En septembre, lors des premiers jours de l’automne, on faisait la connaissance de Lonny. D’abord avec Incandescente puis plus tard avec Avril Exil, elle nous ouvrait les portes d’une folk en français intime et chaleureuse qui nous a touché en plein coeur. On est donc allé à sa rencontre pour en découvrir plus sur son parcours, son rapport à la solitude et les thématiques importantes qui constituent sa musique.
La Face B : Salut Louise, comment ça va ?
Lonny : Ça va très bien. (rires)
Je suis très contente de faire une pause dans la pause. (interview réalisée pendant les fêtes de fin d’année).
LFB : On va donc faire un peu connaissance, est ce que tu pourrais me parler un peu de toi ?
Lonny : Alors, je vais parler de mon parcours musical car c’est essentiellement à travers ça que je me définis… Je suis née à la montagne et j’ai grandi à Paris. Je me suis mise assez tôt à la musique vers 7 ans et j’ai commencé avec le violon alto avec qui je vis depuis maintenant 20 ans.
Ensuite j’ai eu un déclic avec la folk à l’adolescence.
C’était vraiment un truc de bande et avec mes amis on se définissait beaucoup à travers la musique et on a commencé à développé un véritable intérêt pour la musique des années 60/70 : Jefferson Airplanes, The Doors, Joni Mitchell… De mon côté je me suis vraiment centré sur la folk et sur les chanteuses/songwritteuses de cette époque là.
C’est devenu assez clair pour moi que je fasse de la musique parce que j’étais assez cancre à l’école (rires).
Il était assez évident que je me concentre sur quelque chose dans lequel j’avais envie de mettre mes efforts et vraiment travailler.
Donc j’ai fait une école de musique à Paris et puis j’ai joué en premier avec Refuge. C’était mon premier partenaire et la personne avec qui j’ai découvert la scène.
Je jouais de l’alto pour lui et on chantait beaucoup ensemble. Et c’est à cette époque que j’ai commencé à faire mes premières chansons.
Suite à ça j’ai joué avec Baptiste W. Hamon, parce que j’ai toujours aimé accompagner les gens et que c’est quelque chose que je ferais encore, et en parallèle j’ai fait un premier EP, What kind of music do you play, sous le nom de Lonny Montem.
Ensuite j’ai fait un second EP qui s’appelle TARA, du nom de la maison où on l’a enregistré, en duo avec Guillaume Charret dans une forme très brute, très folk et très années 70.
Ça m’a beaucoup aidé et ça m’a beaucoup défini en terme de production ce côté un peu radical. Je continue à te parler de ma vie ? (rires)
On est parti en tournée au Québec avec Refuge où l’on s’accompagnait mutuellement. À cette époque, je chantais en anglais, parce que j’ai un rapport à l’anglais assez fluide et que je n’ai jamais rien écouté en français… Et à travers les gens qui comprenaient ce que je chantais, ce qui n’était pas forcément le cas en France, j’ai eu une sorte de révélation sur la dimension du texte et sur l’importance d’être comprise.
Je suis revenue de ce voyage convaincue d’essayer de chanter en français, ce que je n’envisageais pas avant car on me le proposait pour des mauvaises raisons.
Et de là a commencé un long parcours pour me mettre au français, ce qui m’a pris environ un an pour arriver à mon premier texte, ma première chanson.
LFB : Il n’y avait pas une forme de pudeur à laisser le français de côté ?
Lonny : Si si, énorme. Ça m’a demandé de me mettre en face des mots et de ce que je voulais vraiment dire et ça m’a un peu fait un peu péter les plombs.
Il y a une petite sur-sensibilité émotionnelle qui doit exister chez moi. Je ne suis pas peureuse face aux nouveautés mais il a fallu que je « m’auto-dompte » avec le français. Que je m’apprenne à ne pas avoir peur de chanter dans ma langue maternelle.
Au début je autocensurais beaucoup et ça passait par l’auto-dérision, je me moquais beaucoup de moi.
Et finalement le premier morceau qui est né c’est Incandescente, après beaucoup d’incertitudes où je me suis mis dans des états pas possibles.
