Naviguant entre improvisation et expérimentation, le second EP d’Albinos Congo nous séduit par ses envolées sonores cosmiques en cinq titres trippants. A l’occasion de sa sortie en septembre dernier, nous sommes allés à la rencontre de Tristan, porte-parole du groupe.
La Face B : Qui est Albinos Congo et quel est ton rôle dans le groupe ?
Tristan D’Hervez : Albinos Congo est un groupe qui existe depuis maintenant 8 ans et qui a regroupé pas mal de musiciens différents. Une première formation du groupe a vue le jour autour d’Elfried Gratas qui, aujourd’hui, à un projet sous le nom de Terreur Passion : Fleurs d’Occident. Puis, j’ai repris un peu ce rôle de « leader » qui consiste a porter les lignes d’accords, tout en essayant de laisser de la liberté aux musiciens qui sont venus au fil des années. Quand Elfried a quitté le groupe, on a eu plein de bassistes différents : Llcool Jo de Maison Acid sur une date au Lieu Unique, ensuite Voyou qui avait fait un remplacement sur une date au Stereolux, puis le batteur des Van Pariahs … Bref on a eu eu 3 bassistes différents, en l’espace de 3 semaines !
On a fait une petite pause il y a 5 ans, lorsque j’étais aux beaux-arts. Puis, on a repris plus sérieusement à la sortie de notre premier EP Maxi Best of Zummer Zongs. Ces chansons commençaient à dater et avaient été enregistrées il y a assez longtemps mais ça nous tenait à cœur de les sortir.
Depuis, Antoine, qui a une formation Jazz, nous a rejoint à la batterie et ma copine Margot s’est mise à la basse. Pierre, quant à lui, est à la guitare depuis la naissance du groupe. Cette nouvelle formation du groupe est beaucoup plus basée sur l’improvisation : on part d’un pattern de batterie, d’une ligne de basse de Margot,… On essaye de collaborer ensemble au maximum pour mettre en place les morceaux.
LFB : Vous avez sorti votre 2nd EP Space Jam le mois dernier. On peut sentir une vraie évolution depuis vos tout premiers morceaux. Est-ce que, selon toi c’est ce processus d’improvisation justement qui le rend différent de votre premier EP?
Tristan : Oui, carrément, c’est l’improvisation et l’expérimentation. On l’a appelé Space Jam car notre batteur demandait si on allait répéter les morceaux ou faire un Jam et cette expression me faisait marrer. C’est une bonne expression de zikos. C’est aussi parce qu’on tend à faire de la musique dite « de l’espace » et c’est une référence à un film des années 90 qu’on kiff bien.
Par rapport au côté expérimental, on a fait une vraie recherche au niveau du son. L’idée était de pouvoir retranscrire quelques tricks qu’on avait plutôt en studio, derrière notre ordinateur, et de les amener en live. Par exemple on joue pas mal sur des effets de stéréo, de panoramique, Margot qui fait de la basse, à son câble relié à un petit adaptateur qui est lui-même relié à un synthé Moog. Elle peut donc jouer de la basse et du synthé en même temps ! C’est pareil pour moi, j’ai une guitare casio qui peut contrôler mon petit synthé en même temps que je fais des riff et j’ai des sortes de theremine que je joue avec mes pieds qui font des sons sortis tout droit de l’espace.
LFB : Et puis il me semble que cet EP n’était pas censé sortir officiellement au départ ?
Tristan : Oui, c’est ça ! Un tourneur nous a contacté pour faire une tournée en Espagne et au Portugal en mars de l’année dernière. On n’avait plus de merch, on était en rupture de stock de k7, et on avait envie d’apporter un peu de fraîcheur car ces chansons étaient sortis en 2018 alors qu’on les avait composé en 2015. Donc, 1 semaine avant la tournée, on a fait un max d’impro dans le local de Trempolino à Nantes. On a enregistré et mixé ça à l’arrache pour vendre cet EP sous le manteau, en mode pirate. Quand on est revenu, on s’est dit qu’il y avait pas mal de morceaux qu’étaient vraiment chouette. On en a sélectionné 3 qu’on trouvait mortel et j’ai fais une sorte d’interlude qui s’appelle You Know What I Mean and You ? Un exercice de style composé à l’aide de ma nouvelle pédale de fuzz Freakenstein achetée avec les sous-sous de l’album de Th Da Freak que j’ai mixé avec mon pote Thibaut Pellegrini. D’ailleurs, l’album porte le même nom haha. Sinon j’en avais marre d’avoir une voix aigue, du coup j’ai utilisé un pitch pour avoir une voix plus suave et plus sexy comme Barry White qui est né le 12 septembre, le même jour que moi.
