Le monde est frappé depuis plus d’un an par l’épidémie de Covid 19. Un an que le monde culturel est dans une sorte de coma artificiel, réveillé par moment pour être presque aussitôt remis en sommeil. Alors que cela fait désormais plus de 100 jours que les lieux culturels sont fermés en France, La Face B s’associe à Dans Ton Concert pour proposer son nouveau projet : Not Dead. Si on a mis en avant les artistes et des salles de la région Hauts-de-France durant les 10 premières publications, nous faisons actuellement un détour par Paris. Pour ce 12ème épisode, c’est Cédric Oberlin qui propose sa vision du Not Dead Project, et on découvre les photographies et les interviews de Nor Belgraad et 2PanHeads au Motel.
Nor Belgraad
Pouvez-vous présenter votre projet en quelques lignes?
Clément : Salut, c’est Nor Belgraad, on joue à quatre depuis environ un an. On mélange le punk, la disco et l’électro avec du volume.
Le monde de la musique est l’arrêt depuis un an, comment vivez-vous cette situation?
Frédéric : Difficile à vivre sachant que c’est le milieu où nous évoluons. Une majorité du groupe a un métier relatif à la musique en plus d’être musicien. Habituellement nous sortons beaucoup voir des concerts que ce soit en soirée dans des clubs, dans le sous-sol d’un café concert ou bien dans un festival. C’est notre écosystème qui est touché et cela a forcément un impact sur notre moral.
C : Du coup on subit comme tout le monde l’état actuel des choses, mais on a décidé de se débrouiller avec. On répète le plus souvent possible pour présenter un live dont on sera fiers.
On s’équipe aussi, on travaille nos instruments… bref on a décidé de ne pas s’avouer vaincus !
Quel impact cela a eu sur votre projet ?
C : On s’adapte. En fait, quand le confinement est tombé en mars 2020, on s’apprêtait à partir sur une série de concerts qu’on avait monté tout seuls avec nos grands amis les 2PanHeads à travers la France et ailleurs.
F : C’était assez frustrant de voir toutes nos dates annulées. D’un autre côté le groupe a pas mal mûri. Nous avons travaillé de nouveaux morceaux et fait évoluer d’autres… Le son de Nor Belgraad a changé depuis la sortie du single « Can’t Play ». De ce fait nous avons préféré mettre de côté une sortie d’album qui n’aurait pas cristallisé ce qu’est le groupe aujourd’hui.
On parle souvent de « non essentiel ». Que signifie pour vous cette expression ?
C : Cette expression, je la vis comme une insulte. Je suis ingénieur du son et musicien pour d’autres projets, la musique c’est ma vie et la quasi totalité de mes revenus.
Donc quand on me dit du jour au lendemain que mon métier, c’est à dire ce qui m’anime et ce qui paie mes factures ainsi que ma nourriture, est « non essentiel », pour moi c’est humiliant, condescendant et insultant.
C’est surtout extrêmement hypocrite et révélateur d’un esprit de classe rétrograde et figé : je ne vois pas en quoi un réparateur de portables ou un publiciste serait plus ou moins essentiel que quelqu’un d’autre dans son activité.
A quand remonte votre dernier concert ?
C : Notre dernier concert officiel c’était au Gambetta Club à Paris, en Juillet 2020. Nous avons été invités par les Monitors (qu’on embrasse d’ailleurs) et les 2PanHeads.
C’était en sortie de deux mois et demi enfermés chez nous, sans se voir, sans picoler, sans son et c’était bien le bordel ! Les machines qui pètent, les enceintes qui dansent, la vie quoi.
Fun fact : on avait pas de bassiste ce soir-là, donc c’est Bleu Reine qui est venue prendre la Basse le temps du live, c’était mortel.
Lorsque vous pourrez remonter sur scène devant un vrai public, vous allez faire quelque chose de particulier pour célébrer ça ?
F : Aucune idée, mais ce qui est sûr, c’est qu’on fêtera bien ça avec les copains !
C : Alors évidemment ça sera la fête avec les copains mais aussi avec les gens qu’on rencontrera au concert : au final, maintenant plus personne ne se rencontre vraiment. C’est quand même ces événements-là qui nous lient tous !
