« On tient debout, mais ne nous demandez pas comment » tel est le mantra qui pourrait représenter au mieux Comment, le dernier EP de Clou. Une phrase qui intrigue et nous questionne sur son apparition. Alors, comme une évidence, nous avons posé nos interrogations, nos « comment » à la jeune chanteuse. Rencontre.
La Face B : Coucou Clou, comment vas-tu ?
Clou : Écoute ça va très bien ! (Rires)
LFB : Mais, au fait, qui es-tu ?
Clou : C’est une super question, que je me pose chaque jour. Je saurai qui je suis quand je me serai décidée !
LFB : En tout cas on sait à peu près qui tu es depuis quatre ans. Des années riches en projets, entre la participation au radio crochet de France Inter, la sortie d’un premier EP, une reprise remarquée et acclamée des Gauloises Bleues d’Yves Simon. Puis, aujourd’hui, tu as changé de label, tu as un tourneur et tu as sorti ton second EP. Qu’est-ce que tu retiens de tout ce parcours ?
Clou : Je retiens qu’il faut être patient. (Rires) Puis, il y a la devise de la DGSE que j’adore, qu’un ami me disait lorsque je perdais patience le long du chemin. Ad augusta per angusta, qui veut dire «Vers les sommets par de petits chemins». C’est une phrase qui signifie qu’il faut prendre son temps et qu’il n’y a pas de ligne droite !
LFB : « Prendre son temps » c’est aussi l’un des titres de l’EP Comment sur lequel j’aimerais revenir. Comment t’es venue l’idée de ce dernier ?
Clou : On devait sortir l’album puis le confinement et pleins d’autres choses sont arrivées. Alors on s’est dit qu’on devait sortir quelque chose et décaler la sortie de l’album à la rentrée. Car ces chansons, je les ai depuis deux ans mais je voulais les partager autrement que sur scène. Elles ont déjà bien vécu sur scène. Cet EP est une sorte de prélude, de première note.
LFB : Il y a quelque chose de très beau et de très fort dans le morceau éponyme, à travers la phrase : « mais on tient debout, ne nous demandez pas comment » car elle résonne avec tout ce que l’on a pu vivre ces derniers jours. Par quels moyens t’es venue cette phrase ?
Clou : C’est une chose à laquelle je pense hyper-souvent ! Quand on vit des choses dures ou traumatisantes et compliquées, on se demande comment est-ce possible de survivre à tout ça et d’enchaîner. Comment est-ce que chacun tient ? Est-ce que c’est parce que l’on est avec quelqu’un qui nous soutien ? Est-ce que c’est la famille ? Est-ce que c’est un projet ? La poésie ? La folie ?
LFB : On retrouve deux versions de ce titre, l’une classique et l’autre, alternative, pourquoi ce choix ?
Clou : Il y a une version faite avec Dan Levy, qui a arrangé l’EP. Puis, une autre version, un peu plus dansante, accessible, avec des basses plus poussées.
LFB : Pour parler de ta rencontre avec Dan Levy. Quelle place a-t-il pu avoir dans le processus de création ?
Clou : Toute la place ! (rires) C’est une chance de l’avoir rencontré, je me suis toute de suite sentie bien avec lui et il s’est passé quelque chose de très chouette humainement. Il m’a montré le chemin en étant presque comme un coach et un guide. Puis il m’a libérée des limites que je me mettais toute seule. Il m’a décomplexée sur l’écriture et le fait de ne pas se fermer sur la composition.
LFB : Et justement vis-à-vis de ce processus. J’ai l’impression que l’on peut le retrouver tout au long de l’EP. Comme s’il incarnait toute l’ambiguïté du travail de création : du temps de la contemplation (Je prends mon temps) qui se transforme en temps de l’action, poussé par la colère (Rouge)
Est-ce qu’il a toujours cette forme de violence, de colère, que tu exprimes à travers Rouge qui pourrait te pousser à créer ?
Clou : Je pense que l’énervement, l’agacement est un superbe moteur ! C’est très stimulant. Je le vois comme un moyen d’expression, plutôt que comme quelque chose de négatif. L’album reflète ça, les sujets qui trottaient dans ma tête comme des mini problèmes ou des questionnements. C’est à la fois introspectif et actif, car j’ai l’impression de faire aussi quelque chose pour moi en écrivant de cette manière là.
