Il y a des groupes qu’on repère dès la première écoute, qui nous accrochent et nous intringuent. Murman Tsuladze fait parti de ceux là. Un trio composé de Murman, Zaouri et Krikor qui s’est forgé une mythologie, une histoire a géométrie variable qui prend source dans un pays qui n’existe plus. On a donc pris la route de la soie pour aller à leur rencontre et tenter d’en savoir plus sur un groupe qui s’influence de tout, pour notre plus grand bonheur.
LFB : Salut Murman Tsuladze, comment ça va ? C’est important de demander.
Murman : Ben ça va hein… fatigué.
Zaouri : Moi, je viens de me réveiller, j’ai picolé hier soir, alors…
Murman : Ouais moi aussi, mais j’ai vomi donc ça va beaucoup mieux.
Krikor : Oh ? vous vous êtes mis une murge ?
Zaouri : Ouais grave, on en a foutu partout, mais on a pas cassé la chaise comme la dernière fois et on l’a pas mis au feu
Krikor : Ah ouais ok… il y a pas eu de cérémonie païenne…
LFB : On a cru comprendre qu’il y avait des histoires familiales assez troubles entre vous 3. On vous laisse faire les présentations pour les gens qui vous connaissent pas encore.
Zaouri: On ne nous connaît pas encore ?
LFB : Nous on vous connaît, il n’y a pas de souci.
Zaouri : Ah d’accord, ok. Ben commence hein, tout commence avec toi.
Murman : Tout commence avec moi. Lui, à un moment il est sorti avec ma cousine, il s’est marié avec. C’est comme ça que je l’ai rencontré. Je suis parti au Daghestan. Et là je passe à une fête, et j’entends une musique incroyable. On me dit que c’est le mari de ma cousine. Je ne le connaissais même pas parce que j’ai pas beaucoup de connaissances en musique. Et là je le vois… et je me dis putain, c’était incroyable.
Zaouri : Le truc c’est que je jouais pas vraiment, j’avais appuyé sur play sur un magnétophone qui était dans le piano.
Murman : Mais je trouvais ça hyper classe de le faire croire aussi bien. Il faisait super bien semblant.
Zaouri : C’était à Makhatchkala au Daghstestan.
Murman : Et du coup voilà. On se rencontre, on décide de bosser ensemble, de picoler ensemble, de faire pleins de trucs quoi. Et là, on rencontre Krikor.
Krikor : Moi j’étais pêcheur à Trapzone entre 2003 et 2014. Et du coup pendant un voyage, il est revenu me voir. Je le connaissais de mon enfance le Murman. Il nous racontait toujours des histoires.
Murman : Oui parce qu’en fait on travaillait dans des champs côte à côte avec l’école quand on était petit.
Zaouri: C’était les rois de la patate.
Krikor : Il avait l’habitude de nous raconter à tous les histoires de Murman Tsuladze .
Zaouri : Voilà… c’est la pure vérité. (rires)
LFB : Et justement, blague à part, créer toute cette « mythologie » autour de Murman, c’est venu dès le départ en fait ? C’était important pour vous de créer cet univers ?
Zaouri : En fait nous ça ne nous intéresse pas de nous présenter comme des musiciens, il y en a plein. Tant qu’à être unique, autant être des personnages.
Murman : On est uniques dans notre genre.
LFB : Ce côté unique, il vient aussi de votre esthétique, de vos tenues… Cette idée là, créer ce package au niveau des tenues, c’est venu avant ? Ou c’est un truc que vous avez finalement travaillé ? On a l’impression que quand vous avez présenté le projet, tout était clair, niquel et posé. Et que vous pouviez tout offrir d’un coup.
Murman : Ouais en plus nous on est habillé LVOH, le concurrent d’LVMH. (rires)
Zaouri : Nan mais on le bosse ce truc depuis un moment. On a pas mal de références. on adore les vieux chanteurs soviétiques qui étaient la classe incarnée. Les mecs qui monte sur un vielle scène soviétiques et qui font pleurer les mamans. C’est notre truc quoi.
