Petite fille spirituelle de France Gall et de Michel Berger, Janie s’est imposé dernièrement sur le renouveau de la scène française avec un style bien particulier, revisitant la variété à sa façon. En effet, aors que la “nouvelle scène” fait l’apologie, ces dernières années, des chansons en français, mais avec un style musical qui se veut radicalement éloigné de la “variété”, Janie quant à elle, se positionne presque en marge de ce mouvement en créant un véritable hommage à celle-ci dans son 1er EP Petite Blonde, sorti à l’automne 2020.
Originaire de Tours, cette jeune femme a grandi bercée dans la variété française : Véronique Sanson, Françoise Hardy, Sylvie Vartan, France Gall, Michel Berger, Michel Polnareff, Christophe, Laurent Voulzy, Alain Bashung, Francis Cabrel, et j’en passe… Dans sa famille, chacun jouait d’un instrument, et ses parents faisaient partie d’un orchestre qui chantait de la variété. Janie a également été biberonnée aux bals populaires, où la variété est reine ! Sa blondeur angélique et le style rétro et vintage que l’on retrouve dans toute l’imagerie qui l’entoure : dans ses clips, dans ses looks, dans les photos qui circulent sur ses réseaux sociaux… accentuent encore plus le parallèle avec une icône de la chanson des années 1960-1970.
D’une première comédie musicale opéra-rock à Janie
De Tours, Janie a pris la route de Paris à l’âge de 19 ans. Sa carrière musicale commence tout d’abord avec un duo de pop, formé avec une amie, nommé DYADE. Un premier jet musical qui lui faut d’ailleurs d’être repérée et castée pour une comédie musicale : Le Rouge et le Noir, un opéra-rock adapté du roman de Stendhal (publié en 1830), qui a tourné entre 2016 et 2017. De cette expérience, Janie raconte qu’elle l’a forgé : la comédie musicale, les répétitions, les tournées, les représentations saccadées, la danse, le chant… lui ont appris la rigueur dans la musique, l’ont aidé à maîtriser la scène, et à créer un véritable contact avec le public.
De son enfance, Janie a gardé une grande adoration pour la chanson française en piano-voix, et en particulier les chansons tristes. Un amour qui lui vient irrémédiablement de ses parents, alors quand il a été question pour elle de lancer son propre projet musical, Julie Fournier de son nom d’état, a décidé de rendre hommage à son idole, son père, en fusionnant son prénom au sien : « Jany », et c’est ainsi que « Janie » est née. Une Janie, qui, nourrie de ses influences, elle a l’habitude de toujours commencer la composition d’un nouveau titre par une base en piano-voix, sur laquelle elle va ajouter ensuite un beat et une instrumentation.
La musique de Janie est teintée d’une douce ambiance vintage, à base de grandes chemises bouffantes à col claudine, de tricots à carreaux et cols V, de discothèques et de karaokés. Elle s’accompagne elle-même au piano et fait monter sa voix cristalline sur des titres empreints de confessions. Janie se montre très juste, dans ses mots mais aussi dans son timbre de haute voltige. Elle chante une pop nostalgique, tout en douceur, et sans fard… alternant des sujets plus ou moins graves sur de belles ritournelles.
Un hommage très sérieux et distingué à la variété
Son 1er EP Petite Blonde, sorti en octobre 2020 est composé de cinq titres et fait honneur à ces chansons que l’on entend en général « dans une salle des fêtes à la campagne », cette variété française que Janie considère comme sa « pommade musicale ». L’EP commence avec “Discothèque”, qui serait le seul titre du disque qui ne tiendrait pas son inspiration de la vie de Janie. Comme son nom peut le laisser aisément deviner, “Discothèque” honore les établissements dansants d’antan. Dans ce titre, Janie glisse également une douce référence à Christophe, l’un de ses chanteurs préférés, et à l’un de ses titres les plus adorés, en chantant : « Le DJ joue Les Mots bleus. les mots que l’on dit avec les yeux ». Orné d’une très belle mélodie en piano-voix, “Discothèque” dessine les contours d’une soirée amoureuse dans un club digne du film La Boum et raconte les étreintes de deux amants qui dansent.