Sinon on a composé une sorte de prémisse de BO de film de science fiction en guise d’outro qui s’appelle Paralysis of Dream Part I en collab avec Louis Vabres, un super pote et surtout un musicien ultra talentueux qui chante, fais de la guitare et du synthé dans Amazone.
Pour la petite anectode, le morceau Stay or Die lui est né lors de la tournée El Doblo Tour.
Les spécialités locales commençaient à nous rendre complètement « loco », on ne pourra citer que la liquor café. On ne se mettait plus qu’à communiquer en faisant du skat (zpipapedouuuuda).
Et je me suis retrouvée dans une espèce de démonstration devant mon batteur, tentant de lui montrer comment on pouvait composer un nouveau tube. Je commençais à avoir une douleur aigue au pied, je me suis mis à chanter « mmmh g mal aux pieds ummh g mal aux pieds ummmmh ».
Le lendemain j’ai essayé de retranscrire ce skat sur ma guitare, et de là est né le morceau Stay or Die
LFB : d’où le côté spontané mais quand même bien travailler derrière dans votre musique.
Tristan : Oui, on recherche cette spontanéité et on essaye de faire un morceau en l’espace de peu de temps mais avec tout ce travail de recherches sonores qu’il y a eu avant, qui nous permet d’avoir des espèces d’envolées un peu bizarres qui arrivent rapidement et instantanément.
LFB : J’ai la pochette de l’EP sous les yeux en même temps, elle est top. Est-ce que tu peux nous parler du visuel ?
Tristan : La pochette a été créé par Didier Poiraud, un réalisateur nantais, qui a fait le film Atomik Circus avec son frère, il y a une dizaine d’années. Mais il est surtout connu pour avoir fait des pubs assez mémorables dans les années 2000, par exemple pour Orangina ou Hollywood Chewing Gum. Il en avait fait une pour un lave-linge Brandt. On y voit un astronaute marcher sur la lune, pendant que son co-équipier est en stress dans la cabine de son vaisseau. Paniqué devant le tableau de bord, il appuie sur un espèce de bouton rouge et se barre avec la navette en laissant son pote sur la lune. Le slogan c’était « et si tout pouvait être aussi simple qu’un lave-linge Brandt ». (voir la pub)
Quand Didier a su que le décor allait être détruit, ça lui a crevé le cœur. Alors il a pris un camion et a tout ramené chez sa mère. Du coup, il a son espèce de vaisseau dans le jardin de sa maman. Un peu comme dans « la soucoupe et le perroquet », l’épisode de Strip Tease !
Depuis, dès qu’on a l’occasion de pouvoir utiliser ce vaisseau, on l’utilise. Je collabore beaucoup avec Didier, sur des clips et sur un projet de film, donc ça m’a paru évident qu’il fasse cette pochette.
LFB : Space Jam c’est aussi le nom d’un de vos titres. C’est de ce morceau qu’est parti l’ep éponyme ?
Tristan : Oui, on commençait à être vraiment à l’aise tous ensemble pour faire de la musique sous forme d’impro à ce moment-là, donc c’est devenu le titre éponyme de l’EP. Il montrait bien cette nouvelle façon de composer.
LFB : Vous avez également sorti le clip « Mon pti Yoshi ». Qu’est-ce qui vous a inspiré pour sa réalisation?
Tristan : On a composé ce morceau quand on était dans un break qui ressemblait plus à un split avec Albinos Congo. Je passai mon diplôme des Beaux Arts. Le batteur originel était parti à sur la capitale pour tourner dans des publicités en tant qu’acteur avant de devenir le tour manager de Agar Agar. Notre organiste s’est retrouvé aussi à Paris, mais elle pour vendre des robes Louis Vuitton à des princesses d’émirats arabes. Du coup en manque de zikos j’ai tenté d’enrôler ma chérie pour jouer avec nous, mais elle ne pensait pas en être capable. Pour essayer de la convaincre on a composé un morceau tous les deux, je lui ai montré l’accord que je faisais absolument tout le temps, sur tous mes morceaux : le mi majeur! Et qu’en déplaçant ce mi majeur sur le manche, (sans avoir à faire des gros barrés qui font mal aux doigts) on pouvait obtenir des jolis morceaux pop. Du coup, j’ai commencé par déplacer cet accord sur le manche puis elle devait choisir ceux qui lui plaisait, et là, Margot kiffait un espèce d’accord un peu dissonant chelou, pas très harmonieux, assez point d’interrogation en réponse à ce mi majeur.
