Quand on a des coups de cœur pour un artiste, on se donne les moyens de découvrir leur univers à la Face B ! Faggia a sorti son premier EP Monde flottant le 13 janvier, une techno à la croisée des univers pour évasion hors du temps et des dimensions. Et si l’on est aussi avide de cette sortie c’est que l’on a déjà croisé son chemin avec ses projets précédents ou actuels : STAMP dont il a conservé l’esprit industriel orientalisant, et Krass un projet Hip House ultra entrainant. C’est désormais en solitaire qu’il affrontera la tornade qui le traverse.
La Face B : Bonjour Faggia ! Bonne année et meilleurs vœux ! Comment te sens-tu pour aborder cette nouvelle année ?
Faggia : Ma seule résolution pour cette année c’est de ne plus avoir aucun toc. J’ai trop de trucs dans ma tête, je suis toujours en train de cogiter, du coup j’essaye de lâcher prise un peu.
LFB : Si on ne se trompe pas, il s’agit de ta première interview. D’abord, merci ! Pourrais-tu te présenter à nos lecteurs brièvement ?
Faggia : Oui c’est ma première interview solo! En tant que Faggia c’est la première. Je m’appelle Vladimir, producteur de musique à Paris. J’ai travaillé dans plusieurs projets différents mais aujourd’hui il y en a deux principaux : Faggia où j’explore mes faces dark, et Krass un projet de Hip House que j’ai avec un très bon ami à moi où l’on fait du rap. J’avais un autre groupe avant : STAMP qui s’est terminé il y a deux mois. Du jazz métal indus. Donc voilà je me concentre maintenant beaucoup plus sur ces deux projets !
LFB : En effet on a déjà pu te découvrir à l’œuvre dans le projet musical KRASS où tu fournissais une production trap-house fin 2020. Cette fois-ci, on te retrouve seul aux manettes, quelle est ta motivation à te lancer dans un projet solo en parallèle de KRASS ?
Faggia : Je pense que ça vient essentiellement du fait que j’ai travaillé en groupe pendant longtemps. C’est génial, ça ouvre des portes mais il y a beaucoup trop de réflexions… J’avais vraiment envie d’essayer de ne pas réfléchir à tous ces paramètres, et j’avais envie de créer quelque chose d’intègre à moi-même sans trop réfléchir. C’était ça la première motivation en tout cas !
LFB : Pour revenir un peu à ton identité et ton projet actuel, la photo qui te représente est ton visage masqué par de la fumée. Est-ce un souhait de cultiver l’anonymat ?
Faggia : Alors oui ça a été un questionnement très longtemps ! C’est pour cela que sur la cover de l’ep c’est quelqu’un de flouté aussi. J’ai hésité très longtemps à ne pas partager mon identité. Je trouve ça super intéressant les artistes qui ont ce parti pris dans un monde où l’on est de plus en plus instagrammés, où les gens se comparent à toi d’abord sur le physique. Pendant longtemps j’ai voulu faire ça mais au final j’ai quand même envie que l’on sache que c’est moi. (rires) L’égo a pris le dessus. Du coup c’était l’anonymat, mais entre-temps j’ai changé d’avis.
LFB : Tu as le droit d’être fière de ton projet ! Parlons maintenant de la sortie de ton 1er EP : Monde Flottant, prévu le 13 janvier. Il est inspiré de la pensée bouddhique selon laquelle le monde est illusion. D’où te vient cette inspiration très Matrix ?
Faggia : D’un bouquin d’estampes japonaises que j’ai chez moi, qui disait que les peintres étaient très inspirés par cette idée de monde qui change continuellement, que rien est sûr, que l’on n’est jamais en sécurité. Mais que c’est une bonne chose ! C’est un peu un rappel que je me fais à moi-même. J’ai toujours envie de tout contrôler, ça rend anxieux… Donc j’ai envie d’arrêter et d’accepter que est la vie est toujours en train de changer, que je n’y peux rien et que c’est pour le mieux.
LFB : Un moyen de te réconforter puisque cela te libère de la pression.
Faggia : Oui exactement ! Au début ça m’a fait très peur de voir que je ne pouvais pas tout contrôler dans la vie. Et en fait ça m’a permis d’avancer plus vite et mieux. Le covid m’a fait du bien d’une certaine manière ! Je ne pouvais plus rien prévoir ! Je me suis dit « ah oui en fait il n’y a peut-être pas d’avenir… Bon ba on va faire avec ce qu’on a. » (rires)
LFB : Je pense que ça nous a un peu tous donné l’envie de nous plonger dans ce que l’on aimait vraiment. Mais du coup l’EP a été composé pendant le covid ? Quelle est la genèse exactement ?