Et surtout j’étais pas très « lettrée » : en fait, j’ai appris à lire en même temps que j’ai appris à écrire. Il y a comme une éducation qui est venue en même temps, à apprécier les mots, même si j’avais un petit truc avec ça.
Moi j’ai toujours cru que je n’étais que « musique », je ne m’autorisais pas à être autre chose pendant très longtemps.
Donc il a fallu investir le texte, en reconnaissant la beauté la dedans, en reconnaissant ce que j’aimais, quelle littérature j’aimais etc …
LFB : Est-ce que cette première étape t’a permis à fluidifier la suite ?
Lonny : Alors oui (rires). D’une certaine manière on peut dire ça, ce n’est pas si fluide que ça mais oui. Je pense que la chose la plus importante c’est que je me suis autorisée les mots simples, certains mots que je me censurais comme le mot cœur par exemple.
Il y a un artiste qui m’a fait du bien par rapport à ça c’est Chevalrex. Je ne le cite pas tout le temps mais quand je repense à l’écriture et au parcours c’est lui qui me vient. Dans son album Anti Slogan, il emploie les mots, c’est simple, c’est beau et ça veut dire ce que c’est. Il utilise des mots qui appartiennent à l’enfance et c’est assez bouleversant au final.
À partir du moment où j’ai autorisé ces mots là , il y a eu une sorte de fluidité.
LFB : Et est-ce qu’il n’y a pas une forme de gageuse à faire de la folk en français ?
Lonny : C’est tout le défi que je me mets, c’est là que je trouve mon équilibre. Je suis attirée de manière assez radicale par la folk anglo-saxonne et ça se fait pas tellement en France.
Jouer avec Baptiste W.Hamon m’a bien aidé parce qu’il a fallu trouver les autres étoiles de la constellation dans laquelle j’avais envie de m’inscrire (rires).
Il y a eu les pères comme Dominique A ou Yves Simon d’une certaine manière. Il y a eu les Québécois énormément.
Dans les frères il y a donc eu Baptiste qui m’a beaucoup aidé, qui est un grand ami et avec qui on a beaucoup parlé de processus. Lui il est axé country et il m’a dit « si on peut faire de la country en anglais, on peut aussi la faire en français ». C’est vraiment une histoire de mot et de sonorité, une intelligence d’oreille pour trouver les choses qui se rattachent à ce genre de musique.
La folk et la chanson sont justes à côté en France et ça va se jouer à des mini détails, le mix, le choix des instruments … C’est vraiment pas loin et moi je ne me revendiquais pas du tout chanson donc sur le disque, ça a été un vrai défi d’essayer de garder un son
LFB : Ça revient à ce qu’on disait. Le côté aride et sec de la folk pousse à la simplicité des mots et à aller droit au but.
Lonny : Pour moi quand je pense folk, la musique est aussi forte que le texte. Donc ça résonne plus dans une sorte de simplicité avec un texte qui se fond dans la musique, qui soit au service de la musique et inversement. Qu’il n’y a pas de hiérarchie alors que dans la chanson de manière implicite, le texte est parfois un peu au dessus.
LFB : Mais c’est aussi la force de tes premiers titres. La ligne mélodique est suffisamment discrète pour mettre en avant les mots et en même temps la musicalité de ta voix met en avant la mélodie, ce qui crée un véritable équilibre. Et je me demandais comment tu le travaillais.
Lonny : Déjà merci. Je pense que dans le processus que j’ai pour le français, qui n’est pas du tout le même que pour l’anglais, je m’impose une sorte de sobriété.
Si je suis totalement honnête, je te dirais que ça vient un peu d’une peur de tomber dans un syndrome « star ac », le truc un peu comédie musicale et trop exubérant dans la voix.
Je pense que c’est assez névrotique mon truc (rires). Ma voix chantée en français, je la force à ne pas aller vers des intonations… je fais descendre ma voix d’un cran.
D’une certaine manière, je pense que j’ai cherché à la desérotiser beaucoup comme si je voulais absolument être entendue en tant qu’humaine et pas comme quelque chose de genré et de défini.
