Chez La Face B, on adore les EPs. On a donc décidé de leur accorder un rendez-vous rien qu’à eux dans lequel on vous présentera une sélection d’EPs sortis récemment. Aujourd’hui on vous parle des EPs de Computers Kill People, FØR et Navarro.
Computers Kill People – Destruction Derby
Ils ont beaux être parisiens, il y a des EP qui fleurent bon les étendues arides californiennes. Sous le nom bien engagé de Computers Kill People se dessine un groupe au story telling post apocalyptique et dystopique. Suite à un dérèglement climatique globale, la Terre se retrouve balayée par les sables brulants du désert. Les grands dirigeants laissent alors le contrôle de la planète à l’intelligence artificielle qui, despotique, asservit l’humanité et annihile toute forme d’art. La résistance s’incarne en un quatuor d’irréductibles qui feront grésiller les guitares et vrombir les décibels.
C’est donc après 2 précédents EPs et un album que le groupe revient avec une rage et une créativité qui ne demande qu’à exploser ! Destruction Derby en est la parfaite apothéose.
Illustré par des photos vintages, l’EP sonne comme un respectable motard qui a sillonné toutes les routes américaines, et dont même le sable des plus arides déserts américains n’a réussi à faire gripper les rouages.
Premier titre, Doormat pose directement les bases. Tout d’abord une voix mémorable, savant mélange d’un Josh Homme dans des aigus ultra élégants et d’un Lemmy Kilmister pour cet aspect rocailleux sexy et rock’n’roll à souhait. Le morceau a tout sauf froid aux yeux, et n’hésite pas à laisser son chanteur seul devant le vide avant un grand plongeon dans des riffs de guitares dantesques. C’est ultra bon, et on ressent immédiatement une expérience du live qui sait comment ménager son suspens et son énergie.
Les festivités se poursuivent avec Weight You Love qui laisse place à une batterie ultra accrocheuse et des influences Queen of the Stone Age indéniables. Un renouveau du genre stoner avec une mélodie envoutante et une instru bien énervée comme ça fait plaisir de l’entendre.
Dirty Habits est le genre de son qu’on attendait totalement venant d’un groupe du genre avec des vocaux légèrement distordus qui apportent une vraie patte au groupe alors que les guitares vocifèrent de plus belle à des moments parfaitement adéquats. Il sait prendre son temps pour installer une ambiance ultra typique de bar rock, et balancer du solo géant ultra mélodique. C’est le son le plus punchy de l’EP et il donne envie de vociférer le refrain en levant sa bière en chœur. Ce genre de morceau qui donne envie de sortir d’un concert plein de sueur et le sourire aux lèvres.
Dernier sorti, Nameless Mother est le fruit d’une collaboration avec Medina Rekic (Slicky Nerves, ex White Miles) dont l’histoire des prémices est renversante. Medina est en effet la chanteuse qui a ouvert le concert des Eagles of Death Metal le soir du 13 novembre au Bataclan. Loïc, chanteur et guitariste du groupe est quant à lui un rescapé de l’attaque. De ces évènements tragiques en résultera une rencontre et une amitié. L’envie de faire de la musique ensemble résonne alors comme un doigt d’honneur à la terreur, et un hymne superbe à la liberté de créer et jouir de la musique. En commémoration mais aussi en célébration de la vie, un clip est sorti le 4 novembre pour témoigner de cette collaboration. Isolés une semaine en studio afin de sortir ce titre, il est une apothéose de guitares saccadées et dissonantes avant de balancer une puissance musicale monstrueuse.
Computers Kill People réussit un tour de force rock’n’roll qui non seulement fera voyager dans les étendues brulantes américaines, mais prodigue une énergie et une force incomparable. Leur talent à déjà été décelé par de nombreux groupes avec qui ils ont partagé la scène : Hangman’s Chair, Brutus ou The Pictureboooks, et aujourd’hui elle ne demande qu’à exploser avec fièvre. On ne peut qu’attendre avec excitation le prochain album en 2021 !
FØR – Forever Bound
Nous avions laissé le duo français FØR sur leur premier EP gracieux Is This All We Have Left To You qui était le signe d’une promesse enchantée dans la folk actuelle. Leur premier disque a été tellement convaincant que les dates s’accumulaient. On les retrouvait ainsi sur l’affiche du festival Essonne en Scène par les Francofolies, aux côtés de grands noms de la scène francophone comme Thérapie Taxi, Roméo Elvis ou encore – M –. Cependant, la pandémie actuelle a mis un frein à leur envolée comme pour tout artiste. Il n’en reste pas moins que leur deuxième EP Forever Bound permet de les placer de nouveau sous les projecteurs.
