Pour commencer, on tenait à vous rassurer légèrement : La Face B reste un média musical. Alors aujourd’hui, on ne va pas vous parler d’une nouvelle salve d’épisodes d’une quelconque série sortie sur un service de streaming bien connu, mais bien d’un groupe nommé Amazone et de son nouvel EP Épisodes qui se dévoile se matin en exclusivité sur notre site.
Une légende raconte qu’au cœur de Nantes vit un être étrange, hydre à quatre têtes ayant grandit en secret parmi les hommes et se nourrissant de vagues d’émotions musicales venues de tous les genres et de toutes les époques, tirant à lui les fils du psychédélisme, du jazz mais aussi de la pop française saupoudrée d’un soupçon d’onirisme. Ce personnage fantasmé sort parfois de sa cabane dont personne ne connait l’adresse pour livrer aux mortels que nous sommes une musique fluide comme l’eau, qui glisse dans nos tympans et qui nécessite d’être domptée plus que d’être consommée avec facilité. Trois ans après avoir dévoilé un premier effort qui portait son nom, Amazone réapparait aujourd’hui et nous offre une nouvelle salve de morceaux vivants, portant le doux nom d’épisodes.
Il fallait une introduction à la hauteur de leur musique, et comme celle-ci nous est apparue aussi mystérieuse que vivante, on a décidé de transformer Amazone en légende, à l’image du Lycanthrope qui donne son nom au dernier titre de leur nouvel EP. En réalité, on tenait à vous rassurer, nous avons bien affaire à des être humains de chair et d’os, qui nous proposent une série de morceaux qui aura pour elle une qualité qu’on cherche souvent dans la musique : la décence de ne pas mettre de côté notre intelligence et notre capacité à nous imprégner d’une musique.
À l’image de ses contemporains rennais du Groupe Obscur, ces quatre là nous offrent un véritable monde, un univers dans lequel il est nécessaire de se plonger et de faire, chose rare dans un monde où tout le monde cherche la facilité, un effort de concentration. Car oui, comme expliqué plus haut, la musique d’Amazone ne s’offre pas facilement à son auditeur, il faut la prendre au sérieux, la laisser nous envelopper et ouvrir les chakras de notre ressenti pour pouvoir accaparer toute la beauté de celle-ci.
Ainsi dès Souvent, la messe semble dite : nous sommes ici face à quelque chose de vivant, prenant plaisir dans l’art du contrepied et de la cassure. Sans jamais chercher la simplicité, la musique devient alors un mouvement perpétuel, allant toujours vivre là où on ne l’attend pas. Ainsi Parallèle, nous entraine dans une promenade éthérée et irréelle, trouvant sa force dans cet étrange dialogue qui se forme entre une voix masculine caverneuse et une féminine qui semble nous venir d’ici et d’ailleurs. De dialogue, ces deux antagonistes se transforment en osmose sur Torpeur portée ici et là part des chants d’oiseaux et qui transforment cette torpeur qui porte mal son nom en véritable brasier sonore qui prend de l’ampleur au fur et à mesure du morceau. Si nos oreilles semblent obsédées par ces morceaux construits comme des poupées gignones, s’ouvrant au fur et à mesure pour dévoiler ses structures et sa folie, offrant ainsi plusieurs chapitres dans un même titre. Il ne faut pour autant pas mettre de côté les paroles, nous offrant des sortes de rêves éveillés, où le merveilleux surgit sans qu’on ne puisse l’atteindre, nous invitant à laisser le temps se diluer et à prendre plaisir à la contemplation.
Mais tu oublies vient alors frapper un grand coup, porté par une basse et une batterie complètement folles et qui cherchent à exploser les carcans dans lesquels ont voudrait les enfermer tandis que Lycanthrope bascule totalement dans la féerie, nous invitant dans une danse presque macabre à la chasse perpétuelle d’un être qui se nourrirait de nos corps et de nos âmes pour finalement réaliser que l’ennemi est en réalité intérieur.
Avec épisodes, Amazone surprend autant qu’ils gagnent notre adhésion avec ses cinq morceaux qui se libèrent totalement des carcans rythmiques et stylistiques, le groupe nous offre un grand bol d’air frais, vivant, grandiloquent parfois, mais jamais tiède. À une époque où une grande partie de la musique se compte en nombre de streams sur Spotify, voir un groupe qui prend encore des risques pour nous offrir une musique qui est à la fois une expérience, une épopée et une déclaration d’amour au rêve et au psychédélisme fait chaud au cœur. Alors on ne peut que vous inviter vous aussi à dompter la musique d’Amazone, c’est un voyage dont on ressort différent et c’est sans doute ce qu’il nous faut en ce moment.