J’ai un rapport à ça qui est encore en travail, et ça pourrait être intéressant de faire l’inverse. Je voulais essayer de chanter le plus simplement possible ce que j’ai à dire.
LFB : Et quand on a un bagage technique qui est assez important, comment on désapprend tout ça ? Comment on s’éloigne du technique pour se concentrer sur les émotions ?
Lonny : Je pense qu’il faut faire une école de musique et être traumatisée par ça (rires). Plus sérieusement, c’est quelque chose que j’ai beaucoup déconstruit intellectuellement.
J’ai réalisé que les gens qui me touchent ne sont pas forcément ceux qui savent le mieux faire de la musique. Je suis assez touchée par l’art brut de manière générale. J’ai découvert des gens comme Daniel Johnston, des gens qui ne savaient pas forcément ce qu’ils faisaient et qui allaient complètement à l’instinct. Mon écoute va beaucoup vers ces gens-là.
Je suis une immense fan de Cohen qui n’a pas du tout le même parcours que moi. Il s’est mis à la guitare à 40 ans.
Ça c’est pour le côté intellectuel, pour le reste c’est venu avec le corps, avec la thérapie, le yoga beaucoup. Le fait de décomposer le geste… En yoga il y a des gestes extrêmement simples, tu vas faire le minimum et c’est là que les choses vont bouger dans ton corps où tu vas t’axer.
J’ai rencontré une prof de chant géniale qui m’a fait revenir à quelque chose de brut. Honnêtement, j’ai passé un an à faire des cris d’orang-outang (rires). Des cris hypers forts qui peuvent provoquer beaucoup d’inhibitions pour travailler à la fois sur la pudeur et en même temps déconstruire le chant et la technique afin de revenir à l’idée que si tu sais parler, tu sais chanter.
Et plus j’en parle, plus je réalise que cette idée de simplicité est assez axée chez moi et que c’est là dedans que se trouvent beaucoup de trésors.
Je n’ai pas voulu me séparer de la technique mais j’ai voulu toucher une forme de vérité chez moi et il a fallu que je me préoccupe moins d’avoir 20/20. C’est tout simple.
LFB : Je voudrais parler des thématiques de tes chansons. J’ai repéré des idées qui reviennent mais tout d’abord je voulais te demander : Comment on fait pour réinventer et s’approprier une chanson d’amour triste ?
Lonny : Oula … Je l’ai pas fait dans ce sens là. J’ai placé l’écriture dans une autre dimension. J’ai réalisé l’importance de mettre des mots sur un chagrin, qui n’est pas forcément quelque chose d’amour. Si je ne mettais pas de mots, j’aurais tourné en boucle et la guérison passait par le fait de verbaliser cette peine.
Si on se centre sur Avril Exil, ce qui se jouait chez moi était très fort et très défini, je voulais mettre des mots sur cette sensation très précise qui est celle de se déserter soi même. C’est un chagrin de corps en fait. Ce n’est pas une chanson qui dit « reviens » mais une sorte d’état des lieux de ce qui se passe en ce moment. Quelque chose de très centré sur moi.
LFB : C’est plus un retour vers soi même qu’un retour vers l’autre.
Lonny : C’est ça. L’autre on s’en fout presque, il est plus là. D’ailleurs je ne suis pas sur de pouvoir faire une chanson avec une adresse, une fonction presque shamanique qui aurait pour but de faire revenir l’autre.
Au fond , c’est quelque chose de vraiment thérapeutique, de se rappeler ces sentiments et aussi la douleur pour y retourner de moins en moins à cet endroit là, si ce n’est plus jamais (rires).
Une sorte de tentative de réconciliation surtout.
LFB : Ce que j’ai remarqué dans ces premiers titres, c’est une surabondance du vocabulaire aqueux et de l’idée de l’eau qui revient beaucoup sur les deux premiers titres.
Lonny : Oui (rires). C’est drôle que tu dises ça parce que quand j’ai envoyé les textes au graphiste pour l’album, je me suis dit que j’étais vraiment obsédée par ce truc de l’eau alors que je suis pas spécialement une meuf aquatique.
