Une conversation avec Pearl & The Oysters

On l’avouera sans rougir, dans la galaxie de la pop française actuelle, on tient Pearl & The Oysters en très grande estime. Le duo est d’ailleurs du genre difficile à attraper puisque désormais installés en Californie. On a donc profité de leur passage à Paris, pour leur concert avec Biche, pour les interviewer et parler musique, dépaysement, la différence entre leur formation live française et américaine et forcément un peu de Star Trek.

Crédit Photos : Alphonse Terrier

La Face B : La première question que je pose toujours c’est : comment ça va ?

Joachim : Ça va ! On est très contents d’être là.

Juliette : je suis un petit peu tendue personnellement, mais ça va.

LFB : Ça fait quoi d’être le groupe de pop indé français le plus américain du game ? (rires)

Jo : Je ne sais pas trop. Ça fait le sentiment de ne pas être très français, et en même temps de ne pas être très américain, parce qu’aux Etats-Unis on dit qu’on est français, et en France on dit qu’on est américains, donc c’est un peu bizarre, on est un peu entre les deux.

Ju : Je crois que ça va vraiment avec notre vie entre les deux pays. Et on navigue vraiment dans notre bi-nationalité.

Jo : Un peu honte des États-Unis en ce moment, car les États-Unis c’est dur quoi. C’est bizarre de vivre dans un pays où on est tellement pas raccord avec toute la politique. Mais c’est bien pour pleins d’autres trucs, et on peut y faire de la musique.

LFB : Moi j’adore vos albums, et j’ai l’impression qu’ils ont été créés comme une espèce de bulle hors du temps, et je me demandais si vous l’aviez imaginé comme ça à la base, ou pas du tout ?

Ju : À la base peut-être pas, mais c’est venu assez vite quand on a découvert la péninsule floridienne et qu’elle nous a inspiré quelque chose d’assez extraterrestre, ce n’était pas du tout une végétation, une nature qu’on connaissait. tout était nouveau pour nous et je crois qu’on s’est vraiment lancé dans cette espèce de fantasme.

Jo : Ouais c’est vrai que c’est un peu intemporel dans le sens où on essaye de faire un truc space age, futur des années 60 tu vois. Donc y a peut être un truc qui brûle les pistes et qui fait un peu une confusion en termes de temporalité dans laquelle on veut marquer le projet esthétiquement. Et en fait c’est plutôt bien car ça permet de donner un truc différent je crois, de pas chercher à faire la musique du vrai futur.

LFB : Ni de chercher à faire la musique du passé.

Jo : Ouais, parce que c’est vrai que l’inverse peut être un peu ennuyeux. Ça ne m’ennuie pas forcément, quand c’est très bien fait je peux adorer.

LFB : Tu parlais du fait d’habiter en Floride et je me demandais en quoi les endroits où vous avez habité ont influencé votre musique ? Entre Paris, la Floride, là vous êtes à Los Angeles en ce moment : est-ce que les couleurs des endroits ont une influence sur votre musique et votre esthétique ?

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Ju : Peut-être au niveau des noïses, on s’est installés au nord de la Floride où il y a des insectes partout, et où il y a une espèce de grouillement permanent, et d’ailleurs on a enregistré des criquets dans la nuit, dans notre quartier. Je crois que ça a un petit peu marqué le côté exotica de notre musique, de s’inspirer d’une flore et d’une faune pour faire des sons mais avec des synthétiseurs, ce qui était notre idée à la base.

Jo : C’est un truc qui existait déjà avant avec la musique japonaise des années 70, qui est aussi une influence. Après je ne sais pas, j’ai l’impression que oui et non. Enfin oui la Floride en terme de paysages, ça nous semblait tellement étrange et exotique qu’on a poussé encore plus sur ce côté de la Floride et poussé la caricature pour en faire une espèce de planète inconnue. Ça c’était surtout sur le premier album, mais le deuxième fait complètement partie de cet espèce de projet de traiter la Floride comme si c’était une planète dans un space opera.

LFB : Je trouve que dans le deuxième vous avez beaucoup plus poussé les influences cinématographiques sur la chanson instrumentale qui est absolument folle, et qui fait pareil space opera. Le cinéma ça vous influence aussi dans votre façon d’envisager la musique ou pas du tout ?

Ju : Tu parles de I Fantasmi Di Pompei ? Bien sûr, absolument.

Jo : Ouais je pense, parce que quand on écrit les paroles, ouais et dans le deuxième c’est vachement marqué parce qu’on raconte pleins d’histoires, on invente des personnages et tout.

Ju : On adore le cinéma, et aussi la musique aux films.

LFB : Ce qui est marrant aussi c’est que j’ai l’impression qu’il n’y a pas non plus de marqueurs temporels dans vos paroles. Il y a des indicateurs à droite à gauche, mais on peut pas mettre d’époque exacte.