LFB : C’est aussi un peu comme ce que tu dis avec Dan Levy qui t’a permis d’enlever ces doutes et limites, ou à travers Comme au cinéma : « tant pis si j’ai peur, je veux essayer »
Clou : Tout à fait ! C’était vraiment laisser sortir ce que je voulais dire depuis longtemps sans oser le faire. Puis les chansons, parfois c’est la méthode Coué(1). On change de vie quand on se lance dans la musique, on laisse une autre vie. Ca m’a demandé un effort mental et financier, mais surtout d’aller au delà de mes angoisses – ma peur principale est la peur du lendemain qui résonne très fort en ce moment – C’est aller au delà et de se dire : « Allez je tente », « J’y vais mais j’ai peur ! » comme disait Josiane Balasko dans Les Bronzés. (Rires)
LFB : Puisque l’on parle cinéma, il y a-t-il des films qui ont plus influencé l’EP ?
Clou : Il y a des cinéastes que j’adore et qui, malgré moi, m’accompagnent tout le temps. Maïween, que j’adore. Ses films me touchent et ont résonné en moi à pleins de moments de ma vie. Il y a une cinéaste qui s’appelle Julie Delpy, qu’on oublie un peu. Et Céline Sciamma que je découvre et qui est géniale ! Ces trois cinéastes me touchent énormément. Après, j’aime d’autres classiques comme James Gray et Woody Allen ! (Rires)
LFB : Et côté musique ?
Clou : Je pense que c’est comme tout ! On est tout le temps inspiré par ce que l’on écoute en permanence. Pendant l’écriture j’ai beaucoup écouté Charles Aznavour, que je ne connaissais pas très bien. Forcement, il y a Paul Simon qui me suit depuis que j’ai treize ans. Qui doit être l’artiste que j’aime le plus et qui me touche le plus. J’ai toujours un peu de Renaud en moi. Puis, une chanteuse pas très connue qui s’appelle Regina Spektor, qui a fait le générique de Orange is the new black. Après, j’écoute aussi Aya Nakamura !
LFB : Le dessin a aussi son importance dans ton projet, car on peut voir certaines de tes illustrations sur Instagram mais aussi dans ton dernier clip. Est-ce que le fait d’illustrer tes propres chansons est une habitude que tu aimerais prendre ?
Clou : Le dessin, c’est un peu ma passion secrète et enfouie ! Peut-être pour le prochain clip mais pour le dernier titre Comme au cinéma, il a été tourné chez moi par Vincent Delerm.
LFB : En parlant du futur, il me semble qu’un tout premier album est en préparation. Pourrais-tu nous en dire plus ?
Clou : L’album est terminé, il est prêt à sortir. Il s’appelle Orages, toujours réalisé par Dan Levy. Le titre part d’une phrase de Victor Hugo, dans Les Misérables, lorsque Jean Valjean a un cas de conscience et dit : « Une tempête sous un crâne ! » Cette image m’a beaucoup marqué au point que lorsque j’ai un problème ou une interrogation, j’imagine tout de suite un nuage et des éclairs dans ma tête. L’album représente un peu cela, où chaque chanson est un orage qui éclate.
LFB : Mis à part la concrétisation de ce beau projet, qu’est-ce ce que l’on peut te souhaiter ?
Clou : Ecoute, de ne pas attraper le coronavirus je pense ! (Rires) Aussi, que certains questionnements émergents, que la crise serve à quelque chose. Un peu comme la lettre d’intérieur de Michel Houellebecq, confiée à Augustin Trapenard sur France Inter. En bon pessimiste et drôle, Houellebecq pense que ça ne va rien changer. Et je pense qu’il a raison…
LFB : Je ne sais pas non plus, mais en restant dans la demi-mesure, je suis plutôt d’accord avec Dominique A qui se méfie de notre capacité à oublier.
Clou : Ouais, je pense qu’il a raison et qu’il faut être optimiste, finalement. On a rien à perdre en croyant à cela. Concrètement, dans ma vie, j’essaie déjà de faire du changement en faisant attention à ce que j’achète, je mange et dans ma manière de voyager. Ça nous remet en question sur certains acquis. Qu’un questionnement se mette en place et que ça commence aujourd’hui, pas demain… Dominique A a raison, restons positifs !
En attendant que les Orages grondent, on vous invite à écouter Comment, le dernier EP de Clou :
(1) technique pour développer sa confiance en soi sur la base de l’hypnose et de autosuggestion, développée par le psychologue Emile Coué