Alors, (réfléchit) comment je dis ça sans partir dans quelque chose de trop freudien ? Je pense que c’est assez simple de voir le côté phonème. Le rapport de la mère et de l’enfant. La mère en tant qu’entité surtout. Je pense que ça compte énormément.
La mer, en tant qu’élément terrestre, me rend très mélancolique et j’ai tendance à éviter ce paysage là car ça peut me faire vraiment déprimer. Et en même temps il y a un côté assez obsédant.
Je croyais beaucoup aux sirènes petites quand j’étais petite et j’imaginais un monde absolument dingue la dessous auquel j’ai pas accès.
J’ai pas vraiment analysé ce truc là chez moi, il y a cette notion de courant, de fluide beaucoup, de transformation permanente… ça me fascine un peu et en même temps j’y vois une forme de grand danger.
Je spoile un peu, mais je continue à parler de l’eau tout au long de l’album, tu vas la retrouver (rires).
LFB : L’autre chose c’est l’importance de la temporalité et des saisons qui jouent une sorte de personnages à part entière dans ta musique.
Lonny : Je suis personnellement très influencée par les saisons. Je ne suis presque pas la même personne l’été ou l’hiver. J’ai une préférence pour l’hiver, que je trouve absolument dingue.
Toujours dans cette idée que tout se transforme, les saisons empêchent et permettent beaucoup de choses, avec une idée de guérison qui est toujours là.
La guérison, au sens très large, m’obsède aussi pas mal.
Il y a un bouquin qui m’a beaucoup plu pendant que j’écrivais le disque c’est Rupture(s) de Claire Marin.
C’est une sorte de livre d’anti-développement personnel. Elle prend le parti de dire que la rupture te transforme, elle ne te fait pas aller mieux ni moins bien. C’est une sorte d’essai philosophique sur la rupture qui dit que rien ne reste comme il est et que la rupture façonne une nouvelle personne à chaque fois.
Et d’une certaine manière dans le disque, j’ai fait le tour de chaque petite rupture que j’avais vécu et de ce que ça avait transformé et de ce que les saisons avaient amené.
J’ai une espèce de superstition, où je me dis qu’on peut se servir du chaud et du froid, que chaque saison apporte quelque chose.
LFB : Ce que j’ai vu comme troisième thématique dans les titres, c’est la solitude choisie pour enclencher la reconquête de soi .
Lonny : Bravo, c’est précisément ça. Ce qui amène aussi la notion de rupture. Je crois qu’il y a une conviction chez moi, qui est parfois très contradictoire avec le reste de la société, où j’ai cette conviction que pour avancer, il faut réaliser que tu es seul au monde.
Et embraser cette espèce de solitude m’a permis d’enclencher la création de chanson.
Il y a un endroit chez moi qui est seul et qui ne peut qu’être seul et c’est un endroit qui est à préserver car à partir du moment où je vais y mettre autre chose, ça va m’affaiblir.
Cette solitude choisie n’est pas forcément physique, elle peut être intérieure, mais pour moi elle va de paire avec un alignement.
Et j’en fais une conviction, presque une revendication, que je développe de manière artistique tout en essayant d’adoucir cette notion pour ne pas tomber dans l’aigreur parce que pour moi c’est beaucoup plus doux et beaucoup plus grand que ça.
LFB : L’idée c’est qu’avant de vivre avec les autres, il faut savoir vivre avec soi même.
Lonny : Exactement. D’arriver à s’aimer soi. Tu peux aimer cette partie là, on est pas obligée de la laisser comme un vieux chat de la SPA… et à partir de ce moment s’autoriser à s’ouvrir et à construire.
LFB : Avec ces thématiques, est ce que toi ça t’intéresse de mettre une sorte d’écho dans tes chansons où elles se répondront l’une, l’autre ?
Lonny : Comme un message secret tu veux dire ? Oui ça m’amuse. Il y a une espèce de petit code avec ça. Il y a des messages un peu plus personnels où des personnes de ma vie pourraient se reconnaître. Je pose ça là, un peu comme la carte secrète de Poudlard dans Harry Potter (rires).
