« Des Rêves », un premier EP en mode dream on pour découvrir l’univers si personnel et attachant de P.R2B.
Comment vous présenter P.R2B ?
On avait découvert Pauline Rambeau de Baralon alias P.R2B, fin 2017, au détour d’une track publiée sur une compilation de la Souterraine. Hyacinthe leur avait soufflé son nom, gage d’une belle recommandation. La chanson, Océan Forever qui figure également sur l’EP nous était alors apparue avec son côté lofi et son timbre empreint de nostalgie. Son caractère addictif nous avait agréablement titillé, entremêlant douceur, montées en puissance et chœurs façon Smalltown boy de Bronsky Beat.
Ses premières scènes début 2018, nous ont permis d’appréhender son persona. Que ce soit lors d’une fête Souterraine au 824h – un bar éphémère de la rue Oberkampf – précédant un Chaton Soundsystem explosif – il venait de sortir Poésie – ou au Pop-Up du Label lors d’une soirée « Bien Réussir Son Burn Out » organisée par les mystérieux Distractions, Pauline décline ses chansons telle une boxeuse sur un ring. Une énergie folle émane d’elle et tout comme Fishbach à ses débuts, elle incarne sa musique à 300%. Comme une urgence à délivrer ses messages.
« Combien de larmes pour remplir la piscine, et que je puisse enfin me mouiller les cheveux, le portrait d’une femme auprès de la piscine rappelle à mon cœur que le ciel était bleu »
Sans concessions, on la retrouve pour la commémoration des 50 ans de mai 1968 au Centre Pompidou avec l’Extragroupe, aux côtés de Guillaume Marietta, Eddy Crampes ou Sarah Maison (sans oublier Biche en backing band), reprendre Léo Ferré avec les anarchistes – extrait de l’Opéra du pauvre – ou la chanson Tu ne dis jamais rien. Associée à Aquaserge pour la Jimi du Festival de Marne ou encore à la Maison de la Poésie lors de la soirée « Qui sont les coupables ? » interpréter la poignante Symphonie Pastorale de Brigitte Fontaine.
Son style musical ? On pourrait dire tous et aucun à la fois. Mélange de chanson française, de rap avec son flow haché, et d’électro pour ses productions qu’elle peut mâtiner de clarinette, son instrument de cœur. Jonathan Cohen, l’acteur de Bloqué et de Serge le Mytho, l’a décrite très justement en la comparant à Barbara, mais une Barbara qui fait du skate.
Signature chez Naïve (elle rejoint Jeanne Added, Yseult, Arno, Susheela Raman ou encore Youssou Ndour) et puis rencontre avec Tristan Salvati (Angèle, Cœur de Pirate, Claire Laffut – celui qui lui a inspiré son Mojo…) qui l’avait contacté sur Instagram et avec lequel, durant l’été 2019, elle a préparé et enregistré son EP.
Depuis ses débuts tonitruants elle a appris, tout en construisant son projet, à canaliser son énergie brute. Lauréate du FAIR 2020, elle avait précédemment été sélectionnée aux chantiers des Francofolies (aux côté de Jaune et d’Arthur Ely), et aux Inouïs du Printemps de Bourges. Elle nous avait ébloui à la Maroquinerie lors des sélections. Nous étions ressortis de la salle convaincus que 2020 serait l’année P.R2B. Il ne pouvait pas en être autrement. Malheureusement la crise sanitaire a tout bousculé mais gageons que les années qui viennent affirmeront sa place sur la scène française.
Plus de deux années que nous la suivons, c’est donc dire toute l’attente que nous mettions dans ce premier EP. Avec l’appréhension que son évolution lisse à l’excès ses aspérités que l’on adore car ce sont elles qui donnent, comme en sculpture, vie à son œuvre. Mais non, nous sommes rassurés, le projet reste en totale cohérence avec l’image que l’on a de lui.
Six morceaux rythment l’EP dans une succession de plans séquences qui nous font naviguer entre mélancolie, excès, romantisme ou révolte.
Des rêves est un des titres les plus personnels de P.R2B, initialement paru sur la compilation Générale de Chauffe de la Souterraine. Personnel car il touche – aux rêves – à ce qu’il y a de plus profond chez une personne : comment son inconscient peut s’arranger avec la réalité.
Dolce Vita, le titre et l’intro à la clarinette nous font forcément penser à Fellini et à son atmosphère si caractéristique. Pauline, en plus de ses fortes affinités avec la musique, a une passion pour le cinéma qui l’a menée sur les bancs de la FEMIS – promotion 2016. Le cinéma reste encore très proche de l’univers de P.R2B ; Pauline a réalisé les clips des trois singles sortis avant son EP (Des rêves, Dolce Vita, La chanson du bal).
Le film à l’envers est un clin d’œil aux sons des années 80, ceux des Rita Mitsouko, ceux du Modern love de Bowie que l’on associe forcément à Denis Lavant et au travelling de Mauvais Sang de Leos Carax ou encore, ceux que l’on retrouve dans les intonations de la voix d’Isabelle Adjani dans Pull marine. A nous aussi de faire un chemin à l’envers dans nos souvenirs.
La chanson du bal nous baigne dans un romantisme 2.0 ; l’histoire d’une cendrillon moderne perdue dans ses pensées et ses envies – entre réalité et monde fantasmé – où un pur-sang à la robe blanche immaculée se transforme en une Peugeot rouge 405 pimpée « Le Mans » tel le carrosse qui redevient citrouille.
On quitte le romantisme pour la mélancolie avec Océan Forever qui gagne en rondeur par rapport à la première version tout en conservant sa force.
Le beau mois d’août qui clôt l’EP, nous laisse sur une atmosphère faussement apaisée confrontant les images superficielles que l’on garde de nos vacances à l’actualité qui nous ramène dans le réel.
Mission donc réussie pour P.R2B avec un premier EP qui synthétise, en quelques mouvements de caméra, son univers et donne envie d’en découvrir plus. Pauline va pouvoir regarder droit vers son futur à l’image de la photo de couverture captée par la talentueuse Bettina Pittaluga.
De notre côté, nous avons gagné un nouveau membre de la team de nos Pauline favorites de la Face B rejoignant Pauline de Tarragon (Pi Ja Ma) qui devait se sentir bien seule – mais pas trop quand même.
Si la malédiction des pangolins nous laisse peu de répit, P.R2B devrait se produire en tournée cet automne avec en final une Boule Noire à Paris le 8 décembre et avant celle-ci, d’autres concerts en province où elle croisera Hervé, Charlotte Adigéry, Pomme, Yseult, Fils Cara… (on aimerait tant avoir un don d’ubiquité).