Mumarn : C’est un peu nos papas quoi.
Zaouri : Ouais c’est ça. Et puis les filles, elles nous reconnaissent bien là dedans. En temps que des bons papas tu vois.
LFB : Votre EP est sorti il y a pas très longtemps. Vos premiers titres vous les avez vraiment dévoilé en début d’année. Mais le projet il a 2 ans. Vous avez énormément tourné avant de sortir des titres. Est-ce que vous avez utilisé le live comme un terrain d’expérimentations pour trouver la bonne formule ?
Zaouri : Carrément, on a quand même bossé les morceaux sur scène. Bien sûr on les a bossé en studio, là où on pouvait faire de la musique, mais aussi sur scène pour que le truc il tabasse, pour se dire “là c’est l’ambiance, là ça l’est moins”. C’est comme ça qu’on a bossé les morceaux quoi.
LFB : Du coup les morceaux qu’on retrouve sur l’EP c’est les morceaux qui marchaient le mieux sur scène ?
Krikor : On a quand même essayé de garder une cohérence.
Zaouri : Tetri Gedit, on l’a fait qu’une fois sur scène, et c’était le premier. Et on ne l’a pas refait depuis. Celle-là on l’a surtout bossé en studio. Tous les autres, on voulait déjà proposer un éventail de choix diversifiés. On voulait un truc qui fait urbain, un autre plus punk, un autre truc qui fasse ballade à papa, genre resto quoi.
Et montrer qu’on propose pas que du boum boum, que de l’urbain… Je pense que le pari est plutôt réussi, parce qu’on a su montrer qu’on était assez polyvalent.
Murman : On est des amoureux de la musique avec un grand M.
LFB ; En parlant de grand M, ce qui relie ses chansons là, au delà des genre qui sont différents; je trouve qu’il y a une vraie mélancolie qui se dégage de votre musique. Est-ce que c’est quelque chose qui est voulu ? Et comment cette mélancolie vous nourrit ?
Zaouri : Ah ça, c’est une très bonne question. Qui est chaud pour y répondre ?
Murman : Vas y toi.
Krikor: T’as l’air chaud vas y !
Zaouri : C’est exactement ce que je me suis dis la première fois que j’ai écouté les morceaux que faisait Murman. Qu’il y avait un vrai truc mélancolique. Tu peux voir la musique avec plusieurs degrés, dans plusieurs dimensions. Moi c’est principalement ça qui me fait kiffer, la mélancolie je trouve que c’est un des trucs les plus beaux. J’ai toujours beaucoup aimé François de Roubaix, les trucs comme ça. Je trouve que c’est la balance entre plusieurs états qui n’ont rien à voir, et du coup c’est l’équilibre. C’est ça qui me plaît.
Murman : En fait, les gens qui font de la musique mélancolique c’est des gens heureux, et les gens qui font de la musique hyper heureuse c’est des gens tristes au fond. Quand tu es heureux à l’intérieur de toi tu fais des trucs mélancoliques parce que la Terre elle est belle, la vie elle est belle, on se souvient des belles choses qu’on a vécu.
LFB : Mais tu vois, ce qui est intéressant et ce qui prouve la réussite du projet; c’est que tu chantes en géorgien. Du coup en tant que français, les gens ils ne captent rien à ce que tu dis. Mais l’intention elle passe en fait, l’émotion de la musique passe malgré le fait qu’on ait pas la compréhension totale de ce que tu peux raconter.
Murman : En même temps regarde, ça fait super longtemps que la France écoute de la musique américaine sans rien comprendre. Il y a un français sur vingt qui sait un peu parler anglais, ça écoute de de la world musique américaine, ça comprend rien et ça kiffe quand même. Pourquoi pas la nôtre.
LFB : Malgré tout, sur les 2 clips que vous avez sorti, les paroles elles sont traduites en dessous. Est-ce que c’était quand même important pour toi que les gens qui aient la curiosité puissent comprendre ce que tu racontes ?
