Ennemi Commun, le nouveau compagnon sobre et plaisant de Special Friend

Enregistré à Montreuil en deux jours durant l’été 2020 dans un lieu intimiste, le premier album du groupe français Special Friend reflète l’état d’esprit de leur projet sorti le 26 mars 2021 : modeste et spontané. Ennemi Commun, qui paraît notamment sur le label français d’Holwin’ Banana, est le véritable début de leur aventure remplie de promesse.

Composé de Guillaume Siracusa au chant et à la guitare, et de la voix légère de la batteuse Erica Ashleson, le duo franco-américain Special Friend avait été repéré par sa pop lo-fi très mélodique lors de la sortie d’un premier EP éponyme sortie en 2019. Fort d’une réception très positive et d’une complicité qui se ressent aussi dans l’élaboration des morceaux, le groupe a conçu un premier album élégant et homogène.

La combinaison des deux musiciens pourrait ressembler à un revival des White Stripes mais tend fortement vers une maitrise pop des gracieux Yo La Tengo. Leur énergie est mesurée et naturelle. Special Friend se place comme de véritables amis chatoyants nos esprits dans une ambiance familière et introspective. Prenons l’ouverture de l’album, Motel. Les voix à peine nonchalantes viennent souffler directement à nos oreilles et tranchent à l’esprit noisy rock. La bulle de proximité entre le groupe et son auditeur est immédiatement installée.

Les harmonies se subliment par le contraste des chants doux et le jeu instrumental plus brut et incisif. Le titre éponyme se révèle ainsi très entêtant avec son refrain bref en français et à sa fin à la limite de l’explosion. Les riffs de guitares virevoltent sur un jeu de batterie souvent simple mais efficace. Dès fois sombre et inquiétantes comme sur le sérieux Forest qui semblent être piqué du répertoire de Ty Segall. Ils flirtent même la saturation avec Hazard (non, ce n’est pas un hommage à la fratrie de joueurs belges de football)

Sans fioriture, les morceaux s’enchainent agréablement et avec simplicité. L’enregistrement est spontané et minimaliste. Le tempo est d’ailleurs généralement lent, laissant résonner les guitares en écho, pour des moments mélancoliques hypnotiques. C’est le cas de Destructionist qui nous laissent rêveurs et tristes. Ou encore de Movement of the Planets et HCM qui sont de petites perles réconfortantes, écrites pour des instants de solitude dans sa chambre, nous faisant rappeler à certains titres twee pop de Fuck et Yuck. Uck.

Si les onze titres d’Ennemi Commun ont un format assez similaire, c’est-à-dire, plutôt courts et efficaces, Pastels, d’une durée de quatre minutes et trente-cinq secondes, se démarque par sa structure en deux parties. Débutant par une lenteur berçante, légèrement distordue et un clavier aux sonorités lo-fi, le rythme s’emballe comme une course contre-la-montre captivante alors que les voix de Guillaume et Erica finissent par se détacher et chanter en opposition. Une réussite.

Ennemi Commun est la première œuvre long format d’un duo complémentaire qui manie avec brio et délicatesse l’art de l’indie pop, à la fois d’une noise mélodique et d’une rêverie captivante. Avec tant de sobriété, Special Friend réussit finalement à nous transmettre beaucoup d’émotions.

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Coups de cœur de l’album : Motel, Forest, Pastel