À tous les amoureux du trip-hop, du posé, des apéros détendus, du temps qui s’arrête, des aprems détente dans le canapé, des moments bulle au bureau … Jean-Christophe Le Saoût aka Wax Tailor est de retour sur la toile de l’électro française avec The Shadow of Their Suns. Alors on branche son charmant casque reçu récemment sous le sapin, où ses écouteurs du Relay de la gare, et on file écouter cette pépite sorti le 8 janvier sur le label Lab’Oratoire.
5 ans après son 5e album, By Any Beats Necessary, l’orfèvre des samples revient avec un nouvel opus dont l’atmosphère semble plus lourde et obscure. Si la précédente pochette nous invitait à prendre la route à travers un désert californien surplombé d’un ciel explosant de couleurs; ici il n’en est rien. Plus sombre et impactante, cette nouvelle jaquette nous boxe la vue avec un poing de la révolte levé en l’air. Main couverte de suie, on devine le milieu ouvrier qui se cache derrière cette icône. Une classe qui reste dans l’ombre, malgré son importance pour le pays. On se doute que l’œuvre ne va pas se contenter de nous proposer une ballade musicale sans fond.
Wax Tailor nous livre ainsi un billet d’humeur, sa vision du monde qui l’entoure, un monde qu’il a pris le temps d’observer. Décrit par l’artiste comme comme un “long métrage sonore”, The Shadow of their suns est une longue analyse de notre société, sans jugement moralisateur; posant juste des faits. Au-delà de porter un message, il s’agit finalement ici d’un état des lieux, et simplement faire prendre conscience du cadre dans lequel chacun évolue. À l’exemple de Misery, morceau orwellien, dont le clip paru en novembre dernier nous plongeait dans un monde totalitaire et formaté, mais dont le peuple arrive à se libérer. Le regard se pose ainsi sur chacun d’entre nous, et notre place, nos besoins dans ce monde. Tandis que Just a Candle nous interroge sur la lumière qui nous anime, et le sens qu’elle donne à notre vie; Keep it Movin pointe du doigt ce qui nous ralentit et nous invite à fêter notre nouvelle vie, libérée de ses chaînes. Nous sommes ainsi embarqués dans une œuvre, tantôt optimiste, tantôt froide et réaliste.
Bon, nous avons exploré le fond; bonne chose de faite.
Mais pour cette œuvre, le vernonnais n’est pas non plus tire-au-flanc sur la forme. Certains airs comme ceux de Like This ou encore Déjà vu semblent avoir directement été programmés pour s’emparer de nos neurones et y régner en maître. On retrouve à nouveau ce style groovy et entraînant, avec un sampling toujours aussi maîtrisé. La patte Wax n’est pas morte après toutes ces années, loin de là. Une signature qu’on reconnait spontanément à la première écoute, grâce à un savoir-faire authentique. Dès l’introduction avec Fear of a Blind Planet, il est difficile de reprocher quelque chose au mix, qui nous emmène sans effort dans son univers. Instruments et voix se heurtent avec finesse, sur un rythme à faire dandiner de la tête. Ce rythme est tantôt langoureux, tantôt punchy, tantôt aérien tout au long de l’album, selon ses désirs. Chaque titre nous emmène dans son univers, nous frappant de nostalgie, de tristesse, ou de gaieté. Malgré un fil rouge qu’on arrive à suivre sans difficulté, créant une oeuvre homogène; chaque titre garde une personnalité propre.
Le dernier point fort de cet opus (qui ne vous aura pas échappé) est la liste d’invité·e·s prestigieu·ses·x dont ne s’est pas privé le normand. Pas moins de huit collaborations sur quinze morceaux; on est sur un bon ratio. Et ce pas avec n’importe quels associés !
Premier à fouler le tapis rouge, une légende du rock : Mark Lanegan. Une voix qui permet de densifier n’importe quel disque, reconnaissable parmi mille. Un timbre que Wax arrive à faire briller habilement par une franche ligne de basse. La magie opère naturellement entre les deux artistes, nous offrant une belle claque vibrante avec Just a Candle. Dans la continuité du défilé, on retrouve les rappeurs Del the Funky Homosapien (que l’on a pu voir dans des titres de Gorillaz) et Mr LIF (que l’on a pu également voir en feat avec Thievery Corporation et bien d’’autres artistes) pour le morceau Everybody. Collaboration toute aussi réussie, nous donnant l’impression de plonger dans un monde parallèle à celui de 2D et son groupe virtuel.
D’autres figures du rap foulent la scène telles que D Smoke, ou encore Yugen Blakrok, révélée par la BO de Black Panther. Cette dernière ne sera pas la seule figure féminine de l’album. La parade continue avec l’icône de la scène hip-hop de Detroit, BoogBrown, sur le velouté Shining Underdog. Morceau où la chanteuse pose une voix mêlant caractère et douceur, se fondant encore une fois parfaitement avec l’instru de Wax Tailor. Même tour de carte pour la chanteuse afro-carribéenne Adeline, proposant une prestation intemporelle, dont le refrain hypnotise les sens.
En bref, Jean-Christophe Le Saoût nous livre ici une oeuvre engagée, sans être dénuée d’élégance. Un discours à son image, à son envie d’indépendance qu’il ne semble pas vouloir abandonner de sitôt; restant en marge de la grosse industrie musicale. Un ouvrage où on retrouve son style, ses invités, son langage et sa vision des choses… un album libre, un album de Wax Tailor en somme.