Murman : Ouais quand même un peu.
Zaouri : Et puis il y a des doubles sens, c’est un peu caché aussi. Par exemple pour La flemme de danser, on ne savait pas qu’on allait faire ça en manif dès le début. C’était pas programmé. Mais on s’est dit qu’on allait faire un truc décalé, pour ne pas avoir juste un degré, un sens. C’est aussi ce qui nous intéresse de faire des trucs décalés, pour pas avoir un degré, un sens : “voilà c’est un cendrier, alors on te montre le cendrier”.
Murman : Comme Magritte a dessiné “Ceci est une pipe” (rires)
Zaouri : (rires) Tu peux trouver plusieurs sens, libre à toi d’interpréter. C’est ça qui nous intéresse le plus. Si on fait une chanson sur la campagne, on ne va pas uniquement faire un clip en mode “c’est la ferme aux cochons”. On va justement trouver un autre truc, peut être parler de ce qui ne va pas.
Murman : On adore les métaphores quoi.
Zaouri : Ouais voilà, c’est des métaphores. Par exemple, pour La flemme de danser, cette espèce de relation qu’a le narrateur avec cette fille dans le titre…
Murman : C’est un peu comme le roi de France du moment qui a la flemme de danser quoi. Il veut caresser le corps de son pays, mais il ne peut pas trop, il n’y arrive pas, il a la flemme. Le grand roi.
LFB : C’est intéressant. Si je vous dis que Abreshumi, c’est un morceau qui met en garde contre les coup de putes du monde la musique, et la route du succès, ça matche ?
Zaouri : Ben tu vois, ça a marché finalement ta libre interprétation. On n’avait pas vraiment pensé à ça. Mais ça marche, parce que c’est hyper cohérent avec le truc.
De toute façon, ça parle de la vie en général. Tu peux voir la vie comme une route de la soie. Finalement tout le monde essaye de s’en sortir au mieux, souvent de passer devant les autres.
Donc oui c’est exactement le monde de la musique, c’est le monde du travail en général… Tu peux le mettre sur le monde de la musique comme tu peux le mettre sur celui de la boulangerie.
Krikor : N’importe quel domaine où tu as une forme de hiérarchie.
LFB : A quel point vous vous inspirez de vos propres existences, de vos propres aventures pour créer vos paroles ?
Zaouri : Je pense qu’il y a les coups durs de la vie qui inspirent. Personnellement, je ne parle pas géorgien, Krikor non plus, mais on sait dire trois conneries. C’est Murman, quand il a écrit ses paroles, oui je pense c’est directement lié à son histoire. Est ce que c’est inspiré de ta propre histoire Murman ?
Murman : Ouais un peu quand même, c’est surtout la deuxième partie qui est très moderne. La première, c’est pour décrire comment c’était, un peu en mode mythologie. Et la deuxième partie en géorgien c’est plus un clash par rapport à ce qui se passe aujourd’hui en fait.
Zaouri : C’est le passage clouté quoi.
Murman : On coupe vraiment des têtes pour en fabriquer des trophées, dans n’importe quelle société. C’est un peu la même chose partout. L’humain reproduit exactement la même chose partout. Les gens pensent que c’est différent, mais un chinois il fait la même chose qu’un français, qu’un indigène d’Australie. On reproduit tous la même chose partout.
Zaouri : Ouais, c’est dans notre ADN.
Murman : Même dans les micro-sociétés.
Zaouri : Même dans les squats, c’est pareil, dans les ZAD, tout le monde fait pareil.
Krikor : A la fin, il y a un chef qui coupe les têtes de tous le monde parce que le pouvoir lui monte à la tête.
Zaouri : Il n’y a jamais de société profondément bonne, ou de milieu profondément bon, où il y a aucun souci, où tout le monde est à égalité. Franchement, moi j’en ai pas trouvé pour le moment.
Krikor: Que dans les Sims.
Krikor: On reste des animaux quoi, des animaux un peu évolués.
LFB : Et chez vous, qui coupe des têtes ?
