2020 année étrange, 2020 année bousillée, mais 2020 année musicale malgré tout. Alors comme tout bon média musical qui se respecte, on a décidé de partager avec vous les albums qui ont fait battre nos coeurs en 2020. Pour ce second rendez vous, on laisse parler Eleanor, Estelle, Pierre et Marie. Au programme : Terrenoire, Laylow et Hervé.
Le choix d’Eleanor : Terrenoire – Les Forces Contraires
Environ 50 000 minutes d’écoute et cet album a réussi à se démarquer, pourtant ce n’était pas gagné. Ayant un gros penchant vers l’indie rock, c’est après les conseils voir l’ordre d’une amie que j’ai écouté cet album mais ce ne fut la révélation qu’après un week-end au Portugal.
L’écoute se débute avec l’incroyable Le temps de revenir à la vie. Tout se fait crescendo : la voix grave de Raphaël, ce refrain et ces chœurs qui te donnent des frissons et ce final qui nous donnerait presque une nouvelle trinité. Un autre titre a su rapidement se faire une place dans mon cœur : Jusqu’à mon dernier souffle où on encore une fois on se laisse porter par la voix de Raphaël et les notes de piano.
Puis il y a le merveilleux Ça va aller qui pourrait être un hymne pour cette année si particulière, la touche d’optimisme qui fait du bien. A travers ses 10 morceaux, les frères nous délivrent un album personnel qui aborde des sujets qui parlent à tous : l’amour, la mort, le deuil avec une grosse note d’optimisme et d’espoir.
Des titres différents mais qui nous surprennent à chaque écoute, comme une sorte de twist, quand on écoute Terrenoire on sait qu’il y aura de l’émotion mais on ne sait pas de quelle manière elle nous touchera. C’est d’ailleurs ce qui fait la force de cet album : des Forces Contraires qui deviennent une force, une énergie inépuisable.
Le choix de Pierre : Laylow – Trinity
Ici, c’est plus qu’un projet musical que Laylow a décidé de livrer avec Trinity mais une expérience auditive de 55 minutes qui dépasse le cadre de la musique. Rythmée par des interludes qui installent un cadre scénaristique à son propos, l’œuvre est un réel voyage à travers les différentes émotions que l’humain peut côtoyer au cours de sa vie. Une confrontation entre Laylow et ses ressentis les plus intimes, provoquée par la rencontre avec cette mystérieuse Trinity, une assistance vocale avec laquelle l’artiste va nouer une relation particulière, un peu comme Joaquin Phoenix dans le film Her.
Ce qui le poussera à trouver qui il est au plus profond de lui. Cela passe par d’abyssal questionnement sur sa personne qu’il retranscrit dans les cinq premiers morceaux de l’album. A force de côtoyer au plus près ses démons, il sature et explose devenant un être rempli de haine et de rage prêt à défoncer n’importe quelle instrumentale se mettant en travers de sa route. Après s’être confronté à lui-même, il était tout aussi important de se confronter aux autres, ce qu’il fera accompagné de Wit., sur un étonnant storytelling racontant la vie d’un homme devenu SDF. Cette rencontre lui permettra de se recentrer sur lui-même et surtout sur sa relation avec Trinity, un amour complexe surtout quand les démons de Laylow peuvent ressurgir à tout moment et le faire retourner dans des émotions lui parasitant l’esprit. Puis l’amour c’est pas toujours facile, les beaux moments sont précieux, mais la frontière avec l’auto-destruction n’est jamais loin.
Le titre Poizon exprime à la merveille ce basculement car comme il le dit :
« Quand on mélange la passion et la frustration
On contrôle plus rien dans l’équation »
Une perte de contrôle qui amènera le logiciel à perdre la connexion qu’il entretenait avec l’artiste. Ce qui détruit Laylow, le laissant clôturer l’album en même temps que sa relation avec Trinity.
