Il devait sortir au printemps 2020. Tout le monde était dans les starting blocks, les chansons avaient été enregistrées l’été précédent, un dernier clip devait être tourné. Les chansons de Demain sera superbe ! devaient nous emmener avec indolence vers l’été. Et puis patatras, un virus s’est pointé sur le bout du nez d’un pangolin et la sortie de l’EP s’est trouvée suspendue comme beaucoup de choses.
Et s’il sort aujourd’hui, on peut lui trouver une saveur particulière. En plein cœur de l’hiver – on peut même voir par la fenêtre les flocons de neige tomber – il nous apporte une chaleur réconfortante. RAMÓ c’est d’abord une voix douce et englobante, puis une atmosphère musicale empreinte de nuances et d’harmonies exotiques. On pense à un Laurent Voulzy, dont d’ailleurs il a repris l’an dernier son Cœur Grenadine, passé par la moulinette d’un Où sont passées les gazelles de Lizy Mercier Descloux.
RAMÓ c’est aussi un hommage à l’univers du Douanier Rousseau. Du peintre il retient d’abord l’esthétisme qui lui apporte une plastique sonore faite de lignes musicales simples autour desquelles viennent virevolter des nuées d’autres sons tout comme la faune qui fourmillerait dans la flore d’une forêt primaire. Il existe chez RAMÓ un amour pour la beauté originelle et les décors luxuriants de jungles vierges que l’on retrouve jusque dans sa scénographie – les cinquante nuances de vert. Et ensuite l’état d’esprit qui permet de voir et de ressentir le monde sans a priori. C’est une démarche que l’on peut aussi trouver chez Cléa Vincent, une façon d’aborder les sujets sérieux par le prisme de la candeur et de l’innocence. Et si les mélodies pop peuvent sembler légères et sucrées, il n’y a derrière aucune insouciance.
Demain Sera Superbe !, le troisième EP de RAMÓ s’articule autour de cinq pièces qui nous amènent d’un « équilibre précaire » à un l’espoir d’un demain qui « sera superbe ».
L’EP s’ouvre sur Au cœur de la beauté qui porte une solennité et une spiritualité d’un hédonisme écologique. Si la beauté, et le bonheur qu’elle procure, peut nous impressionner et nous intimider, elle n’en est pas moins fragile. Au cœur de la beauté débute par un tempo lent, un synthé comme un orgue, et une voix cérémonieuse. L’ensemble concoure à un effet d’élévation du champ sonore. Puis un piano amène de la légèreté et on atteint l’apogée du voyage musical avant de redescendre en tournoyant avant d’atterrir en douceur.
Tranchant avec le morceau précédent, dans Le Soleil on retrouve les rythmes bondissants et tanguant que l’on a pu entendre dans Tout ira bien ou À nouveau sauvage. Il y a un côté joyeux bazar ordonné dans cette ligne musicale qui se termine en se perdant dans des boucles. On plonge alors dans la torpeur caniculaire de La saison des pluies qui « s’est enfuie ». C’est une chanson composée à quatre mains et chantée à deux voix où Loïc Fleury (chanteur d’Isaac Delusion) s’est fait complice de RAMÓ pour ce délice sonore. Les deux voix se répondent en se complétant parfaitement.
Si le début de l’EP dans son discours parle plus du constat de fragilité et des dégradations que notre société fait subir à notre environnement, dans Tendresse il est davantage question de l’empathie dont on devrait faire preuve et de la solidarité que l’on devrait mettre en œuvre pour réagir et trouver une solution.
Demain sera superbe ! referme l’EP par l’indication du chemin à prendre. Comme on n’a plus rien à perdre, autant rebattre les cartes et reconstruire un cadre où l’on saurait vivre davantage en harmonie.
« Mais si vraiment tout est fini
Alors on n’a plus rien à perdre
Marchons à grand pas dans la nuit
Embrassons les chênes et les cèdres
Qui, hier, étaient un brulis
Alors demain on sera superbe
Demain sera superbe
Demain sera superbe … »
Écrit et enregistré en 2019, cet EP a comme un côté prémonitoire de la crise sanitaire que l’on subit et des moments de confinement, connus. Sans que l’on s’en rende compte ou que l’on se l’avoue l’équilibre était précaire. Un micro-organisme de moins d’une centaine de nanomètre a mis à bas notre façon de vivre – le tourisme de masse et la consommation à outrance. Espérons que l’on pourra redémarrer de façon sage et judicieuse.
Musicalement, le dernier EP de RAMÓ apparait plus apaisé que les précédents. Mais si les morceaux – émotionnellement forts – nous semblent davantage calmes, la façon dont ils finissent – généralement par des boucles musicales et chantées – nous laisse penser que leurs versions live sauront être impétueuses et hypnotiques juste comme il faut. Nous attendons donc avec une impatience non dissimulée de les découvrir dans la chaleur et l’obscurité d’une salle de concert, même si le son est un peu trop fort, la bière pas assez fraiche et le voisin un peu proche. Alors demain sera vraiment superbe !