Les clips de la semaine #76 – Partie 1

La musique ça s’écoute, mais parfois ça se regarde aussi. Chaque semaine, La Face B vous sélectionne les clips qui ont à la fois fait vibrer ses yeux et trembler ses oreilles. Bienvenue dans notre première partie de la soixante seizième édition des clips de la semaine.


black midi – John L

Après le premier album Schagenheim très remarqué en 2019, le groupe londonien revient en force en annonçant la sortie de son deuxième album Cavalcade, le 28 mai prochain avec en prime le premier single très expérimental John L. Adepte de brouille les pistes, black midi multiplie les styles allant de la prog, au jazz au post-punk tout en jouant sur leur dissonance.

De nouveaux instruments viennent en plus apporter cette confusion de genres et élargir leur champ musical : le saxophone et le violon. Décousues, riches et intrigantes, les compositions musicales du groupe ne sont pas faciles d’accès et pourtant, elles ne laissent pas indifférentes par cette tension nerveuse en continu. Sur John L., les riffs de guitare se font pressantes et stridentes pendant que les coups de batteries annoncent le déluge. Le groupe casse à plusieurs reprises ses pulsions, laissant un silence de quelques secondes entrecoupées de violons inquiétants, pour relancer plus forts et angoissants, à la manière de King Crimson.

La maitrise est implacable. Le clip qui lui est associé est un chef d’œuvre décalé, proposé dans un cadre de tableau dynamique et menée par la chorégraphe Nina McNeely. Ici, une troupe danse sous les ordres d’un monolithe orné d’un œil. Cet édifice terrifiant nous fait penser à cet Œil de la providence qui fait la pluie et le beau temps de ses soumis. À la fin du clip, cet être se révèle être un bébé en couche-culotte qui rayonne tel un Télétubby sur son peuple. Certainement la vidéo la plus réussie de la semaine, assurément John L. est une réussite révolutionnaire rock menée par black midi.

Matt Sweeney & Bonnie Prince Billy – My Blue Suit

Matt Sweeney et Bonnie “Prince” Billy nous présentent cette semaine My Blue Suit, un morceau folk profond et affûté, à la guitare acoustique, celle de Matt Sweeney et au chant, avec la voix intense et sur la corde de Bonnie “Prince” Billy. Les paroles parlent d’un mystérieux costume bleu, celui que l’on porte pour devenir quelqu’un d’autre, quelqu’un de plus fort avec lequel on accomplit de grandes choses : “You look better in my blue suit than I do / Now you’re shaking / now exploding / Make Yours and mine united fight / We combine then, all our efforts / Emanating bursts of light” (“Ce costume bleu te va mieux qu’à moi /  Maintenant tu trembles / Maintenant tu exploses / Fais du tien et du mien un même combat / On combine alors, tous nos efforts / émanant des éclats de lumière”).

La vidéo qui accompagne le morceau, réalisée par Geoff McFetridge, montre des portraits presque grandeur nature réalisés à l’acrylique sur papier des deux musiciens et d’autres caractères exposés dans différents espaces, intérieurs et extérieurs. My Blue Suit est le troisième single Matt Sweeney et Bonnie “Prince” Billy. Le titre figurera sur le second album des deux musiciens ensemble plus de 15 ans après leur premier (Superwolf (2005)). Celui-ci s’intitulera Superwolves et sortira en digital le 30 avril prochain et en physique le 18 juin.

Ben Howard – Sorry Kid 

Son nouvel album Collections From The Whiteout fraichement sorti, Ben Howard continue sur sa lancée et en profite pour dévoiler le clip de Sorry Kid dans la foulée.

Réalisé par Thibaut Grevet sur une idée originale du Tango de Zbigniew Rybczynski, ce clip où 1000 vies différentes sont vécues et se croisent dans le même appartement vient brillamment accompagner ce nouveau single. Inspiré par l’histoire d’Anna Sorokin, la protagoniste d’une sombre histoire de magouilles aux implications internationales, Sorry Kid capture parfaitement l’ambiance de ce nouveau disque tant attendu et met en valeur les sonorités feutrées de sa voix. Ben Howard tape encore une fois dans le mille, et il nous avait sacrément manqué. 