Faggia : Cet EP a dû être composé il y a deux ans je pense. Mais je l’ai vraiment fini après le premier confinement. Vu que ça commence déjà un peu à dater, j’espère sortir un nouvel EP avant juin. Ça dépendra du temps et de l’argent que j’ai à ce moment-là surtout.
LFB : Dès le 1er titre, on sent un mélange temporel à la fois futuriste avec ces sonorités industrielles et anciennes avec ces mélodies ancestrales. Quel est l’univers que tu as voulu instaurer et décrire ?
Faggia : Je pense que c’est vraiment le côté « No Futur ». Je l’ai recomposé vraiment au moment où il y a eu les manifestations des gilets jaunes, l’atmosphère m’a beaucoup inspiré.
LFB : J’ai pensé à Arnaud Rebotini qui avait fait « This is quarantine » pendant le confinement pour le côté brute et industriel. Et au niveau de l’ambiance on a été embarqué dans l’atmosphère d’un Mad Max ou d’un Dune moderne.
Faggia : Je comprends ! C’est vrai que j’ai découvert Mad Max il n’y a que très peu de temps, mais je saisis le rapprochement. Le côté très droit, très direct, ça roule beaucoup.
LFB : Tu es assisté de Paul Void de la batterie. Peux-tu nous parler de votre collaboration et de ce qu’il apporte de plus à ta création musicale ?
Faggia : Bien sûr, bien sûr ! Je suis très content de parler de lui ! C’est vraiment mon frère d’armes. Ça doit faire dix ans qu’on travaille ensemble. C’est le premier qui m’a rejoint dans le groupe STAMP que j’avais créé en 2009. Donc véritablement la personne avec qui j’ai le plus l’habitude de travailler. Quand ça s’est terminé dix ans plus tard, j’avais fait ces trois morceaux de l’EP. Il devait juste poser la batterie sur Monde Flottant, et en fait c’était trop bien. Ça a tellement leadé le morceau, je l’ai tellement retravaillé selon ce qu’il avait fait que j’ai voulu qu’il travaille sur tout le reste de l’EP. C’est ça qui est trop chiant quand tu travailles avec un super batteur, tu as envie de mettre de la batterie partout. (rires) Mais je voulais quelque chose d’assez industriel, avec très peu d’instruments, un peu en contraste avec le groupe que j’avais avant qui était justement très « musiciens » avec des solos de saxophone dans tous les sens. J’avais envie que l’on ne ressente pas trop le côté « instruments joués ». Malgré ça il m’a tellement bien ambiancé qu’il a finis par poser sur les 3 morceaux. Mais normalement il ne sera pas sur le prochain.
LFB : Avec quoi composes-tu du coup?
Faggia : Je compose avec les touches de mon clavier d’ordinateur. (rires) Non je joue de la guitare et du clavier à côté, mais sur cet EP non. Ce que je fais principalement, c’est trouver des sons cools, les mettre à l’envers, les pitcher dans les graves, mettre une grosse reverb dessus et ça fait 80% du morceau. (rires). Il reste ensuite à rajouter la partie rythmique. Ça me permet d’envisager d’autres options que juste ce que je sais faire à la guitare ! De chercher un peu partout et d’expérimenter.
LFB : Pourquoi avoir choisi Ruine en tant que première sortie / promotion de l’EP ?
Faggia : C’est celui qui ressemble le plus à ce que je vais proposer par la suite ! Plus criard, plus distordu, moins d’éléments.
LFB : Parce que justement on a senti deux « volontés » différentes sur l’EP. Les deux premières pistes naviguent sur une ambiance cinématographique tandis que le dernier titre éponyme semble plus émerger pour le dancefloor. Tu t’orientes donc plus vers la première idée ?
Faggia : Oui, oui c’est ça ! Carrément plus simple.
LFB : Tes morceaux durent trois minutes, un peu l’inverse de ce qu’on voit en électro actuellement. Le but est d’être efficace et brut ?
