Chez La Face B, on adore les EPs. On a donc décidé de leur accorder un rendez-vous rien qu’à eux dans lequel on vous présentera une sélection d’EPs sortis récemment. Aujourd’hui, on vous parle des dernières sorties de Seguei Soutnik, Pierre III et Variéras.
Serguei Spoutnik – Subject, Verb, Complement
Serguei Spoutnik alias Damien Lecoq est un touche à tout. Artiste numérique et musicien, on le retrouve autant derrière le groupe Quadrupède que derrière des illustrations, ou encore des clips vidéo, à l’exemple de P.4.R.1.5 d’Apollo Noir. Pour son nouveau projet Subject, Verb, Complement, Serguei a décidé de la jouer de manière spontanée. Un enregistrement d’une traite, directement édité sur des cassettes VHS. Une création laissant un peu plus de place à l’instinct, et gravant directement les émotions du présent sur un support de l’enfance.
L’EP nous plonge directement dans une atmosphère ambient thérapeutique. Synthés pincés et voix dispersées s’enlacent amoureusement. Une œuvre contemplative qui sait peser chaque instant et nous les faire ressentir à son bon vouloir. Les ondes se distordent à leur aise au second titre, alternant avec des intonations plus douces et détendues. Différentes températures plus ou moins lourdes se succèdent au fil des morceaux. La nostalgie de la VHS prend tout son sens avec des titres comme One Bad Apple Spoils The Barrel ou Our Time Is Clay, Let’s Build And Destroy où des sonorités vapor wave nous prennent par la main pour nous emmener dans un passé disparu de notre mémoire. Un vieux salon, une console déjà oubliée, une époque cachée derrière le 2e millénaire.
Le synthé reste au cœur de l’œuvre, comme si l’artiste souhaitait lui rendre hommage en proposant toutes les couleurs de sa palette. De vieux sons dont les vibrations résonnent comme une madeleine de Proust dans nos esgourdes. Un opus délicat et poétique à la fraîcheur légère, à écouter à tout moment. Testé dans les transports, au bureau, dans le lit; à tout moment on vous dit. Un travail de qualité; l’enregistrement d’une traite est validé.
Pierre III – Cluster I & II
Si il y a bien un mot qui aura bercé notre année 2020, et qui bourdonne encore dans nos oreilles en ce début du mois de janvier, c’est bien le terme Cluster. Si ce terme nous est devenu familier avec l’avènement du Covid-19, il représente en musique un groupe de notes conjointes jouées simultanément. Cette petite explication musicale, c’est Pierre III qui nous l’a offerte dans le communiqué de sortie de Cluster, sorte d’opéra post apocalyptique en deux actes qui nous a frappé en pleine tête.
Alors qu’on imaginait déjà le garçon en nouveau héros de la pop française, l’année 2020 a, comme pour beaucoup, bouleversé ses plans. Mais elle n’a pas mis un coup d’arrêt à sa créativité ni à son amour de la musique. En l’espace de quelques mois, il nous a donc offert Cluster I & II, deux EPs absolument géniaux ayant chacun une durée de 20 minutes et 20 secondes (20.20, ça ne s’invente pas).
Et à l’écoute, on se plait à voir dans cette collection de titres un véritable foyer de contamination, tant la musique de Pierre III mérite d’atteindre le plus grand monde. Loin d’une collection bête et méchante de démo, Pierre III nous offre une véritable expérience musicale qui navigue entre toutes les émotions qu’on a pu vivre ces derniers mois. Ainsi, on retrouve une bonne note angoissante avec WWW sur Cluster et 20.20.20 sur Cluster II, les deux morceaux laissant dérouler sur la durée une sensation prenante de fin du monde, des morceaux presque menaçants qui nous envahissent et dont l’écoute n’est pas forcément conseillée en cas d’humeur chancelante.
À l’opposé, le musicien nous propose aussi des morceaux absolument parfaits pour des grands moments de méditations, les yeux fermés et l’esprit qui s’évadent. C’est le cas notamment de Thalasso, Abricot et PDF?.
Et puis parce que le garçon ne nous est pas tellement inconnu, on retrouvera avec plaisir ces envolées musicales, ces grandes épopées qui faisaient déjà le sel de Housse de Racket, avec des morceaux qui nous attrapent et nous entrainent avec bonheur comme Fuzz I et Hippocampe associée à des petites merveilles pop que sont Magma et Les Digitales.
Vous l’aurez compris, entre la contemplation, la colère, l’effroi et le relâchement, les deux Cluster de Pierre III peuvent être vu, avec un peu de recul, comme la bande son parfaite des derniers mois que l’on vient de vivre. On espère de tout cœur ne pas avoir droit à un troisième épisode, cela voudrait tout simplement dire que le monde est revenu à la normale.
Variéras – Variables
Après avoir dévoilé l’EP Solstice début 2020, Variéras nous a offert un second projet pour clôturer cette année si étrange, ce projet c’est Variables, un EP de 7 titres qui vient challenger notre rapport à l’aspect cyclique du temps.
Variables c’est en fait un théâtre de sensations, on parle de musique ambiante mais il serait peut être plus approprié d’évoquer une musique consciente, car c’est un instant de présence à soi avec des ressentis propres qui nous touchent et esquissent chez nous, un apaisement, un sourire, un frisson.
Le mélange analogique et orchestral fait écho au dialogue permanent entre corps et âme, une cacophonie qui lorsqu’en en prend réellement conscience laisse apparaitre les moindres détails de nos sensations.
C’est un zoom sur un flou intérieur, lorsqu’on le parcourt on réalise à quel point tout est finalement bien ordonné, c’est une symphonie qui fonctionne à la perfection et qui est guidée par une variable immuable dans son mouvement, le temps.
On ne peut interférer sur le temps, mais on on peut lui donner une substance, par la notion de cycle, on le fractionne en périodes qui viennent chacune embrasser nos sens à leur manière.
Variéras nourrit son oeuvre de références, en passant de Beethoven sur le morceau Bakélite ou encore Erik Satie mais aussi des moments personnels, comme des souvenirs qui viennent paver nos songes.
Ainsi, avec les trois parties du cycle Radiant, des nuées de chaleur effleurent notre peau et s’immiscent dans nos pores, ce sont des vagues de souvenirs heureux, enfantins, presque naïfs et innocents qui ruissellent dans nos veines.
L’artiste joue avec le temps, avec les notes et les matières, au détour d’un thème, Direct Sunlight qu’il dévoile avec une suite d’accords en trois parties, et qui nous fait apparaître une même structure sous différentes facettes grâce à des instrumentalisations différentes.
Cet EP, c’est un voyage initiatique au creux de nous même, c’est la retranscription musicale de ce qui transparaît lorsqu’on ferme les yeux longtemps avec l’apparition de formes et de lumières aux couleurs exacerbées, un dédale de micro explosions qui n’appartient qu’à soi.
Avec Variables, Variéras fait ainsi résonner piano, cordes et bois avec la musique électronique, le tout dans une cohérence qui semble presque étrange. Cet EP c’est finalement une expérience qui ne se finit jamais, c’est une boucle qui à chaque écoute vient altérer la boucle précédente et déjà modifier la suivante…