De manière un peu naïve je dirais que c’est un peu un langage du cœur, il faut avoir envie d’ouvrir son cœur à ça.
Voilà pour la petite phrase Disney (rires).
LFB : J’avais une question un peu étrange, mais qui me semble pour moi logique, sur le choix de la date de lancement du projet. Tu as sorti les deux titres en septembre et décembre et je me demandais si c’était voulu de dévoiler le projet dans des saisons où à la fois rien ne se passe et tout change ?
Lonny : Écoute oui et non. De toute façon tout a été bouleversé par le COVID. À la base Incandescente devait sortir en juillet. En fait je voulais brouiller les pistes avec un clip qui se passe en été, un visuel hivernal et une sortie en automne … Il y a un peu une volonté un peu punk derrière ça.
Mais je voulais que mon album sorte en hiver au départ, car pour moi c’est un album d’hiver avec un truc intérieur qui est provoqué par cette saison.
Désormais je pense qu’il sortira quand il devra sortir mais je suis très patiente avec tout ça. C’est un premier disque avec tout ce que j’ai sur le cœur depuis l’enfance donc il n’y a pas vraiment d’urgence de mon côté.
LFB : Ton nom de scène est un peu un clin d’œil à cette idée de solitude. Pourtant je trouve que ta musique et ce qui l’entoure est portée par une force collective. Et je me demandais si ta musique t’avais aidé à te connecter aux autres ? À trouver un ancrage dans ta vie ?
Lonny : C’est marrant que tu parles de ça. De manière très personnelle, tout ce que je raconte sur la solitude c’est pour être dans la terre et pour être ancré, sinon je suis trop lunaire.
Mon rapport à la musique a longtemps été très éthérique et la musique a souvent eu une place de divagation, une chose qui me coupait des autres, où je me retrouvais avec moi même.
Et effectivement là où faire de la musique c’est différent d’en écouter c’est qu’en faire c’est forcément un lien à l’autre.
Lorsque j’ai découvert que c’était ce que je mettais dans ma musique, ce qui m’animait, ça m’a permis de me définir un petit peu plus, j’étais un petit peu plus consciente un petit peu de qui j’étais. Même si c’est une question qui revient tous les jours, ça a créé une constante qui m’a permis de me connecter à l’autre.
Il y a Leonard Cohen qui a cette phrase sublime dans Waiting For A Miracle : « Let’s Be Alone Together ». Pour moi c’est la plus belle phrase du monde, l’idée d’être seul ensemble.
Et les petits retours que j’ai eu sur Incandescente, j’ai trouvé ça génial car j’ai réalisé que la chanson allait là où elle devait aller. Et ça a créé ces ponts entre moi et l’autre et entre l’autre et l’autre.
LFB : Pour rester dans cette idée de relation, j’aimerais bien te faire parler de deux personnes qui ont l’air assez importante dans Lonny et qui apportent beaucoup au projet : Shanti Masud et Jesse Mac Cormack. Est ce que tu peux me parler de ces relations ?
Lonny : C’est drôle parce que d’une certaine manière, ils se ressemblent un peu.
Jesse et Shanti, ils ont un peu la même fonction : déjà leur nom finit en i et il faut le noter (rires). Je vais m’arrêter là, ça va être ma réponse à la question/. (rires)
Plus sérieusement, ce sont tous les deux des personnes assez telluriques, assez ancrées et qui ne parlent pas trop.
Ce ne sont pas des personnes avec qui je vais parler des heures, à déconstruire des idées, parler de la solitude … Quand je suis arrivé en studio avec Jesse, j’étais très impressionné, pour moi c’était une star, et il y avait une chaise et un studio et il m’a dit « assieds toi, vas y joue ».
Moi j’avais une idée très française où je nous imaginais boire 18 cafés fumer des clopes et parler des heures de l’album, du concept … En fait c’était l’inverse, il n’y a pas eu de discussions, on a joué tout de suite.
Shanti c’était un peu pareil, le clip était vaguement écrit… Shanti, c’est vraiment la définition du Lo-Fi et c’est pour ça qu’elle est merveilleuse, c’est que de la débrouille, une personne vraiment instinctive… C’est comme Jesse, de l’instinct qui passe par autre chose que les mots, qui transcende un peu l’intellectuel et qui choppe directement la bonne chose.