Murman: Nous on essaye de pas du tout reproduire ça.
Krikor : On est une hydre.
Murman : On est un peu comme des historiens, on raconte l’histoire.
Zaouri: Puis on est des siamois, on essaye de pas trop s’engueuler. On est collé, un peu comme une grosse boule de pain. Puis il y a nos têtes dans la grosse boule. Je dis ça parce qu’on fait du pain. (rires)
Murman : On essaye de pas avoir un vrai chef. Parce que le problème c’est que s’il est seul il va commencer à couper des têtes.
Zaouri : Ouais puis on est tous bon dans un truc tu vois. On essaye quand même de se repartir les rôles. Par exemple moi, les maths il faut pas compter. S’il faut compter des trucs ça va être très compliqué. Alors que Murman ou bien Krikor c’est bon.
LFB : Finalement votre musique c’est un peu le fantasme soviétique de qu’on a quand on est gamin. L’idée de force totale.
Murman : Ouais c’est un peu ça.
Zaouri : Et puis nous ce qu’on adore, c’est les petits dessins animés soviétiques de cette époque là. C’était pas en mode comme les américains avec Denver le dernier dinosaure, “ouais super, on est des jeunes”. C’est pas du tout ça. C’était hyper joli, mignon, et puis la réalité en Union Soviétique c’était pas non plus très mimi. C’était assez marrant ce parallèle.
LFB : On est dans une époque où l’individualisme gagne énormément de terrain. Où la haine de l’autre, ou ce que peut représenter l’étranger est de plus en plus forte, en France. Est-ce que faire une musique comme la vôtre, qui justement mélange les influences, les pays etc… C’est pas un énorme geste politique ?
Collectif : Si carrément.
Krikor : C’est notre manière à nous d’être politique.
Zaouri : On est là pour détendre les strings un peu. Et tu vois, avec Murman on fait aussi bien des trucs en géorgien, là on est en train de préparer une cumbia tribale. On mélange plein de trucs. Finalement on s’en fout.
On aurait un soudanais avec nous, ce serait génial aussi. Ce qu’on dit la plupart du temps, c’est qu’on vient d’un pays qui n’existe pas. Parce que l’idée de pays, on s’en tape.
Murman : On appartient à aucune entreprise.
Zaouri : On n’est pas là, fier de porter un drapeau.
Murman : Un pays c’est un peu une entreprise; les japonais ils l’ont bien pris à 300% cette idée (rires).
Krikor : Ils l’ont bien pigé.(rires)
Murman : A l’école on leur a dit “voilà votre pays c’est votre entreprise”, ils ont répondu “D’ACCORD”. (rires)
LFB : C’est le seul pays où tu peux mourir d’overdose de travail. C’est inscrit dans les textes.
Murman : Ils ont inventé le mot, c’est dans le dictionnaire. J’avais regardé en plus. je crois qu’ils ont 50 à 60000 morts par an. Je ne me souviens plus du terme. Mais c’est vraiment malheureux quoi.
LFB : Du coup comment on doit définir votre musique ? Vous êtes un peu la définition parfaite de ce qu’on pourrait appeler la « world musique » non ?
Krikor : Non même pas.
Zaouri : On n’aime pas trop le terme.
Murman : Le problème de world musique, c’est que c’est un peu une insulte inventée par les gros labels. Par exemple on te mettait un soudanais à la percussion, un roumain qui faisait de la flûte et puis on ajoutait un brésilien qui faisait de la guitare derrière, on disait “voilà word musique pour vous”. Ce qu’il y a aujourd’hui, c’est que tout s’est démocratisé. Tu n’as plus besoin d’aller à Los Angeles pour enregistrer du son. Tout le monde a des studios partout. En fait tu fais de la musique que tu veux, il n’y a plus de limite. La world musique, c’est un peu une insulte en fait.