Gojira – Amazonia

On le savait déjà, Gojira est un groupe engagé, et il semble que ce dernier album repousse encore plus loin leur désir de changer le monde. Après avoir conté l’apocalypse puis prôné le détachement matériel, les voilà en guerriers de l’Amazonie. Amazonia est à la fois un superbe hommage au tributs autochtones de la forêt, et une mise en garde puissante contre les ravages qu’on lui inflige.

Régulièrement, les flammes viennent taillader la forêt lui laissant des cicatrices irréparables. Poumon de la Terre, n’oublions pas qu’elle est aussi la maison de peuples qui assistent impuissants à sa disparition. Musicalement, Gojira rend aussi hommage à leur culture notamment grâce à l’utilisation d’instruments traditionnels tels que le didjeridoo. En toute simplicité, ça percute dans les oreilles. Un titre qui est aussi l’occasion pour le groupe de s’engager concrètement avec le don des recettes du morceau ainsi qu’une récolte de fonds pour l’ONG Apib qui viennent en aides au autochtones en Amazonie. Via la plateforme de campagnes caritatives Propeller, le quatuor
mettra aussi en vente certains de leurs instruments.

Si vous avez fait des économies avec la fermeture des bars, c’est le moment de faire un bon investissement pour une magnifique cause !

L’Ambulancier – Monogame

Vous avez sans aucun doute assisté à l’un de ses lives plein de sueur et de rock qui tâche au Supersonic. Leader du groupe de reprises Les Reines du Baal, et après 10 ans à la tête de So Was The Sun, Palem Candiller se lance à toutes sirènes dans son projet solo. Signé sur le label Tadam Records, L’Ambulancier est un EP dans la pure tradition du rock français, avec en plus des synthés qui tabassent et des sujets ultras actuels. À bord de son ambulance vintage, on suit L’Ambulancier dans les rues noires parisiennes.

À l’aide de sa caméscope il se met à espionner une jeune femme et en particulier ses amants… Pris d’une rage terrible, il se met à la poursuite du visiteur nocturne, l’assomme puis l’embarque sur sa visière pour s’en occuper avec soin dans une forêt sinistre… Désillusion sur le poly-amour, c’est l’occasion pour Palem de pousser la voix afin de crier sa détresse, et se bastonner comme un punk refoulé. Une vraie urgence de s’exprimer…

Rounhaa – Orion

Clôture de son dernier projet, ce morceau termine à merveille les différentes facettes démontrées par le rappeur suisse tout au long de l’album. Dans ce morceau, il commence d’ailleurs par nous expliquer pourquoi le projet se nomme Horion, qui est la signification d’un coup violent, alors que quand on enlève le H, cela donne Orion qui est une constellation. Une ambiance spatiale se retrouve dans le morceau mais également dans le visuel de Exit Void

Pour illustrer ce morceau, le rappeur est parti dans une ride nocturne à travers les rues de sa ville. Filmé à la première personne, le spectateur est immergé aux côtés de l’artiste et prend part directement à ce périple. Des mouvements de têtes en rythme avec la musique aux regards jetés par la fenêtre, tout est mis en place pour ancrer encore plus cette immersion. Alors que cette balade se déroulait en toute tranquillité, la voiture se fera percuter, clôturant brusquement le clip et par la même occasion le projet. Ce visuel permet de se plonger dans le quotidien du jeune suisse avec son entourage et dans son lieu de vie. Un clip qui représente bien le rappeur et son authenticité.

Chanceko – Aquaman (Freestyle)

Toujours aussi énergique, Chanceko semble nous réserver de chouettes choses pour le futur. En attendant, il ne nous oublie pas et balance un petit freestyle avant de livrer des choses plus conséquentes. Qui dit freestyle, dit visuel fait maison pour accompagner la chose et à la réalisation on y retrouve La Cuillère. En détente, le jeune parisien dévoile encore une fois sa palette de gestuelles qu’il maîtrise toujours autant. Il dégage toujours autant d’énergie que cela en devient presque communicatif et renforce l’ambiance qu’il essaye d’installer depuis un bon moment. Court et efficace, il en faut peu au jeune rappeur pour délivrer toute son énergie et contaminer ses auditeurs.