Faggia : Oui vraiment ! Et encore je trouve ça trop long… Mon prochain EP c’est des morceaux de 2min30. C’est toujours un peu en contraste avec ce que je faisais précédemment. Je faisais des morceaux de 7 minutes, avec des intros vaporeuses (NDLR : traduction approximative d’un bruit de bouche), des crescendos, ça prend le temps d’arriver pendant des heures… Mais en fait j’écoute même pas des trucs comme ça, je ne vois pas pourquoi je faisais ça ! J’ai vraiment voulu être le plus simple possible, aller à l’essentiel. J’écoute beaucoup beaucoup de punk, je voulais me rapprocher de ça.
LFB : Quelles étaient tes inspirations musicales pour cet EP ?
Faggia : Pour cet EP je dirais beaucoup Sonic Area, particulièrement l’album Music for Ghosts. Mais aussi NIN, Carpenter Brut et Massive Attack, voire même EZ3kiel un groupe d’électro dub qui a été longtemps une grosse influence.
LFB : Ce qui est indéniable, c’est que ta culture musicale électronique qu’on a pu découvrir avec ton ADN penche vers l’Europe de l’Est…
Faggia : En réalité en Europe de l’Est j’écoute surtout Griby, un groupe de Hip-House Ukrainien que j’adore. En général j’écoute beaucoup de technos, de rap et de punk, surtout ces dernières années. Parquet Courts, King Krule, Sleaford Mods, Idles, j’ai beaucoup aimé leur album Joy as an Act of Resistance. Pixies c’est aussi dans mon cœur à vie. Depuis que je les ai découvert au collège et maintenant, j’écoute toujours avec la même intensité. Contrairement à d’autres groupes que tu réécoutes différemment au fil des années.
LFB : Tu as eu des coups de cœurs sur scène ?
Faggia : Idles tiens! je les avais vu en concert au YOYO, pour une émission Arte. Ils ont joué 20 minutes et ils ont vraiment débloqué un truc sur mon rapport à la scène !
LFB : Quelle est ton titre guitly-pleasure actuellement ?
Faggia : Pendant longtemps j’avais des morceaux de la honte mais en grandissant je les assume totalement ! Je suis un gros fan de Will Smith par exemple, sa carrière musicale est géniale, ses musiques de films sont tops. Je me suis mis à réécouter Sum 41 récemment ! Pendant longtemps je le mettais en soirée en mode gêné, comme si c’était pas moi qui avais mis ça, mais maintenant j’assume complètement. Et un morceau de Fluve » Never Be Like You » A chaque fois que je l’entends il y a tout mon oreille de dicos chiant qui me dit « c’est vraiment mauvais. » (rires) Mais je peux pas m’empêcher de l’écouter tout le temps ! Je l’ai découvert dans ma série préférée The Young Pope. Quand ils mettent une musique sur un passage magnifique t’aime forcément le morceau à la fin. Et à chaque fois que je l’entends je pense à cette série et j’ai envie de pleurer. Mais j’entends que c’est mauvais !! (rires)
LFB : On imagine bien que Monde Flottant n’est qu’une première étape ! Quels sont tes envies et projets par la suite ?
Faggia : Et bien normalement ce deuxième EP en juin ! Mais bon comme je change beaucoup d’avis… 4 titres, je vais faire que des EP pour le moment. J’ai pas envie de m’emmerder sur l’ordre, la volonté de tel morceau. J’ai juste envie de sortir quelque chose qui me plait sur le moment ! Rapidement. Parce que je change beaucoup d’avis. Par exemple cet EP j’ai failli ne pas le sortir. Je pensais que c’était trop compliqué, les morceaux ils font 3 minutes 30 quoi ! (rires) Pour ça qu’il vaut mieux que je les sorte vite pour que je ne puisse pas changer d’avis !
LFB : Des envies de scènes tout de même ?
Faggia : Ah oui bien sûr ! Quand je compose c’est pour la scène. Je ne compose jamais en imaginant ce que l’auditeur va entendre dans son casque. Je veux plutôt imaginer le moment où je suis sur scène, que j’appuie sur play et voir qu’est-ce qui se passe. Le seul truc c’est que je vais être tout seul pour la première fois et je ne sais pas du tout ce que je vais faire. Mais ce qui est bien ce que je vais avoir le temps de réfléchir puisqu’il n’y a pas de concerts ! Donc si je n’ai rien à proposer quand les concerts reprendront je ne peux m’en prendre qu’à moi-même. (rires)
LFB : On te remercie pour ce moment consacré à nous. Bonne continuation pour la suite !