Zaouri : On trouve ça un peu péjoratif, regarde la musique américaine c’est aussi de la world musique. Et eux ils l’ont normalisé, c’est la musique anglo-saxonne et tout le reste c’est la world musique. Alors moi, je suis désolé, je ne sais pas de quel monde ils font partie ceux-là, mais je pense qu’ils font partie du nôtre. Eux aussi, on peut les taxer world. Peut être que Franz Ferdinand pour indien c’est de la world musique aussi.
LFB : Après je le voisplus dans le sens, pas péjoratif, mais plutôt d’une musique qui se nourrit du monde. Qui va prendre tout ce qu’il y a de bon un peu partout pour en faire quelque chose d’unique.
Murman: C’est ça, on est un peu des nomades. Un jour on peut être mongol, le lendemain on peut être indien, et après australien peu importe. Tous les pays nous appartiennent en fait.
Zaouri: Ouais voilà, on ne se revendique pas comme étant originaire d’une culture.
Murman : Déjà rester dans une culture ou dans une ville ça nous déprime.
Zaouri: C’est clair, rester à Paris ou à Bruxelles pendant 2 mois, nous on a du mal.
LFB : Du coup 2020 c’est pas une année pour vous.
Collectif : Non non non, c’est vraiment une année de merde. (rires) Vivement qu’on en sorte !
LFB : Et donc justement, le problème de l’industrie de la musique, c’est qu’ils mettent dans des cases. Est-ce qu’il y avait pas un certain piège de chanter en géorgien, prendre des instruments orientaux ?
Zaouri : C’est qu’on brouille les pistes. C’est marrant parce qu’il y a pleins de théories sur nous. On nous a même dit un jour “le rock touareg de Murman”…. mais le rock touareg de quoi ? (rires) C’était n’importe quoi. Du coup ça nous amuse si on nous mets dans des trucs, des cases.
Murman : Nous ce qu’on est aime, c’est rouler en 4×4 dans le désert. (rires)
Zaouri : Si c’est ça le “touareg” alors ouais pourquoi pas. Mais c’est surtout en France dans le milieu de la musique, il y a ce truc où ils ne vont pas te lâcher tant qu’ils auront pas trouver une étiquette. Mais jusqu’au bout, jusqu’à ce qu’ils trouvent.
Krikor : Une belle étiquette quoi.
Zaouri :Et puis tu vas inventer un terme. Parce que d’un côté, tu rencontres quelqu’un dans un bar qui te demande ce que tu fais comme musique. Il faut bien lui répondre un truc. Tu vas lui répondre “oh ben tu verras”, sinon il aura pas envie d’aller chercher plus loin.
Krikor : Du coup, on prépare des réponses. On dit des conneries. On enchaîne pleins de mots “electro disco de la mer noire”.
Zaouri : Ou alors on dit que c’est de l’art contemporain.
LFB : Du coup ça rejoint l’idée de créer une espèce de mythologie pour porter les gens.
Murman : C’est ça. Parce qu’ils vont toujours poser plus de questions. Et ils auront tous une réponse unique. Puisque ça dépendra de ce qu’on a dans la tronche et de ce qu’on veut leur répondre sur le moment.
LFB : Quand on a voulu définir votre musique, on a dit que c’était la musique parfaite parfaite pour danser en pleurant dans son verre de vodka.
Krikor : Ah ouais c’est bien ça.
Zaouri : Mais nous, on est plus vin.
LFB : Mais c’est pas très URSS le vin non ?
Zaouri: Ah si si carrément. Il y a l’URSS du sud, et du nord.
Murman : C’était un très grand pays l’URSS.
Zaouri : Ben ouais, tout le monde ne buvait pas que de la vodka. Je pense que les Ouzbeks musulmans ils buvaient plus du thé.
Murman : Ah si ! Les Ouzbeks ils boivent de la vodka, parce qu’ils disent “Mohamed il a interdit le vin, mais il a rien dit sur la vodka”.