A travers ce projet-concept scénarisé, l’artiste amène chaque auditeur à se confronter à ce qu’il ressent au plus profond de lui notamment sur la question du bien et du mal qui est propre à tout un chacun. Si le logiciel Trinity a permis Laylow de se confronter à lui-même, l’album a permis aux auditeurs de se questionner sur eux-mêmes Le projet interroge aussi sur les relations amoureuses et leur côté destructeur.
Trinity s’inscrit comme un voyage dans les tréfonds des pensées de l’artiste, comme si l’assistante vocale était inscrite en lui, et que même si elle le quitte en fin de projet, elle fait partie intégrante de lui jusqu’à la fin de son existence. Comme ce projet qui lui aura permis de faire résonner sa musique auprès d’un plus large public, le tout en livrant une prestation sans filtre, qui permet à sa carrière de prendre le tournant qu’elle mérite.
Le choix de Marie : Hervé – HYPER
Avec son tout 1er album, Hervé a su nous toucher de plein fouet. HYPER est un album véritablement bien produit, et qui sonne comme une véritable claque sur la nouvelle scène française, tant il est punchy et rempli de diversité. On passe des titres électro comme “Bel Air”, à des ballades comme “Fureur de vivre”, en passant par des morceaux beaucoup plus solaires comme “Paréo parade”… Et pour cause, ce jeune homme a grandi avec les grandes pontes de la chanson française à texte dans ses oreilles : Higelin, Bashung, Christophe… un héritage qu’il sait manier et allier avec une grande justesse à ses références beaucoup plus techno, tirées de la scène « Madchester », comme les Chemical Brothers.
Après un 1er EP, Mélancolie F.C., dont sont notamment sortis “Va Piano” et “Cœur poids plume”, Hervé publiait HYPER, son tout 1er album en juin 2020, une sortie repoussée à cause de la pandémie, mais l’envie de sortir enfin son tout 1er disque, sur lequel il travaillait depuis si longtemps démangeait tellement le jeune homme, qu’Hervé décida, confinement oblige, de réaliser ses propres clips lui-même. On ne le sait peut-être pas mais Hervé est l’un des premiers à s’être lancé dans le pari risqué, au moment où il le faisait, de sortir un clip qu’il avait tourné tout seul, en commençant par “Si bien du mal”, filmé dans sa cuisine, avec un iPhone scotché au mur, alors qu’il faisait des crêpes et des pas de danse sur le carrelage. Puis il y a eu “Maëlstrom”, toujours avec un iPhone, cette fois-ci scotché contre la voiture de son père, pendant qu’il semblait recouvrer une liberté en courant à s’en époumoner, à travers des chemins de campagne en Bretagne.
Que ce soit dans sa reprise de Bashung, “La Peur des mots” ou dans ses compositions originales, il y a quelque chose de fondamentalement puissant dans les titres d’Hervé. Hervé, grand hypersensible – ce qui a donné le nom de son album – expulse ses chansons comme il expulse ses émotions les plus fortes, et c’est si puissant que ce souffle de vie, ce souffle d’émotion nous inspire et nous insuffle à nous aussi, en l’écoutant, une fureur de vivre. Et si cela fonctionne si bien, cela ne peut s’expliquer que par une seule chose, la sincérité folle d’Hervé dans ses textes, dans sa musique et aussi et surtout dans ses performances sur scène.
“Je voulais trouver un mot qui puisse tout simplement catalyser, cristalliser le mood dans lequel je suis depuis tout petit. Je vis tout très intensément, du coup c’était une évidence de l’appeller HYPER, c’est le terme qui définit le mieux mon intensité à vivre.”
Hervé a cette force : celle de nous remplir de joie, de nous gonfler d’énergie à chaque écoute. Rien de violent pourtant, et peut-être justement ce très juste et subtil équilibre entre des chansons balancées, une instrumentation très bien produite et placardée, des rythmes qui cognent et rebondissent contre le sol, les murs, le plafond, allié à cette voix toute susurrée, cette voix qui murmure les paroles, qui les scande dans un souffle ou respiration. Hervé, c’est avoir irrémédiablement envie de danser, c’est vouloir mettre un tempo pour affronter la journée avec élan, le bruit des talons sur le sol claquant comme la rythmique de ses titres.