Le disque se poursuit avec “Petite Blonde”, qui est sans nul doute le titre phare de l’EP, et qui lui a d’ailleurs donné son nom ! “Petite Blonde” débute en pleine confession : « Je ressens tout autour de moi, ce que vous murmurez tout bas… Au fond je ne sais pas pourquoi, tout le monde se moque de moi… Pourtant je ne suis pas méchante, peut-être un peu différente… Peut-être un peu trop et ça dérange… La différence ça dérange… », chose qui se ressent également dans le clip où l’on peut voir Janie allongée, à fixer le plafond dans un décor sombre, comme si elle était en pleine introspection. Et puis la musique devient plus solaire, le clip se pare de couleurs lui aussi, Janie se relève, comme elle s’est relevé de toutes les moqueries qu’elle a du subir étant petite, essuyant le clichée de la petite fille blonde moquée. Et en femme forte elle entonne le refrain : « Petite blonde ne fait pas de fables… Rentre dans le moule, rеste sage… Mais moi je nе trouve pas ça normal… Tout l’monde doit t’aimer comme tu es ». Cette chanson est un pied de nez envoyé à toutes les personnes qui la mettaient de côté à l’école, mais comme elle le dit elle-même : la roue tourne, elle appelle alors à beaucoup plus de tolérance, à s’accepter les uns les autres, malgré les différences. C’est un véritable appel, de la part de quelqu’un qui s’est sentie exclue, et qui a été mal dans sa peau pendant des années à cause de cela.
Par la suite, “Gremai” se fait beaucoup plus grave. Cela se ressent dans la musique mais aussi dans les propos, puisque c’est un sujet qui se veut grave. Le titre “Gremai”, signifie en fait « maigre » à l’envers, et c’est une chanson dans laquelle Janie livre son combat contre l’anorexie, un trouble alimentaire qui l’aurait possédé de 20 à 24 ans. « Je ne tiens plus debout, dictée par des diktats tabous… Je ne suis plus une femme, plus rien du tout… C’est mon corps que j’affame, privé de coups… ». Très justement écrit, ce titre expose toute la complexité du culte de la maigreur mais aussi toutes les critiques que l’on reçoit lorsque l’on est un peu trop mince.
L’EP continue avec un titre qui tranche avec le reste du disque, puis que le 4ème morceau “Les mots virtuels” a été réalisé en duo avec le chanteur Foé. Un morceau où leurs deux voix se marient, pour chanter à l’unisson une histoire de flirt virtuelle, à base de messages envoyés de photos de profil. “Les mots virtuels” chronique ainsi notre société contemporaine, où les histoires d’amour et de flirt des jeunes générations se déroulent bien souvent par écrans interposés, sur une application ou même simplement un réseau social. Lorsque l’on se prend d’affection pour une personne que l’on ne connaît qu’en photo, que l’on s’échange des messages pendant des mois et des mois, sans jamais s’être rencontré… Quoi de plus facile alors pour que notre cœur s’emballe et idéalise l’autre ? “Les mots virtuels” interroge justement cette correspondance poétique virtuelle… cela suffit-il de bien s’entendre virtuellement pour tomber amoureux en IRL (in real life) ?
Cet EP, Petite Blonde, se clôture par “Mon idole”, un morceau où l’on retrouve le piano-voix et qui est sans conteste le morceau le plus intime et émouvant de ce disque. Son idole, ce n’est pas une star de la chanson, c’est son père, Jany, qui lui a inspiré son nom de scène, comme nous l’avons évoqué plus tôt. Un père malheureusement disparu, quand elle n’avait que 19 ans, et dont elle orne la mémoire de cette magnifique chanson au piano. “Mon idole” est comme une fleur, sur laquelle on chemine de pétale en pétale, jusqu’à ce que l’on entre dans son coeur, où se dévoile une lettre, écrite par Janie pour son papa. Le piano s’arrête, et c’est un accordéon qui s’élève, jouant une musique de bal guinguette, qu’il aimait tant, alors que la voix de Janie récite cette lettre qui lui est dédié.
En définitive, Petite Blonde est un premier EP très réussi, qui nous laisse un petit peu sur notre faim. Janie a ce don d’embellir avec beaucoup de justesse et de finesse la variété française, un exercice qui n’est pas facile et qui pourrait très vite tomber dans les écueils du kitch, ou être parodique. Mais c’est tout le contraire, car Janie porte un véritable amour sincère pour cette variété française des années 1960, 1970, voire même 1980… et elle réussit très bien à la revisiter et à la parer d’une patine moderne. Pour cet EP, Janie a travaillé avec le réalisateur Marso, qui a entre autres œuvré pour Videoclub, Michel, Foé et Suzanne. Elle travaille également avec le label Low Wood, qui est derrière Michel, Hatik, Jok’Air, Bilal Hassani et Madame Monsieur… et elle sortira son tout 1er album en 2021.
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