Hash24 : « Cela n’aurait pas été pareil si je n’avais pas rencontré Sheldon »

Membre de la 75ème Session et surtout animé par la passion du rap, Hash24 est venu faire un petit point sur sa carrière dans et en dehors du rap à l’occasion de la sortie de son nouveau projet, Le poids de mon âme.

Antonin Nkruma

LFB : Comment te sens-tu avant la sortie du projet ?

Hash24 : Super bien, je n’ai pas vraiment d’attente au final. Je le fais avec le coeur et parce que j’en avais besoin. J’adore faire de la musique et surtout des projets. J’espère que les gens vont kiffer, c’est vraiment la seule attente que j’ai.

LFB : On va revenir un peu sur ton parcours, tu as évolué au sein de la 75ème Session. C’était important pour toi de te développer au sein d’un collectif ?

Hash24 : Ouais, je pense que cela m’a permis d’être beaucoup plus professionnel dans ma manière de faire. A partir du moment où on est tous différent dans notre manière de travailler cela m’a permis de trouver un axe entre ce qu’il faut faire et ne pas faire.
J’ai essayé d’aspirer toutes les énergies des gars du collectif pour les appliquer sur moi-même et réussir à trouver l’équilibre parfait, même si il y n’y a rien de parfait.


Moi, aujourd’hui j’ai vraiment l’impression d’avoir suivi des étapes nécessaires à une bonne mise en marche du projet.
On est dans un délire indépendant, dans le sens ou dès qu’on produit quelque chose on va assez vite le balancer. Le fait d’avoir des gens autour de moi qui me disent de prendre mon temps. Etre pertinent, travailler tels morceaux, le visuel, la pochette c’est cela qui m’a rendu plus fort. Cela se ressent sur ce que je propose aujourd’hui.

Cela n’aurait pas été pareil si je n’avais pas rencontré Sheldon, je n’aurais pas du tout la même perception de la musique, la même vision et créativité qu’aujourd’hui.

LFB : Justement, en parlant de Sheldon, j’ai l’impression qu’il a une grande part dans tous les projets de la 75ème Session. Qu’est ce qu’il apporte au collectif ?

Hash24 : Pour moi c’est différent, Sheldon je l’ai rencontré il n’était pas encore dans une dynamique de studio, de développement artistique. Sheldon ne m’a pas rencontré et ne m’a pas façonné. Il ne m’a pas dit ce que je devais faire. On a fait chacun de notre côté ce qu’on voulait faire et Sheldon a agrippé le truc en me donnant des conseils, sans pour autant me diriger artistiquement. Par contre, il est certain qu’il a été une arme des plus importantes dans ma musique.

Sheldon, c’est le garçon qui va te pousser dans tes derniers retranchements et qui ne va pas hésiter à dire ce qui pour lui est à garder ou à changer.
Je ne sais pas ce que cela aurait donné si je n’avais pas rencontré Sheldon. Il a été le premier garçon quand j’étais à Paris à me pousser dans mes derniers retranchements. Même la trap, c’est lui qui m’a montré comment en faire, pareil pour les instrumentales, l’enregistrement. Je dois tout à Sheldon dans le sens où c’est mon ami et qu’il n’a pas peur de dire ce qui est bien ou moins bien.

LFB : La 75ème session est un collectif qui marque beaucoup d’auditeurs, comment tu l’expliquerais ?

Hash24 : Cela fait plaisir et c’est partagé. On est des mecs comme tout le monde, on n’est pas dans une dynamique de step-up, où on se considère comme des artistes qui ne se mélange pas avec les auditeurs. Je pense que c’est aussi cela la force, il n’y a pas de voile entre les auditeurs et les artistes. On est tous dans une dynamique rap et c’est cela qui fait aussi notre nature humaine. C’est super important pour nous, c’est ce qui régit notre musique.

Les auditeurs sont une essence à notre musique. Tant que cela existe, nous on peut exister. Si on met un voile entre la 75ème Session et les auditeurs il n’y aura plus cette énergie humaine.

