Bons Baisers du Québec #9: On squatte l’hôtel foutraque et jouissif de Pottery

Chez La Face B, la musique se vit sans genre ni frontière. Malheureusement, le monde est différent de nous. On a donc décidé de casser tout ça pour mettre en avant des artistes québécois qu’on adore. Entre jeunes pousses et artistes confirmés, Bons baisers du Québec, c’est le rendez-vous voyage chez nos cousins du Canada. Aujourd’hui c’est chez Pottery qu’on pose nos valises pour un tour dans leur hotel cinq étoiles et composé de 11 suites. Comme ils le disent si bien : Welcome to Bobby’s Motel.

On l’a sans doute déjà dit, il n’y a plus grand chose à inventer du côté du rock’n’roll. Le genre et toutes ses branches est désormais connu et reconnu de tous et il est devenu difficile d’insuffler une certaine nouveauté ce qui n’empêche pas de créer un vent de fraicheur bienvenue, puisqu’au final tout le monde est à la recherche de nouveau prophète à adorer aussi vite qu’on brûlera les autels qu’on aura érigés à la gloire de ces héros qui débarquent aussi vite qu’ils disparaissent. À ce petit jeu, Pottery a été plutôt malin : un premier titre, Hank Williams, en 2018 qui avait mis tout le monde à genoux et puis… le calme, l’attente. Avec un brin de sadisme, le quintette fait monter la sauce avant de débarquer en 2019 avec un premier effort No.1, qui avait tout de la bonne pioche faite pour prolonger l’enchantement jusqu’à l’arrivée de celui que beaucoup n’en pouvaient plus d’attendre, le tant attendu premier album. Et c’est en juin que les montréalais ont dévoilé au monde Welcome To Bobby’s Motel. Le charme opérait-il toujours ? Le jeu en valait-il la chandelle ? L’attente était-elle récompensée pour les auditeurs désormais habitués à recevoir tout et tout de suite ? Oui, trois fois oui même, car ce premier effort nous offre 11 titres qui n’en semblent qu’un seul, une longue ride, un voyage musical qui digère les genres pour mieux les mélanger et offrir un résultat euphorisant, foutraque et jouissif.

Il faut le dire tout de suite, dans les 11 titres et la petite quarantaine de minutes qu’ils nous offrent, il n’est nullement question de Motel ou de Bobby, mais bel et bien de Pottery, de la route et de leur vie à 100 à l’heure dans un van qu’ils ont nommé Mary. Boby et son hotel sont avant tout le reflet de l’existence de ces cinq garçons dans le vent, qui ont trouvé dans Montréal un lieu et une scène qui avait la capacité de canaliser l’énergie et la folie douce qui émane à la fois de leur esprit et de leur musique. Bien aidé par Jonathan Schenke, ingénieur du son notamment pour Parquet Courts (et qui s’y connait donc un peu en folie douce et en bordel organisé) Pottery condense son énergie et ses intentions pour créer Welcome To Bobby’s Motel : un album à l’ancienne, que l’on écoute d’une traite et qui s’amuse à multiplier les genres, les intentions et les émotions sans en avoir l’air, le tout avec une gouaille, un humour et un non sens absolument bienvenue et qui nous ravit plus que la raison nous autorise à le dire.

Ainsi, dès l’ouverture et l’instrumentale, Welcome To Bobby’s Motel, Paul Jacobs, Jacob Shepansky, Austin Boylan, Tom Gould, et Peter Baylis pour tous les citer nous prennent par le col, sourire aux lèvres et instrument au bout des doigts, pour ne plus nous lâcher. Car la grande réussite de ce premier effort est de créer un véritable album de groupe, chacun trouvant sa place, son moment pour offrir un effort collectif au rendu proche du live et de son énergie et privilégiant avant tout des pièces musicales au rendu sonore varié et mouvant plutôt que des chansons à texte. On l’a dit plus haut, les paroles sont souvent cryptiques, parfois sans réel sens et par moment juste créées pour permettre à l’audience de reprendre le titre avec le groupe, ce qui est notamment le cas sur les excellentes Hot Heater et Bobby’s Forecast, boules d’énergies qui grossissent dans notre estomac et qui sans même qu’on s’en rende compte nous font danser peu importe l’endroit où l’on se trouve. Et même lorsque le rythme ralentit et que le texte revient pour le coup plus en avant avec Reflection, ballade entre la pop et le psyché qui nous permet de nous reposer un moment tout en gardant un sourire d’une oreille à l’autre, c’est plus pour jouer en trompe l’œil que pour annoncer un changement de direction.

Car après cette petite respiration vient le morceau de bravoure de cet album, le morceau que tout le monde citera et attendra en concert : Texas Drums, Pt I & II. Titre le plus long de l’album, ce diptyque est un monstre qui vous dévore et qui emporte avec lui tous les doutes que vous auriez pu avoir sur la musique de Pottery. Montant en puissance et en tension, à tel point qu’on en arrive à oublier de respirer dans sa première partie tandis que la deuxième se transforme en piste disco à la basse complètement dingue que n’aurait pas renié une Donna Summer période Bad Girls alors que la voix se rapproche plus d’un délire proche de certains morceaux de Joy Division. Un cocktail aussi explosif que dangereux, qui flirte avec le mauvais goût pour finalement lui faire un énorme doigt d’honneur et nous plonger définitivement dans la nuit selon Pottery. Et ce n’est pas NY Inn et What’s In Fashion qui feront diminuer les paillettes qui montent dans nos yeux, les morceaux étant aussi différents que profondément complémentaires et continuant à tirer avec bonheur sur une énergie qui semble être sans fin. La fin semble proche, et le groupe décide de tranquillement nous achever avec la surpuissante Take Your Time qui n’est pas sans rappeler Talking Heads. Heureusement, Hot Like Jungle vient terminer l’histoire dans un calme apparent et bien mérité.

Welcome to Bobby’s Motel est un coup de foudre, un album dont on tombe amoureux dès la première écoute et dont on est persuadé qu’il nous suivra pendant un bon moment. Avec ce premier effort, Pottery sculpte un rock du plus bel effet, qui surprend à chaque titre et qui est une vraie déclaration d’amour à une musique guidée par le rythme, le groove et la folie. On ne voit pas ce qu’on pourrait demander de plus.

crédit photo couverture : Luke Orlando.