L’expérience reste unique et inchangée. Menées par le rythme de la guitare acoustique de Nico, les mélodies nous emportent dans un monde imaginaire rempli de fraicheur. L’EP porte notre regard sur notre intimité et la nature pour mieux se confronter à la réalité. « Dreamers never dream » entonne-t-il ainsi sur l’introduction Sano qui sonne médiéval. Mais aussi à lutter contre la fatalité sur le titre suivant The Will To Live qui vacille entre angoisse et espoir. Ce titre performe aussi par la prouesse d’Anna Louise au violoncelle dont les frémissements des cordes débutent lugubrement puis s’effacent à coup d’archer délicat. Il n’y a jamais de dualité entre la guitare et cet instrument à cordes, les deux compères arrivent sans difficulté à trouver une complémentarité évidente pour chacun d’eux. Ils vont même jusqu’à pousser le vice jusqu’au bout en offrant Anthropocène, une piste plus courte, enivrante et entièrement instrumentale.
FØR ne suggère pas de danser mais nous offre une porte de sortie pour le voyage. Certains se sentiront au milieu des fjords dans les contrées sauvages de l’Islande tandis que d’autres vogueront dans les ruelles pavées vides d’une cité médiévale. Dans tous cas, le duo nous prend la main pour nous accompagner dans notre propre aventure.
Quelques petites nouveautés apparaissent sur cet EP. Tout d’abord, la voix d’Anna Louise est beaucoup plus présente et affirmée sur certains refrains comme sur le sensible et bienveillant Recovery. Ensuite, le titre éponyme de ce disque détonne par l’apparition d’un nouvel instrument joué par Raphael Allain leur producteur : le piano qui laisse la guitare au placard. Forever Bound, à l’image de l’ensemble des titres, est une évasion dans nos propres pensées faisant appel à l’apaisement et à la douceur. Comme durant ces temps de confinements, FØR nous propose de mettre une pause harmonieuse dans le temps pour réaliser sa propre introspection. Plus efficace qu’une thérapie, plus fort que l’ASMR. Une réussite.
Navarro – Les Beaux Jours
Nouveau duo de la scene parisienne, Navarro est le fruit né d’un duo féminin composé de Christelle à la guitare et au chant et de Eleonore à la batterie. Le format est assez simple mais efficace pour le monde du pop rock. Leur tout premier EP Les Beaux Jours disponible sur toutes les plateformes depuis le 30 octobre dernier apporte un vent de fraicheur. Il est d’ailleurs ce qu’on attend d’un premier disque de ce genre : rapide, dynamique et plaisant.
Quatre morceaux animent cet EP. Le premier, nommé également Les Beaux Jours, nous place directement sur les braises avec cette guitare électrique qui rugit. La piste est mélodique et ravive nos émotions en se questionnant sur la magie de l’amour naissant. Rien n’est mielleux ou trop nostalgique, bien au contraire. Au lieu de chercher la mélancolie facile, Navarro nous pousse à ne plus ressasser sur le bonheur passé et nous invite à regarder devant. Jeune groupe mais mature déjà ! On appréciera d’autant plus ce refrain léger propre aux groupes indie pop anglais tels que Allo Darlin’ ou Alvvays.
Cette comparaison est assez similaire sur le morceau suivant Mauvaise Graine. La cadence de la voix de Christelle alterne entre rapidité, longueur et douceur mais toujours avec justesse. Et cela peut même nous surprendre encore une fois ! Dans Temps Mort, final de l’EP, les premières secondes nous bercent dans une ballade musicale agréable avant de faire grimper la température quand le besoin d’air se fait ressentir. Ces paroles laissent imaginer l’instant d’un baiser savoureux. Ou d’une détresse émotionnelle. Ou ni l’un ni l’autre, l’auditeur fera sa propre interprétation.
On retrouve aussi un morceau un peu plus longuet intitulé En Apparence. Le fatalisme sur le romantisme juvénile devenu obsolète refait surface tout comme le besoin de reprendre un nouveau souffle “Et je pense à respirer” qui interpellera les sentiments de toutes générations. La deuxième partie du morceau est entièrement instrumentale pour nous laisser s’évader dans nos pensées.
Les Beaux Jours est un EP peut-être un peu court pour découvrir davantage Navarro mais il dévoile des premiers indices sur le style et l’élégance d’un duo qui sait affirmer ses idées en un laps de temps avec intensité. D’autres titres sont à découvrir sur leur bandcamp et Youtube en attendant la suite de leur aventure où le meilleur reste à venir.