LFB : On va parler de ta musique maintenant, je trouve qu’elle fait bien le pont entre « ancienne » et « nouvelle génération » de rap. Cela t’as pris du temps pour mélanger à ta manière ces deux facettes du rap ?

Hash24 : Sincèrement, je ne me rends pas trop compte de la diversité que je peux avoir dans ma musique. Chaque fois que j’enregistre un morceau, c’est mon émotion du moment. Si je suis triste et nostalgique je vais vouloir faire du boom-bap triste. Quand je suis excité et dans un esprit novateur, je vais tenter de nouvelles choses. Ou alors, si je sens que j’ai besoin d’insérer un peu de soleil à ma musique, je vais essayer de faire quelque chose d’un peu zumba.
Je pense que ma musique reflète mon état d’âme sur le moment. Vu qu’on a des états d’âmes différents chaque jour c’est peut-être ça qui a provoqué la diversité.

Je suis quelqu’un qui travaille beaucoup la musique, que cela soit en studio, dans le tram, le métro, avant de dormir. J’ai toujours mon esprit qui est focalisé sur de la musique. Peut-être qu’à force de faire et d’avoir traversé les générations cela donne un peu un rappeur hybride. Ce qui veut dire que je peux aussi bien faire du boom-bap que de la trap ou de la drill ou encore de la zumba. Peu importe ce qu’on fait comme musique, c’est un reflet de nos états d’âmes.

Moi en tout cas c’est ça ma vision, je ne me sens pas comme un mec de l’ancienne ou de la nouvelle génération. Je me sens comme un mec qui vit la musique au jour le jour et selon les états d’âmes du moment.

LFB : En dehors du rap, j’ai pu voir que tu avais travaillé avec des enfants autour de cette culture. C’est important pour toi de faire le pont avec les générations futures ?

Hash24 : C’est super important pour moi parce qu’avant de trouver le rap, avant d’avoir un amour pour la musique, j’avais un amour pour l’art en lui-même.
Donc je ne sais pas pourquoi mais j’ai toujours eu l’esprit attiré par ça.
J’ai grandi dans une cité où on nous a étiqueté comme des gars de cités avec aucune ouverture d’esprit sur l’art.

Moi, j’ai une famille où il y a cinq grandes soeurs et un grand frère. Du coup, elles sont nées dans les années 80, mon frère fin de cette décennie.
Je pense qu’avoir des repères qui ont traversé les années m’a permis d’aller chercher plusieurs panels artistiques. Ma mère est passionnée d’arts, que cela soit les visites de châteaux, le palais de la découverte, toutes ces choses là. J’ai l’impression que cela a joué sur moi, j’ai tout de suite été rêveur.

Depuis jeune, j’ai été dans des dynamiques de réflexion autres que le rap et la cité. Etant donné que je le vis chaque jour, c’est mon essence et j’ai envie de la mélanger avec d’autres choses.
D’ailleurs, le fait de travailler avec des enfants, chose que je fais toujours, quand il y en a qui chantent Koba La D, Gims ou Soprano, je leur dit que j’adore ces artistes.
J’explique aussi que des artistes comme Rousseau ou Baudelaire c’est autant des artistes et des gars qui font de la multi-syllabiques.
Je pense que c’est intéressant de voir au-delà du rap. Donc c’est pour cela que je suis parti dans un délire où je mélange les poèmes avec des instrumentales rap.

Du coup, eux ils ont compris que c’est de l’art en fait et que l’art n’a pas de frontières. Si tu kiffes le piano, tu peux aimer le clavecin. C’est ça ma vision.

LFB : Justement, pour toi à quel point le rap a marqué ta vie ?

