Chez La Face B, on adore les EP. On a donc décidé de leur accorder un rendez-vous rien qu’à eux dans lequel on vous présentera une sélection d’EP sortis récemment. Aujourd’hui, ce sont les EPs de Methyl Ethel, Hier soir et VSSVD et qui passent sous le radar de La Face B.
Methyl Ethel – Hurts To Laugh
Après avoir sorti son troisième album, le groupe d’indie rock psyché reprend la parole avec un EP, Hurts To Laugh, dont l’urgence qui s’en dégage et l’incroyable musicalité impressionnent. Une fascination transcendante pour une musique qui exalte la douleur pour parvenir à dessiner les contours du beau.
Entre l’extraterrestre et le familier, le groupe australien réalise un coup de maître avec ces cinq titres qui explorent un peu plus profondément l’univers musical psychédélique et stellaire. Sur une base de rock indé s’ajoute des nappes synthétiques enivrantes, des couches de percussions ou de notes électroniques, des accents d’orgues qui prêchent, ou des rythmes qui se rapprochent presque du tango. On pourrait parler de chaque titre individuellement, tant leur déstructuration, loin des codes classiques de composition de titres, impressionnent. Honest a gagné notre coeur, par ce refrain comme une incantation, comme une voix lointaine qui communique avec le for intérieur. Ce n’est pas une chanson, c’est une symphonie, une mélodie venue d’ailleurs qui transporte dans un cosmos bien loin de la Terre.
What Memory Found illustre à merveilles cette urgente douleur qui ne demande qu’à sortir, vite, à s’exprimer. Le chant, presque voilé, lointain, se ressent parfois comme un râle pénible. Il monte en puissance, s’insurge, se complexifie, endolori, puis se relâche, s’essouffle. Un tableau mélodieux se peint, doucement, dans la magie de Jake Webb, qui de l’amertume élucide une beauté naissante.
C’est un EP prodigieux, comme une exaltation de la douleur, une symphonie endolorie, scintillant de majestueux et de complexité artistique venue d’ailleurs.
Hier Soir – Midi Minuit
Parfois, volontairement ou pas, le nom d’un groupe devient la ligne directrice du projet qu’il habille. Hier Soir est né d’une rencontre qui aurait pu être éphémère. Mais parfois, les souvenirs de la veille restent à la surface enrobé par les vapeurs d’alcools et autre distractions qui parfois les effacent. Et tout d’un coup Hier Soir devient demain, un projet au long cours, une histoire qui se traitent dans la durée sans se perdre au fond des verres de bière. Midi Minuit est le deuxième effort d’Alix et Clément et résonne de manière à la fois poétique et étrange dans notre situation actuelle. Ces cinq morceaux sont une plongée dans les affres du temps, ces terres étranges qui s’étirent à l’infini et dans lesquelles on navigue entre ennui, regrets, fantasmes et évasions. Hier Soir finit par devenir demain et nous invite à un voyage à travers le temps, une épopée mentale aussi étrange que poétique, guidée par une musique futuriste qui alterne avec bonheur entre danse et contemplation et ou les ambiances synthétiques de Clément entre en symbiose avec la voix chaleureuse d’Alix. On commence ainsi avec Going On, seul titre en anglais, bercé par des nappes synthétiques et oniriques. Midi Minuit résume à la perfection la situation que nous vivons tous actuellement, cette période étrange qui nous prête à nous enfoncer dans le labyrinthe de nos esprits, aux risques de nous y perdre définitivement. Paradis 0 est le titre le plus lumineux musicalement de ce nouvel EP, mais après avoir passer une première écoute superficielle, on comprend les sombres présages d’Alix pour finalement réaliser que c’est une danse avec la mort qu’Hier Soir nous propose. Réalité calme le jeu et est sans doute la chanson la plus directe et franche qui nous est proposée, une plage mélancolique et tendre qui disparaitra avec éclat dans l’explosivité de Vide qui nous emmène jusqu’au bout de l’oubli. Avec Midi Minuit, Hier Soir fait du temps le personnage central de son histoire, le malaxe et le modifie à sa guise pour traiter du passé et du futur en ayant les deux pieds qui dansent dans le présent.
VSSVD – Rouge
Le quatuor VSSVD dévoile un nouvel EP Rouge, mêlant leurs influences rap, jazz et électro pour une production dévoilant la superbe du chaos.
Autour de thématiques qu’on pourrait appelé comme classiques dans le rap, le groupe fait preuve d’une certaine inventivité pour apporter modernisme et inédit. Les productions sont assez minimalistes : un rythme r’n’b se voit greffer des nappes synthétiques lointaines et atmosphériques. La voix, froide, méthodique et percutante, clame des histoires. Ils abordent ensemble les soucis d’une jeunesse qui se perd, tant dans ses relations que sa consommation de stupéfiants pour survivre à un monde étrange. On notera la réécriture du mythe de Bonnie & Clyde qui se retrouvera tout au long de l’EP.
Outre le fait de dévoiler un rap dénué de mimétisme, la préciosité du groupe tient à sa diversité de composition : un rappeur, un saxophoniste, un pianiste et un batteur fusionnent. Cet assortiment audacieux donne lieu à des productions d’une incroyable musicalité, au-delà du classique des bangers. Crépuscule sublime la beauté de l’apocalypse par le bruit qui l’entoure, par la respiration qui s’accélère et le rythme qui frappe. On sent le coeur qui bat dans nos oreilles, puis dans notre poitrine. C’est prenant, angoissant presque comme un film devant lequel on serait happé. Dernier Souffle est sans doute le titre le plus fort de l’EP en terme de musicalité : un titre instrumental, dominé par le saxophone, qui emporte l’auditeur dans un polar en noir et blanc, avec pour seule couleur un Rouge flamboyant, où les pas irréguliers et inquiets s’enfuient au loin, laissant place au souffle saccadé et aux battements du coeur. Une belle démonstration de ce que peut être la musique : un film sans la vue, une histoire sans les contours.
C’est sans doute sur ce format que brille le plus VSSVD, quand il tire force de sa composition éclectique pour allier rap frontal et empreintes jazz cinématique. Un EP très prometteur dont on espère voir naître un album dans les pas du dernier titre, 06.99, d’où le groupe tire sa force et son originalité.