Written and Directed by Black Honey

Pas de ciné depuis un an ? Black Honey vous offre un shot de ce que le septième art offre de mieux, la musique en plus. Inspiré depuis toujours par l’esthétique série B, ils rendent aujourd’hui hommage au maitre du genre : j’ai nommé Quentin Tarantino. Written & Directed ne pouvait mieux tomber en cette année 2020 ou le running gag à fait fureur sur les stories Instagram. En sortira moult produits dérivés, mais surtout un des meilleurs albums de ce début d’année. Plus visuel que jamais, Black Honey propose pas moins de six clips (sur dix titres) bourrés de références et de délires stylistiques. Un vrai petit bonbon un peu guilty pleasure. 

Après la bouche rouge ultra provocatrice, place à une pochette d’album toute en sobriété. Sur un carton détrempé s’apposent en jaune et rouge le titre Written & Directed by Black Honey, non sans rappeler une esthétique à la Pulp Fiction. De quoi être balancé direct dans le bain. 

On commence en force avec I Like The Way You Die, et son féminisme bien énervé. Petit pied de nez au duo Eminem/Rihanna qui glamourisait les relations toxiques ? La voix se sature, les guitares grésillent avant de balancer un refrain ultra fédérateur. On cherche à nous séduire avec une voix de velours avant de nous piéger dans les filets de femmes puissantes et déterminées. Premier titre à bénéficier d’un clip, I Like The Way You Die met en scène un coven de vampires glamours. Armées de leurs ongles rouges stiletto, leur sourire littéralement ravageur et leur allure virginale, elles sont l’arme ultime contre le patriarcat. 

Guitare trépidante qui rappelle les meilleurs années punk anglais, Run For Cover est un pure morceau rock dans le genre surexcité. Breaks parfaitement calibrés, batterie qui tambourine comme un forcené, le clip est un hommage à l’Amérique modeste, ses bals de promos et son obsession pour les écrans. Oscillant entre le rétro sixties et le début du grunge 90’s, les fétichistes de la food seront aussi comblés. 

On passe au pop-punk californien, avec un son qui fleure bon le soleil et la parodie. Avec sa voix de velours qui prend des intonations soul, Izzy nous emmène sur les Beaches américaines en pleine pandémie mondiale. Le moyen de transport ? Un superbe fond vert mal calibré qui vous rappellera vos pires réunions zoom. On pousse encore plus loin l’esthétique DIY avec des guests de grande qualité : un  Elvis en carton, une Barbarella version kermesse et un superbe cosplay de Joe Exotic (oui, le Tiger King de Netflix).  C’est du génie. Si le son ne vous donne pas l’envie monstrueuse de vous lancer dans la chorégraphie de Pulp Fiction et de mimer des vagues avec vos mains, on ne peut plus rien pour vous. 

Une jolie mélodie s’immisce dans l’album. Tout en douceur et insufflé de dream pop, Back of the Barréussit à envoyer un peu de nostalgie sans faire diminuer le tempo de l’album. Plus intimiste, c’est une histoire d’amour en suspens qui invite à danser seul dans sa chambre. Série noir des années 60, le clip est un véritable petit court métrage à lui seul. Une fugue pour s’évader, une relation qui vire au toxique et finalement une libération à coup de révolver. Si seulement la vie était aussi facile qu’une série B ! 

En plein polémique sataniste à coup de Air Max, Believer se joue lui aussi à sa façon de la crise spirituelle que nous traversons. Savant mélange de voix ultra enjôleuse et érotique qui déclame sa flamme à la religion. Dans un clip qui rappel un Machete pour son esthétique désert mexicain, Izzy en jeune nonne aveugle se fait enlever par le reste du groupe tout de cuir vêtus. L’apparition d’un Jésus incarné par une femme noire rendra la vue à l’innocente, et aux fanatiques de tous bords, espérons-le. 

Pause dans l’album avec I Do It to Myself et son discours sur l’autodestruction. Plus folk, la chanson possède tout de même une vraie patte avec son refrain merveilleusement rythmé et son saxo vrombissant. Un petit Black Keys pop ! 

Encore une fois les apparences sont trompeuses, et s’ensuit le titre le plus grave et lourd de l’album. Jouant sur le slogan écologiste « we are the virus », Disinfect est une claque apocalyptique. Avec ses images d’archives de news pre-2000, on réalise que l’on courrait à la catastrophe depuis bien longtemps sans agir ni se remettre en question. Il ne reste qu’une seule solution : exterminer la cause du problème et donc l’espèce humaine. A coup d’images d’archives de bombes nucléaires et de classiques de film américains, le son prend toute son ampleur et se cale sur le rythme infernal de la chute de l’humanité. Message radicale, mais surtout mise en garde sur notre autodestruction. 

Retour à plus de légèreté avec Summer ’92 et sa guitare inspiration psyché. Un road trip amoureux teinté de passion dévorante et un brin de nostalgie. Parfaite ouverture pour Fire, un titre sur l’indépendance féminine. Lilith des temps modernes, Izzy s’épanouit et s’élève en enfer afin d’affirmer sa liberté et son envie de vivre avec passion. 

Titre de clôture, l’acoustique Gabrielle laisse toute l’ampleur à la voix de Izzy, qui évolue et virevolte sur les accords. S’adressant directement à la femme pour qui son amant l’a quitté, le titre est mélange étrange d’admiration et de douleur envers cette fameuse Gabrielle. 

Laura Allard-Fleischl

Crédits: Laura Allard-Fleischl 

Plus engagé que jamais, Written and Directed capte profondément l’air du temps malgré son esthétique bien rétro. Surfant sur presque tous les styles de musiques existant sans jamais vraiment se positionner, Black Honey exprime une liberté démentielle et une créativité folle. Ouvrant la voix et plantant le drapeau pour toute une génération de femmes qui souhaitent s’affirmer dans le milieu du rock, Izzy devient une icône fabuleuse de force et de liberté, se réappropriant tous les codes afin de s’exprimer sans l’autorisation de qui que ce soit. Définitivement badass.