Jo : on le fait peut-être sans forcément y penser. Mais c’est vrai, j’y ai jamais trop pensé. Comme on fait pas une musique qui est super descriptive du temps dans lequel on vit, c’est vrai que parfois c’est plus un langage affectif et parfois juste on raconte des histoires.

Ju : on aime aussi aller dans l’abstrait au niveau des paroles. C’est quelque chose qu’on développe de plus en plus.

Jo : C’est vrai, mais je pense qu’il y aura toujours une combinaison de styles lyriques. Il y a des chansons qui racontent une espèce d’histoire où on invente un protagoniste, et des chansons qui parlent d’un truc très universel avec des métaphores sur l’espace. Il y a des chansons surtout dans le prochain album qui sont plus personnels, d’un point de vue affectif, on parle plus de nous et de ce qu’on a vécu.

LFB : On vit dans une époque de plus en plus cynique et dure : c’est important pour vous de faire une musique à l’opposé de ça ? Je trouve votre musique hyper chaleureuse, hyper pure. Si je passe une mauvaise journée, je vais me passer un de vos titres et ça va aller mieux.

Ju : On y pense beaucoup. Ce n’est pas facile de tenir le cap de nos jours, et il faut agir et être présent sur la Terre et faire du mieux qu’on peut. Mais c’est indispensable pour nous de s’évader.

Jo : On en parle beaucoup avec Juliette justement. C’est super important qu’il y ait des musiques comme ça. C’est une musique d’évasion. Ça fait plaisir d’entendre ce que tu dis, car nous on l’a fait comme un exutoire du monde anxiogène dans lequel on évolue tous.
Mais ouais ça peut paraître trivial. Je pense que c’est pas du tout trivial de faire de la musique qui a une surface très chaleureuse et gaie. Si tu commences à penser aux paroles, il y a toujours un double discours, mais je pense que c’est super important. Je pourrais pas vivre dans un monde où il y a que des gens qui font une musique qui épouse le climat du monde actuel, parce que c’est trop déprimant et du coup ça serait trop de la musique qui déprime.

LFB : Vous avez votre groupe aux Etats-Unis ; votre groupe à Paris qui est plus ou moins souvent les mêmes gens avec qui vous jouez. Est-ce que d’un pays à l’autre votre musique change en live ?

Ju : énormément !

Jo : Ce n’’est pas du tout les mêmes types de musiciens, du coup ils jouent pas du tout pareil, avec des arrangements super différents, pas forcément les structures mais le style de chacun fait que ça change pas mal.

Ju : là on est avec une bonne team de jazzeux ce soir.

Jo : En fait on joue avec le garçon de Plage Trio. Tu connais déjà Greg, Oscar joue dans Structures qui n’a rien à voir et Noé qui joue aussi dans Météo Mirage.

LFB : Vous reprenez encore le générique de Star Trek sur scène ?

Jo :Ouais !

Ju : c’est un thème de fou furieux quoi, tellement romantique.

Jo : On l’a reprise au premier concert de Pearl & The Oysters et en fait on s’est dit, ça va juste devenir un morceau à nous. Il y a quelques concerts où on l’a pas joué, notamment dans notre ville, la vraie hometown du groupe, Gainesville en Floride, et les rares concerts où on l’a pas joué les gens n’étaient pas contents. Je pense qu’à un moment on va arrêter mais bon.

LFB : C’est quoi le futur pour Pearl & The Oysters ?

Ju : On vient de terminer le mix de notre 3ème album, on en est super heureux. On le mixe avec un musicien australien qui vit à Los Angeles depuis un moment, qui s’appelle Shags Chamberlain, et là on a fini le mix juste avant de venir en France et on est super contents de ce troisième opus.

LFB : Est-ce qu’on va avoir un nouvel Ostreoid Festival cette année ?

Jo: Alors c’est un peu la question qui fâche. J’ai envie de dire un peut-être qui va vers le oui, mais quand même encore un peut-être, mais ça ne serait pas au printemps, probablement à la rentrée, genre septembre.

LFB : Est-ce que vous avez des coups de cœurs récents dont vous voulez nous parler ?

Ju : Grave ! On a découvert tellement de groupes géniaux en tournant aux États-Unis qui nous ont vraiment marqué ces dernières années. Good Fight, Dirtbike du sud de la Floride.

Jo : Ils sont incroyables et même aux États-Unis ils sont pas très connus. Gros coup de cœur, le dernier album de Sean O’Hagan de The High Llamas, et je sais qu’Alexis (Fugain de Biche ndlr) aime bien aussi. Ça c’est assez récent, ça vient de sortir, et c’est vraiment génialissime.