26keuss – Boulot ft. Sadek

26keuss est en train de libérer partie par partie la totalité du projet Ma vie en 4K. La Kaisse, est la troisième et avant-dernière partie de ce projet en quatre parties sur laquelle on retrouve Sadek. Une grosse connexion qui est accompagnée d’un visuel à sa hauteur réalisé par Bien Vu. C’est le coffre de la voiture chargée de fioles mystiques que les deux artistes démarrent pour conduire de nuit à toute allure dans la ville pour distribuer ces fameuses fioles. Un produit addictif qui fera revenir sans cesse les clients. Mais bien plus occupés par d’autres plans, les deux artistes vont reprendre la route avec toujours autant de fougue. Sombre et dynamique, le visuel correspond avec l’ambiance globale de la connexion entre deux kickeurs de talents.

Ladavina – Pourquoi t’as fait ça ?

Parfois dans la vie, et surtout en amour, il faut savoir s’affirmer. Frapper du poing et dire les choses avec clarté. Et c’est ce que fait avec merveille Ladavina au travers du titre Pourquoi t’as fait ça ? Délaissant l’Arménien pour la langue de Molière, Jacqueline Baghdasaryan prévient, met en garde, contre certains comportements. Comme un avertissement pour changer, améliorer une situation : “Aïe, aïe, aïe, Pourquoi t’as fait ça ? Ne recommence pas ?” Sous peine de sanction : “Tu sais, que si tu n’en fais qu’à ta tête, Je vais te faire quitter ma planète, Ce n’est pas pour toi qu’elle est faite! Aaa si tu continues d’être bête!” Mais quel acte est-il reproché ? Des comptes à régler ? Une trahison ? Le mystère plane.

En tout cas, ce qui est sûr, c’est que Ladavina nous entraîne et nous fait planer par leur musique ensoleillée, rythmée par des sonorités tant orientales, reggae, que cuivrées. Le plus, un clip tourné sur l’île de la Réunion. De quoi accueillir le printemps et l’été qui arrivent, les bras grands ouverts, prêts à danser !

Rallye – Univers

Rallye traverse la stratosphère à la vitesse de la lumière, et de la musique, au travers de leur nouveau clip Univers. Un voyage, ou plutôt une odyssée dans les étoiles, la lune et les grandes plaines du rêve pour ne plus penser à certaines choses. Qu’on devine être des peines de cœur. Amour en berne. Alors, le graphiste Sébastien Rabaste crée un astronaute comme métaphore de ce parcours, accompagné du duo Stanislas et Krampf. Un Univers tant graphique, qu’au niveau du texte et de la musique. Les sons y sont aussi pop que rock et élévateurs.

Des paroles qui résonnent comme un appel, un besoin de lâcher prise :  “Je penserai plus tard et poursuit le chemin, sans un repère aucun, et ça m’indiffère (…) pour t’oublier, pour tout oublier.” Le clip se conclut par l’astronaute qui se pose enfin sur une autre planète, un autre univers, sûrement plus paisible. Un nouveau monde merveilleux où il est possible de prendre de la hauteur. 

LO- Amsterdam

Héritier de la variété française, LO se livre dans un clip et un morceau piano/voix à la fois sensible et délicat. Les paroles parlent d’elles-mêmes, il en va de même pour les notes. Le chanteur français donne dans la simplicité : un instrument et sa voix, ainsi soit il. Dans toute la complexité qu’implique un tel exercice,

LO se livre et se dévoile à travers son texte. Le clip de Amsterdam, lui aussi, invoque la simplicité et la pureté d’un moment, qu’il partage désormais avec son public. 