Hash24 : Le rap il a marqué ma vie à partir du moment où j’ai commencé à rencontrer des personnes que j’ai vu évoluer. Par exemple j’ai rencontré des mecs quand j’avais 17 ans qui ne savaient pas du tout aligner deux phrases. Dix ans après, c’est devenu des artistes que la métropole entière écoute. Je pense à Sopico notamment, mon premier projet avec lui on était deux rappeurs parisiens parmi tous ceux qui existaient. Aujourd’hui sa musique elle est écoutée partout en France et même ailleurs et c’est une fierté pour moi. C’est ce qui me rappelle que la musique m’a sauvé la vie parce que j’étais un simple rappeur rêveur. Maintenant j’ai la chance de divulguer des messages de paix et de sincérité à travers un micro.

Aussi, j’ai compris que c’était un truc de ouf quand j’ai plus eu besoin d’écrire mes textes. Parfois je vais en cabine et j’ai plus besoin de réfléchir, je balance tout de suite. Il n’y a pas d’intermédiaires entre mon cerveau et l’ordinateur. C’est là que je me suis rendu compte que le rap avait changé ma vie, c’est un truc de ouf, tout simplement.

Morad Tozzali

LFB : Sur le projet, il y a un featuring avec Quesse, un rappeur américain. Comment elle t’es venue cette idée de collaborer avec un artiste international ?

Hash24 : En fait, quand tu regardes la mixtape, Le poids de mon âme a été totalement produit par deux beatmakers que j’ai rencontré. Ces gars là en parallèle, ils bossent sur des tapes où ils invitent des rappeurs américains pas trop connu.
Ils ont contactés Quesse qui a répondu à l’appel et puis moi quand j’ai écouté les morceaux, j’ai particulièrement aimé le sien. Du coup, je leur ai demandé s’ils pouvaient pas me brancher avec lui pour que je l’invite sur ma mixtape. Ils nous ont branchés, on parlait sur Instagram, c’est devenu mon reuf.


On a fait deux morceaux et j’ai gardé celui-là pour la tape et l’autre on l’a gardé pour un projet à lui qui va sortir courant 2022.
Je suis hyper-content d’avoir fait le premier pas et de l’avoir invité. En plus, c’est un peu particulier les rencontres franco-américaines. C’est toujours un peu bizarre et là pour le coup je trouve qu’on a vraiment trouvé le meilleur équilibre, le morceau fonctionne plutôt bien.

LFB : On retrouve également Georgio sur le projet, qu’est ce que cela te fait de toujours rapper avec les mêmes gars et de les voir évoluer ?

Hash24 : Avec Georgio, ça va plus loin. Je l’ai découvert quand j’étais à la fac, je me levais le matin j’écoutais Mon Prisme. Je l’avais jamais rencontré avant et aujourd’hui après dix ans de loyale fraternité avec lui, je l’ai invité sur mon projet. Cela me fait vraiment quelque chose parce que j’étais fan avant de le rencontrer. En le rencontrant c’est devenu mon frère et là, aujourd’hui je fais un morceau avec lui.
Pour moi, c’est vraiment un aboutissement.

Cela aurait été pareil si j’avais invité un Doum’s ou un Deen Burbigo, même Nekfeu parce que je les ai tous rencontrés le même jour. J’ai eu la chance de faire un morceau avec 2Zer, Puff Puff, il y a cinq ans de cela maintenant. Là, l’aboutissement final c’est de réussir à clôturer la boucle avec Georgio. Comme je t’ai dit, j’étais fan de sa musique avant de le rencontrer. Je suis super fier d’en arriver là, la boucle est bouclée, elle ne pouvait pas mieux l’être

LFB : Le projet est composé de beaucoup de questionnements sur tout ce qui t’entoure. T’es quelqu’un qui réfléchit beaucoup ?

Hash24 : J’ai l’impression que la musique m’aide à me demander ce que je peux changer en moi pour être un meilleur humain. Mais, cela passe aussi par des questionnements, des doutes et des erreurs.
J’ai essayé de retranscrire tout cela en musique dans Le poids de mon âme. Je me disais que certes je n’étais pas le meilleur des êtres humains mais je ne suis pas le pire non plus.
Alors oui, il y a surement des choses qu’on peut travailler mais j’ai voulu apporter une manière brute de montrer à mes auditeurs qui est Hash24.

