonore les chansons, c’est hyper large.
Félix : Est-ce qu’on peut dire « The sky is the only limit » ? (rires)
LFB : Quelles ont été vos inspirations pour votre nouvel album « Visage » ? En vous écoutant, l’album ressemble à une immersion dans votre vie personnelle.
Adrien : Ouais, complétement ! Visage c’est assez autobiographique. C’est un moment où j’étais un peu en freestyle dans ma vie, en peine et en peine de cœur. C’était après une rupture, je suis beaucoup sorti, j’ai beaucoup fait la fête et c’était assez cool. Au final c’était très vide mais aussi très inspirant, c’était bizarre. Je pense que ça se ressent, j’avais besoin de parler de ça. Il y a aussi de sorte de dépression et de lâcher prise qui va avec, tu vois ? Ça rejoint un peu ce lâcher prise là, de retourner à ce que l’on sait faire, au rock. Les paroles aussi je les trouve moins travaillées que sur l’album d’avant, elles se rapprochent de la parole.
Bérald : Il y a toujours des petits jeux de mots bien sentis quand même ! (rires)
Adrien : Mais en même temps, cet album n’est malgré ça pas sombre du tout, je trouve ! Je suis retombé amoureux pendant la période de l’écriture donc c’est un mélange des deux. C’est un tournant dans ma vie, parce qu’il y a un grand moment de dépression et un grand moment de renaissance. C’est hyper riche.
LFB : Question réseaux sociaux, parce que j’ai vu que vous n’étiez pas très doués avec ça… (rires)
Félix : Comment ça ?!
LFB : En allant sur votre site, votre file d’actualité est résumé en un enchaînement de vos dernières publications sur vos différents réseaux. Vous êtes aussi beaucoup plus présents sur Instagram en ce moment. Est-ce que c’est votre nouveau mode de communication ?
Adrien : On est obligés de se promouvoir avec ça maintenant. Avant la tournée par exemple j’ai retweeté plein de gens parce que ça me fait trop plaisir de voir autant de gens qui postent « J-2 avant le concert… ». En plus c’est cool parce que ça nous fait plaisir et ça fait plaisir aux gens qui postent. Ça nous permet aussi d’annoncer nos tournées. Après je sais que Bérald n’est même pas inscrit sur Instagram.
Bérald : Oui, j’ai arrêté Instagram.
Adrien : On n’est pas de grands fans non plus mais on est un peu obligés de passer par là.
Bérald : Quand on a commencé, Instagram n’existait pas encore.
Félix : Donc on a dû s’y mettre.
Bérald : Oui, on a dû s’y mettre. C’est pour ça que comme tu dis, on n’est pas vraiment doués.
LFB : Du coup vous n’en faites aucune utilisation personnelle ?
Félix : Si, si, moi je suis devenu accro !
Adrien : Pas accro mais je suis aussi pas mal sur les réseaux.
Bérald : Non, non, moi j’ai arrêté il y a deux ans : pas de Facebook, pas d’Instagram, le café du coin quoi !
Félix : Je ne sais pas comment tu fais, quoi !
Adrien : Ça doit être assez libérateur je pense.
Bérald : Au début tu te sens un peu hors du coup mais après tu te dis « Au final c’est quoi le coup ? »
LFB : Que pensez-vous de la musique engagée et de la place qu’elle occupe dans la société actuelle ?
Adrien : Nous on n’a jamais été vraiment engagés parce qu’on préfère divertir. Je pense personnellement qu’en tant que song-writter, ma place est plus dans le rêve et justement, pas forcément dans la réalité. Je n’ai jamais été trop à l’aise avec ça, même si ça ne m’a jamais empêché d’avoir des convictions et des idées. Je suis plus un esthète de la chanson, j’aime une chanson pour son esthétique et pas pour son message.
Félix : C’est vrai qu’on écoute peu de chansons engagées.
Adrien : John Lennon c’est hyper engagé hein !
Félix : Justement, la musique peut faire passer des messages de paix et d’amour. Tant que ce ne sont pas des messages de haine.
Bérald : Je sais que moi je n’écoute pas de la musique pour écouter un mec qui me rappelle à la réalité. Je suis comme Adrien, j’aime la musique pour ses mélodies et ses rythmes. Après je respecte carrément les mecs qui ont des convictions comme ça, et je pense que l’Art c’est aussi une bonne manière de se faire entendre.
Adrien : On a toujours aimé passer du temps sur des mélodies, des arrangements et de détails. Je prends plus la musique comme quelque chose d’émotionnel que comme un vecteur d’idées.