Krikor : Il a rien dit sur la patate ! (rires)
Murman: Ouais, du coup ils boivent de la vodka mais jamais de vin. C’est comme dans le village à côté de celui de mon grand père. C’est une ethnie, des dagistanais, ils sont moins de 10000. Et eux ils ne boivent pas de vin, mais ils picolent du tchatcha, c’est comme de l’eau de vie. Comme de l’eau de vie de prune en fait.
LFB : Oui c’est le truc que tu sens passé quand tu bois un verre.
Zaouri : Ouuf ! Ouais franchement, ça fait mal. Nous, en gueule de bois avec Krikor, dans le village, quand le tonton il nous a fait manger, et qu’après il refuse qu’on parte tant qu’il y a pas du tchatcha. Et là, on boit un peu et on est resté comme aç, ça allait pas du tout… franchement ça brûlait. Le tonton nous regardait en se marrant.
Murman : Ouais c’est le médicament à l’ancienne, ça tue tous les microbes.
Krikor : Ouais tu le sens.
LFB : Quand tu vois que l’étiquette est écrite à la main, faut se méfier.
Krikor : Oh ben là c’était une bouteille de Spritze, il n’y avais même pas d’étiquettes (rires). Ils n’avaient même pas pris le temps de faire ça.
Zaouri: Ça faisait mal mais au moins c’était le débouche chiotte.
Krikor: Moi j’aimais bien. Ça réchauffe quoi.
Zaouri : Le truc est à 65% quoi. Le truc où tu y vas direct.
Krikor : Mais faut que ce soit bien fait sinon tu finis aveugle.
LFB : On a vu que vous étiez dans le top 10 du Ricard Live. Qu’est ce que vous en attendez ?
Zaouri : Pour commencer, faire des dates. Mais j’ai lu qu’il y avait pleins d’autres choses sur le contrat… mais je ne comprends pas grand chose aux contrats. Je l’ai lu que récemment (rires), je suis pas plus au courant que ça.
Murman : En vrai c’est plus de dates quoi. Qu’on en ait au moins dix en plus. Qu’on rattrape ce qu’on a perdu. Tous les points de vie qu’on a gagné, qu’on les re-perde à nouveau un peu. Comme on aimerait jouer partout et pour tout le monde, c’est une bonne occasion.
Zaouri : Ouais et puis comme ça, ça nous fait voyager, alors ça alimente la mythologie.
Murman : Et surtout, on se développe artistiquement comme ça, en allant voir ailleurs.
Zaouri : Oui, en rencontrant des musiciens de partout.
LFB : Et du coup, c’est quoi vos plans pour 2021 ? Qu’est ce qu’on peut vous souhaitez ?
Murman : On essaye de préparer un deuxième EP. On prépare des clips aussi. Nous en fait, on aimerait bien faire un tour du monde en 2021.
Zaouri : Ouais vraiment là, on veut mettre le paquet. On a des potes en Amérique Latine. Murman il faut qu’il mérite son poncho et qu’il aille là-bas.
Murman : On a des envoyés spéciaux en Afrique qui travaillent pour nous.
Zaouri : Ce serait cool, parce qu’il y a pas grand monde qui joue pour l’Afrique. Et puis moi, je n’y suis jamais allé.
Murman : C’est quand même un des berceaux de la musique; on a tendance à l’oublier. Et surtout l’Afrique, c’est bien développé depuis. Il y a pleins de festivals, c’est juste pas connecté.
Zaouri : C’est un autre réseau, et nous ça nous intéresse pas mal.
Murman : Je pense que ça doit être fou de jouer au Sénégal par exemple. Le public doit être complètement fou. Je suis qu’ils vont adorer ça en 2/2. C’est comme quand on a été joué en Serbie, les gens attendaient tellement de voir autre chose qu’ils étaient comme des oufs. C’était un de nos premiers concerts, mais un des meilleurs qu’on a fait. Dès le premier le truc, ils ont capté. Ça ne se pose pas de question et ça y va. Ils sont là vraiment pour kiffer. Là -bas ils n’en ont pas tous les jours. Quand tu en vois trop au bout d’un moment, ça te blase et tu te pose trop de questions. Là, comme t’en as pas assez, tu fais juste que kiffer, tu prends ce qu’il y a.