Theodora – Vagues Dans La Mer

Pour accompagner la sortie de son premier album Too Much For One HeartTheodora nous fait découvrir la vidéo de son morceau Vagues dans la Mer qu’elle a conçu avec Tomas Palombi. Réalisé en stop motion, le film met en scène des poupées Barbie. Le récit se situe en dehors du temps. Si du texte – un des premiers en français de Theodora – se dégage des saveurs proustiennes – bords de manche, ombrelles, tenues blanches – le clip renvoie clairement à des images et à un nuancier sixties. Le maquillage des poupées, savamment retravaillé, leur apporte un regard rempli d’émotions.

La finesse des décors, la qualité de l’animation et des prises de vues font que les scènes prennent vie sous nos yeux. Les poupées deviennent actrices du souvenir d’un rapprochement amoureux. Le travail sur les arrières plans colorés et étoilés – on reconnait la patte de SUPERFEAT qui avait réalisé le clip de For one heart et à qui on doit la pochette de l’album – accentue le côté poétique des images. Il s’en émane un doux romantisme loin de toute mièvrerie qui sait nous toucher. Pour Theodora, il s’agit, sans doute, d’un subterfuge pour extérioriser une partie de son soi intérieur.

Des Vagues dans la mer, aux vagues à l’âme, un flux et reflux de souvenirs que l’on se remémore un tendre sourire aux lèvres. 

Julien Doré – Kiki

Après un très bel album, Julien Doré ne s’arrête pas là. La plus belle crinière de la scène Française nous propose un nouveau clip en collaboration avec Brice VDH, pour mettre à l’image cette fois Kiki, peut-être l’un des meilleurs titres de ce nouvel album. Toujours avec cette approche très second degré, on découvre un couple idéal entre Virginie Efira et le chanteur, dont on s’aperçoit vite qu’ils attendent un heureux événement. Tout s’accélère lors du terme de la grossesse, et on réalise que le monde est désormais entre les mains des enfants, à l’unisson du texte de la chanson.

La cinématographie est très américanisée (bien que le clip ait été tourné en Belgique) et fait notamment référence à la série Stranger Things (où là aussi, les enfants sont les premiers héros), sans que le clin d’oeil ne tourne au forçage. On aime, on est sous le charme et l’émotion, c’est beau et on clique déjà sur relancer pour en profiter à nouveau.

Jungle – Keep Moving

Le retour du roi. On piaffait d’impatience d’avoir de leurs nouvelles depuis For Ever sorti déjà en 2018, revoilà Jungle qui annonce un troisième album Keep Loving prévu pour août prochain. À cette occasion, ils nous proposent un premier clip dans leur pure esthétique à base de plan séquence et de chorégraphies dont on se demande combien de temps de préparation il a fallu pour obtenir ce résultat.

Une vraie performance dans l’exercice de la production et de l’exécution. On aime et on applaudit. Côté musique, l’introduction du morceau magistrale, avec l’introduction de cordes pour amener le style Jungle un niveau au-dessus de ce qu’on pouvait connaître. Le genre de passage qu’on espère retrouver dans le reste de l’album. Le reste du morceau est moins surprenant, mais au moins aussi efficace. On sourit, on danse avec la troupe et on profite du soleil printanier qui commence à faire son retour dans nos contrées. La meilleure nouvelle du moment, clairement.

BRNS – Familiar (feat. Carl)

Autre retour qu’on attendait impatiemment : BRNS. Après un an de tournée avec Namdose, on attendait les nouveautés des Belges pour l’année 2020 mais comme pour beaucoup, la crise a influencé leurs plans. De fait, l’attente fut longue avant de découvrir aujourd’hui Familiar, premier extrait de leur quatrième album à venir. On retrouve donc leur univers torturé et radical dans une version très colorée, peut-être plus que ce qu’on avait l’habitude de les voir produire. Peut-être est-ce la collaboration avec Carl de la formation Les Hommes-Boîtes et son couplet rappé qui a contribué à orienter ce titre vers ce qu’il est.

En tout cas, on n’est pas perdus, de la guitare et de la batterie en pleine face, des voix éthérées et quelques dissonances judicieusement placées. Côté image, on oscille entre malaise, curiosité, joie et attendrissement tout au long du clip qui renforce cette perception colorée de ce BRNS nouveau. On l’avait attendu, on n’est pas déçus !