(Exclu) Dasein ou ne pas être là

Vous pensiez que les Français ne faisaient que dans la dentelle quand il s’agit de musique ? Vous pensiez que le shoegaze français était ni plus ni moins inexistant ? On vous laissera donc vous détromper grâce à l’EP en exclusivité du quatuor strasbourgeois Sinaïve ! Et c’est du lourd ! 

Ce qui frappe au sein de Dasein, c’est la polyglossie musicale, teintée d’une belle unité telle le fil rouge de cette pépite. D’une manière générale, le beau malaise français règne dans un désordre que le quatuor arrive bien à mettre et à ordonner en musique dans leur rock. On sentira tout le long une ambiguïté constante, un jeu avec l’auditeur, tantôt on le perd dans les riffs endiablés, tantôt on le retrouve entre deux accords de guitare acoustique et une polyphonie angélique mais non moins criante d’un absurde esthétique et vraiment en accord avec l’ambiance générale de l’album. D’une autre manière, on se sent bercé autant qu’on se sent pointé du doigt dans chaque morceau. Ce psychédélisme qui s’impose en hypnose est très parlant, très réussi, très bien transposé. Puis tantôt on retrouve la saccade qui nous réveille en sursaut, brisant ainsi l’onirisme qui lui ne peut pas être éternel. Ces juxtapositions sans presque aucune transition ajoute cette esthétique très nineties, très folle et osée, enragée comme enjouée..On entendrait presque le groupe jouer dans un bar underground de Strasbourg. 

Paradoxe Français ouvre le bal, avec ses bruits parasites comme une foule mouvante en délire mais ces sons ne sont non moins utiles à l’appréhension et la compréhension du son qui s’en dégage comme une critique sociétale électronique de 6 minutes. Bien sûr qu’il ne faut pas s’arrêter qu’au titre ! Les paroles se noient dans la confusion constante et musicale. Ici, l’auditeur se trouvera secoué d’une telle ouverture pour un EP. C’est fort ! Très fort !

On repart sur un peu de douceur avec Syndrome de Vichy. On découvre non plus des voix saturées mais un duo charmant et lyrique qui bientôt est rejoint par une guitare amère et crispée dans un blues électrique teinté de nostalgie mais non moins de bons sentiments. Les paroles semblent simples mais résonnent au fond des oreilles comme une médiation constante dans la brume et dans la voix. On se laisse guider, apaisés, confiants.

Dans le titre Masse Critique, la nostalgie n’est cette fois-ci pas seulement intradiégétique mais atteint parfaitement l’auditeur ! Les oreilles aiguisées de l’auditeur averti reconnaîtra des pans rythmiques et mélodiques minimaux inspirés par le duo de rockeurs Suicide. Une excellente référence utilisée à bon escient. Le rock minimaliste laisse ensuite place à une électro plus suave qui pourtant reste paroxysme de la chanson. C’est ça qu’on aime chez Sinaïve : même les ruptures sonores font de l’effet !

Eternel Retour, l’éternel retour de la saturation sonore avec un but esthétique, l’éternel retour du rêve atrophié, sourd. On respire avec l’orgue final, du moins l’on croit respirer dans ses accords coupés par le retour de la guitare agonisant dans les soupirs mélodieux-dramatiques. Émouvant ! 

Avec Elle, la cerise sur gâteau : l’hommage à Velvet Underground tant attendue. Les accents de Lou Reed prennent une saveur tout aussi atypique lorsqu’ils sont retranscrits en langue française, c’est un tout nouvel univers qui se crée, c’est le renouveau du rock indé, made in France ! C’est un psychisme envoûtant, c’est enivrant à souhait, c’est une suggestion de suite à l’histoire que Sinaïve écrit. Cette histoire qu’ils vont sûrement marquer d’une pulsation battante à l’unisson au sein de ces 4 cœurs !

Cet EP est une vraie machine temporelle. Que de va et viens entre les année 70 et les années 90. On est finalement très impatients de découvrir la suite de ces 4 passionnés passionnants !