Cela m’a aussi permis de m’ouvrir sur la musicalité, j’ai été outre le boom-bap, outre la trap.
Concrètement, j’ai vraiment essayé de mélanger le chant, des moments où je parle un peu plus, des moments où c’est plus dynamiques, d’autres où c’est plus calme.


C’est aussi des souvenirs, beaucoup de choses que je regrette.
Par exemple, il y a un morceau qui s’appelle Terrain qui rappelle une époque où je n’avais pas beaucoup d’argent.
Malgré ma volonté de devenir un être humain meilleur, je ne pouvais pas m’empêcher d’aller vendre mon bédo.
Récupérer une cinquantaine d’euros pour réussir à faire la journée et même si je ne le voulais pas, j’étais obligé.
J’avais l’obligation de parler de ces craintes là, même trois ans après avoir arrêté toute activité illicite. C’était une manière pour moi de faire le deuil sur une période un peu sombre de ma vie.
Je suis fier d’en être sorti grâce à la musique. Comme je te le disais, la musique a sauvé ma vie.

LFB : Tu viens de me dire que tu t’étais ouvert à la mélodie, c’était une volonté de montrer tout ce que tu savais faire ?

Hash24 : Je pense que oui, je ne me suis donné aucune limite sur le projet. Je ne me suis pas dit que je gérais à fond le boom-bap donc que j’allais faire que ça. Je me suis dit qu’il n’y avait aucune règle, j’allais en studio, je faisais mes chansons. J’ai retenu celles qui pour moi étaient les plus significatives du plaisir.

Là je suis avec Chanje, un artiste que j’aime beaucoup, à la fois pour son naturel et pour sa musique. Je suis souvent avec lui et on en est arrivé à parler de ça.
Une fois il m’a demandé si j’avais des attentes particulières. Je lui ai dit que franchement, la seule attente que j’avais, c’est de dire qu’aujourd’hui si j’écoute de la musique c’est parce que j’en ai besoin. Donc, j’espère que mon projet va faire le même effet aux auditeurs. J’espère que les gens écouteront ma musique non pas parce que j’ai été bombardé de promo mais parce que la musique est clairement dans un délire de besoin.


Par exemple, moi je suis fan d’un morceau de Mariah Carey, quand je l’écoute, je revois mes soeurs qui ont 16-17 ans en train de danser dans le salon. Cela me donne de l’émotion. Pourtant c’est une chanson de meufs.
Il y a aussi La Lambada, quand je l’écoute j’ai de l’émotion, de la nostalgie. Cela me fait du bien de les écouter.

LFB : C’est cela que t’as aussi voulu retranscrire dans le projet ?

Hash24 : Totalement !

LFB : As-tu hâte du coup, d’avoir les retour des auditeurs ?

Hash24 : Je suis déjà en train de travailler mon album là. Comme je l’ai dit dans une autre interview, les avis qu’ils soient positifs ou négatifs tant qu’ils m’aident à avancer je les prendrais toujours avec respect.
Par exemple des mecs qui vont m’écrire des commentaires pas constructifs, j’en prends pas compte. Au même titre que les gens qui me félicitent sans écouter ma musique, cela ne va pas m’aider.
Je préfère un avis négatif qui me fait avancer, plutôt qu’un avis positif qui me permet juste de me convaincre que ce que je fais c’est bien.

LFB : Que peut-on te souhaiter pour la suite ?

Hash24 : D’être toujours aussi motivé, déterminé, de continuer à aimer ce que je fais et de ne jamais lâcher. J’espère que les gens feront en sorte que je lâcherais jamais.
Tu ne m’entendras jamais me vanter de quoi que ce soit. Sincèrement, tout ce que je peux souhaiter aux gens c’est de faire ce qu’ils kiffent. Surtout de continuer à le faire si cela les rend heureux. Je me souhaite juste la même chose.