LFB : Donc tourner, et sortir un nouvel EP.
Zaouri : Ouais voilà, continuer comme un vrai groupe quoi. Et puis l’Asie, il faut qu’on le fasse.
Murman : On a peut être quelques plans là bas, on va voir.
Zaouri : On n’est pas un groupe qui a pour ambition de faire des cachets et de vivre notre intermittence pépère. Ça ne nous intéresse pas trop. Nous, on veut aller encore plus loin. Si on nous propose des projets intéressants, qui ne sont pas forcément des concerts, mais d’autres trucs bien barjos, on prend direct.
LFB : Dernière question, est-ce que vous avez des coups de cœur récents à nous faire découvrir ?
Zaouri : Déjà le mec qui a fait notre pochette d’EP qui est hyper cool : denic.aleksandar. C’est un mec d’une gentillesse rare. Il a pas trop la bosse du commerce (rires), mais c’est un artiste de ouf. C’est la pochette la moins compliquée que j’ai eu à gérer dans ma vie. Et tout ce qu’il fait est super bien, c’est hyper Murman et pas que. On aime beaucoup ce qu’il fait. Et ce n’est pas la seule collaboration qu’on fera avec lui. Sinon en ce moment, je suis bien sur le dernier morceau de Sleafor Mods.
Krikor : Ah tu continue de l’écouter ?
Zaouri : Oh ouais ouais. Et sinon quoi d’autre ? Pleins d’espèces de sous-styles, bien jobar qui viennent d’un peu partout.
Murman : Des trucs nouveaux dans la musique c’est un peu dur à trouver. Il y a quand même quelques trucs qui se démarquent, où qui font du déjà fait mais super bien. Et puis il y a pleins de trucs dans l’urbain, aujourd’hui, qui tabasse vraiment et propose du nouveau. J’écoute pas mal 21 Savage.
Zaouri : Ce que j’ai trouvé assez intéressant, c’est Laylow qui a fait un morceau avec Cerrone. Il est trop bien ce morceau, et il est passé complètement à côté. Il y a 10000 vues ou un truc comme ça, alors que c’est un truc de barjo.
C’est là où tu te dis que c’est pas finit l’urbain, il y a des trucs que je trouve personnellement complètement à chier. Mais il y en a qui se creusent la tête pour faire des trucs vraiment vénères, pas juste de l’urbain bête et méchant à juste parler de son business. Ça va plus loin et c’est cool.
Murman: Moi j’ai surtout redécouvert Celentano. C’est un peu la base. Mais le truc avec l’urbain aussi, c’est que ça arrive dans une saturation. C’est un peu la même histoire que le rock’n roll dans les année 60, où tout le monde faisait la même chose, avec des groupes à un single. Du coup ça devient plus étroit. Et en même temps ça peu dégager 2-3 qui sont très vénères. C’est comme le punk dans les années 70, c’était facile à faire, avec 3 accords c’est partit. Pour le rap il y a ce truc là aujourd’hui où “c’est plus facile”, et en même temps ça fait beaucoup dub.
Zaouri : Quand tu as des groupes comme The Clash dans les années 70, qui ne faisaient pas des morceaux rock, qui ont pu vraiment se démarquer. Et que d’autres sont restés sur les Sex Pistols, qui sont finalement passés à la trappe. C’est un peu pareil pour la trap musique de nos jours.
Kaori : Moi j’suis entrain de me refaire tout Bong Joon-Ho.
Zaouri : Ah oui, dernier film que j’ai trop envie de voir, c’est Kin-dza-dza!, ça a l’air complétement taré. C’est un film de Gueorgui Danielia, c’est un réalisateur géorgien. Il crée un monde parallèle, et il n’y a que 10 expressions dans le film. C’est hyper poétique, La soupe aux choux mais en 1000 fois mieux, et en beaucoup plus poétique et esthétique. Une sorte de 2001 L’Odyssée de L’Espace mais en plus bordélique.