De là est né le morceau Mon pti Yoshi, portant le surnom de ma chérie qui nous a rejoint officiellement à la babasse depuis.
Et pour la petite anecdote, concernant le clip, on était à Paris en concert avec Triceps (un groupe de punk sportif dans lequel je joue de la guitare). J’en ai profité pour voir mon pote Pierre et sa copine Jiyeonne qui venaient juste de se marier. Je me suis dit ce couple était parfait pour illustrer l’amour !
LFB : Et vos paroles, en général, ça vient d’où ? Elles vous viennent avant ou après l’instru ?
Tristan : Rares sont les fois où je me retrouve devant une feuille blanche pour écrire des paroles, elles me viennent plutôt en jouant et c’est pour ça que les paroles du disque sont plutôt simplistes. Pour Space Jam je me suis mis à parler de E.T. J’aimais bien l’idée de parler du dilemme dans lequel se retrouve Elliott dans le film: « don’t forget me my friend », « E.T. call your home ». Malgré ne pas vouloir quitter son meilleur ami extra terrestre, il l’aide à retrouver sa famille et quitter cette terre qui lui est hostile, dans un monde où la tolérance devrait être universelle.
Mais bon pour les prochains disques, on travaillera sûrement davantage les paroles. Par exemple, en essayant de faire un album concept où il pourrait y avoir une sorte d’histoire du début à la fin.
LFB : Du coup Albinos Congo en live, ça donne quoi ?
Tristan : En live, on nous dit souvent que c’est trop fort (rires). Mais on essaye de travailler ça avec notre ingé son pour qu’il y ait cette impression de puissance sans que ça casse les oreilles. On se laisse aussi une part d’impro ; on essaye de créer des choses, de faire des espèces d’interlude un peu cheloues et de ne jamais faire deux fois le même concert à l’identique. Ca nous semble important. Même si ça paraît compliqué de mettre cela en place, il y a toujours un petit truc qui change.
LFB : D’ailleurs, toi t’es plus studio ou scène ?
Tristan : J’aime vraiment les deux… J’adore le studio pour expérimenter des choses. En ce moment je suis plutôt scène car je suis méga frustré de ne pas pouvoir faire de concerts. Les deux sont super intéressants mais c’est vrai que ce qu’on peut vivre dans un concert c’est assez magique et, là, ça me manque beaucoup.
LFB : Vu que les concerts nous manquent à tous en ce moment, est-ce que tu as une anectode de live à nous partager pour nous rappeler la touffeur du Dancefloor ? Au cas où quelqu’un aurait oublié.
Tristan : Je repense à ce concert de malade qu’on a fait avec Triceps, mon autre groupe, et Johnny Mafia, il y a un an. Y avait une ambiance complétement folle. J’étais déguisé en Pom Pom Girl et je dansais tout le long du concert de Johnny Mafia. A un moment donné, j’ai fait faire le premier slam d’un petit qui devait avoir à peine 10 ans. Il est revenu trois fois de suite pour en redemander ! C’était assez mémorable.
LFB : Qu’est-ce que vous avez prévu pour la suite ?
Tristan : On va profiter du fait d’être en studio pour expérimenter et sortir un max de choses qu’on pourra envoyer en concert quand la situation sera décantée. On a un album qu’on a envie de faire depuis la naissance d’Albinos Congo. Ce serait une sorte de best of de tout ce qu’on a pu faire depuis le début. C’est assez compliqué à mettre en place vu que certains morceaux ont été enregistré y a 8 ans et sonnent super lo-fi à côté de ceux qu’on a pu enregistrer récemment. Mais on s’est chopé une nouvelle table de mixage assez mortel et on a des potes qui bidouillent et qui sont chauds pour nous aider à gluer tout ça.
Sinon on a déjà d’autres morceaux sous le coude pour un deuxième album. Il faut juste qu’on se mette à bosser pour le sortir rapidement. Et on prépare un nouveau clip sur le morceau Stay or Die, en mode film d’horreur série b, bien flippant.