Depuis maintenant plusieurs jours, on se protège d’un méchant virus en restant dans nos maisons. Notre chez-soi devient un refuge où l’on se retrouve face à soi-même, sa peur, ses angoisses, son humanité. Alors face à cela, on se crée de nouveaux lieux de protection : en écoutant de la musique, par exemple. La musique comme abri, Refuge l’a bien compris et l’exprime à travers son nouvel album hunger.
Symbolisme et langage fleuri
Sur la pochette de son album, Refuge a des airs de Madone. Habillé de son sari traditionnel rouge, le chanteur ressemble à la vierge à l’enfant. Un bouquet de chardons en guise de Christ. Le choix de cette plante épineuse n’est pas un hasard. Le symbolisme du chardon revoie à une image de protection, d’austérité et de résistance. En d’autres mots, de refuge. Pourtant, les fleurs qui ornent la plante diffusent un parfum doux qui attire les papillons et les oiseaux. Là, est toute l’ambiguïté du chardon : symbole de douceur et de froideur. Une ambiguïté qui se reconnaît dans l’album, à la fois lumineux et poignant, intime et universel.
Repli sur l’intime
Lorsque les genres musicaux s’entrecroisent ; que les appartenances de genre, de sexualité et d’origine s’affirment, comment trouver sa propre identité ? Sa place dans le monde ? Par cet album, Refuge tente de répondre à ces interrogations. C’est un travail sur lui-même, sur son intimité. Une quête, en quelque sorte. Il semble renouer et nous partager une part de lui, de ses origines. Ainsi, la culture indienne enrichit sa musique. Des sons répétitifs – dessinant des motifs – se nouent à des harmonies lumineuses et résonnantes – portées par des percussions. Le titre Silsila Yeh Chahat Ka est l’une des meilleures illustrations. La musique est à la fois colorée et travaillée, marquée au fer des rythmes secs. On ressent une tension, palpable, entre des notes proches. Entre des sons stridents, se faufilent des sons vaporeux et veloutés. Il y a également le titre Lion’s Tear. Sa partie instrumentale nous met dans un état de transe. Les pulsations des tablas donnent une énergie effrénée et quasi-sulfureuse, au morceau. C’est comme si nos corps étaient pris d’une fièvre et ne pouvaient s’empêcher de danser.
L’ouverture et l’éclosion
En dévoilant son intimité, voire sa sensibilité, l’artiste parvient à toucher la nôtre. A toucher du bout des doigts l’universalité. A travers ses textes, Refuge évoque des thèmes forts et poignants tels que la mort, puis les émotions fortes qui s’expriment. Comme avec le texte en français de Don’t Say a Word : « à travers tes cernes, tes larmes, ton sourire ». Le chanteur et musicien n’appelle pas à refréner ou réprimer ses émotions, mais à les libérer. Les sonorités composées sont poignantes, touchantes. Le chant est comme étiré et pénètre en nous. Il y a quelque de réconfortant, qu’on pourrait mettre en parallèle à une citation du dramaturge Wajdi Mouawad dans sa pièce Incendies (que Refuge évoque par le personnage de Nawal dans sa chanson éponyme) :
« Maintenant que nous sommes ensemble, ça va mieux »
Wajdi Mouawad, Incendies (2003)