Shanti c’est vraiment ça, elle prend la caméra et elle attrape ce qu’il y a sur le moment.
C’est très folk comme manière de faire, on choppe l’instant, la saison, la lumière qui passe… Un peu comme moi quand je fais de la musique où je me demande qu’elle est l’énergie du jour, sans trop chercher la technique.
J’ai donc cette proximité étrange avec eux, pas une proximité de verbe mais d’instinct. Bien sûr que je les ai choisi parce que j’ai vu leur travaux avant. Shanti elle ne fait pas des clips, elle fait des films, il y a toujours cette notion d’acting et elle fait de la place à des choses qui n’ont pas forcément pas leur place ailleurs. Elle aime chopper des choses un peu candides et vulnérables à une époque où on est plus dans l’idée de la sur-femme.
Et c’est une discussion qu’on a eu pour le coup, de montrer autre chose que ce côté « grande guerrière amazone ».
Même si c’est évidemment une notion à cultiver, je pense qu’il y a d’autres choses à trouver.
Et pour moi assumer la vulnérabilité c’est carrément un chemin vers la force et Shanti permet ça dans ses films. L’idée de femme pas forcément fragile mais complète qui mêle les deux.
Et ce qui est chouette dans Avril Exil c’est qu’on a mis les deux dans les personnages.
Entre le personnage de cowgirl, un peu qui est en réalité rétamée, et Cassandre qui pourrait être le personnage plus vulnérable et qui est finalement celle qui est ancrée, qui danse et qui a la connexion.
LFB : Finalement toutes tes thématiques ressortent dans le clip, cette idée de western en bord de mer.
Lonny : Shanti a clairement choppé ce truc là. Sans forcément analyser, elle entend la surprésence de la mer et ça ressort dans les vidéos. Je ne sais pas si elle le dirait comme ça mais elle le voit et elle l’intègre. Et c’est sans doute pour ça qu’on est raccord.
Au même titre que Jesse était dans cette idée de permission de vulnérabilité. Sur beaucoup de morceaux, il me disait de jouer comme je savais, sans forcément recaler, sans mettre de métronome… Il y a zéro auto-tune sur l’album donc il y a des petites faussetés dans la voix, cette volonté de laisser passer l’émotion.
Et chez les deux il y a cette acceptation de la vulnérabilité qui me sécurisent beaucoup.
LFB : J’ai deux questions un peu basique pour finir. Qu’est ce qu’on peut te souhaiter pour 2021 ?
Lonny : Euh … (rires). De la force et du courage, dans le sens lumineux du terme. Si tu peux me souhaiter ça, c’est cool. (rires)
LFB : Est-ce que tu as des coups de coeur récents à partager avec nous ?
Lonny : J’ai lu un livre formidable qui s’appelle La nuit, j’écrirai des soleils, sur la résilience et l’écriture, par Boris Cyrulnik.
Je conseille aussi le manifeste pour l’écologie d’Aurilien Baraud qui est merveilleux.
Flora Hibberd qui a sorti un EP sublime, le nouveau McCartney que j’ai survolé et qui a l’air assez énorme. J’ai redécouvert Olympia de Anne Sylvestre.
Dans mes énormes coups de cœur il y a aussi Cabane, l’album et les remake series, et aussi Blumi qui m’a envoyé son EP à venir qui est fou.
Si je devais faire un bilan, il y a deux albums qui ont défini pour moi l’année 2020 : l’album de Laura Marling, Song For Our Daughter, et l’album Songs and instrumentals de Adrienne Lenker. Je pense que je ne pourrais pas départager ces deux disques, c’est 20/20.
Pour finir, je dirais qu’il faut remplacer Spotify par Qobuz !
Je trouve que Qobuz c’est une application super car il n’y a pas d’algorithme et ça ne t’analyse pas. Surtout il n’y a pas écrit le nombre d’écoute donc ça ne biaise pas les choses et pour moi c’est de l’or.