Avez-vous un souvenir ou une anecdote d’un concert sur la scène du lieu où nous avons fait les photos ? Ou un souvenir en tant que spectateur ?
C : Un peu les deux. Mars 2020, juste avant le premier confinement, on était tous sur scène ici même, Bleu Reine, 2PanHeads et puis nous. Lonny ne devait pas être bien loin aussi.
On s’est tous vu au moins une fois au Motel dans nos prestations respectives (avec énormément d’aller-retours pour se payer des verres soyons honnêtes). Donc ça fait quelque chose de se retrouver tous réunis ici…
Quels sont vos projets à venir ? Qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter ?
F : Ce qu’on peut nous souhaiter évidement c’est de faire des concerts… En tout cas, on peaufine notre son live en studio de répétition.
Nous sommes en réflexion pour une éventuelle captation vidéo de tout ça pour la rentrée de septembre ou avant. Nous verrons bien, ce sera selon notre ressenti.
La séance photo s’est déroulée dans un lieu culturel actuellement fermé et sans perspectives de réouverture rapide. Avez-vous un message pour ce lieu ?
F : On vous aime ! Vous nous manquez terriblement.
C : Purée mais grave ! On est avec vous et nous serons là direct quand le rideau de fer se relèvera enfin.
2PanHeads
Pouvez-vous présenter votre projet en quelques lignes ?
2PanHeads est un projet de duo disco punk dit « Rave and Roll » issu d’une longue histoire d’amitié incarnée par une fascination mutuelle de l’histoire de l’acid house et du rock anglophone. Entre synthétiseurs, boîtes à rythme, riffs de guitare et au travers de nos chansons et de nos live, nous tentons de présenter nos propres petits contes contemporains, souvent cyniques et déjantés. Assumant pleinement notre accent français sur notre pratique de l’anglais, nous favorisons l’energie club rock à la linguistique et à toute forme d’érudition musicale. Le projet aspire de plus en plus à affirmer notre amour de la pop et de la musique club.
Le monde de la musique est à l’arrêt depuis un an, comment vivez vous cette situation ?
Paradoxalement, on a tous les deux tendance à parler d’une « prolifique frustration ». A la fois, cette période nous donne tout le temps de continuer à bâtir des bases solides à notre projet, à nous remettre en question, mais évidemment, cela devient vertigineux que de constater tout ce temps passé sans avoir pu profiter d’une scène, en tant qu’artistes mais aussi en tant que regardeur.
Quel impact cela a eu sur votre projet ?
Comme la plupart des artistes, notre première tournée auto-gérée a dut être annulée. Cela nous a certes fait un peu redescendre, car on devait se rendre à Londres pour la première fois de nos vies, le premier temps fort de nos plus gros fantasmes de vieux ados. Mais cela a pu nous apporter beaucoup de soutien, notamment venant de notre label Messin Coco Machine, la Cité Musicale de Metz, la BAM, plus précisément, qui nous a proposé des temps de résidences où nous avons pu approfondir nos prestations, et de creuser l’aspect audio-visuel que nous travaillons depuis 3 années avec High C, notre ingé son, et MORSE, notre vj et inné light. Et belle expérience liée aux auditions régionales des Inouis également !
On parle souvent de « non essentiel ». Que signifie pour vous cette expression ?
Comme beaucoup de termes actuels, ce type de qualificatif semble sortir en général d’une seule bouche, ou de celles d’un tout petit groupe de personnes qui décideront arbitrairement pour le bien d’une population. Pour nous, c’est un terme qui incarne aisément cette période politique, plus patriarcale que jamais. Si on enlève quelques lettre à ce terme, on arrive facilement à « Non-sens ». D’ailleurs si on réfléchit aux définitions, « manger » est quelque chose d’essentiel, mais « manger un XXL Deluxe de chez Mc Do » ne l’est, en toute logique. Ce qui se passe actuellement nous prouve bien le contraire, les mc do seront toujours ouverts. Pour éviter de sombrer dans de la pseudo philo et politique de comptoir, plutôt que d’enrager sur ces dénominations arbitraires, nous pourrions fièrement nous considérer comme individus non-essentiels, car ce qu’on fait, on le fait pour nous, l’amour des gens, par le biais de nos imaginaires. Je pense qu’on peut être fier d’être non-essentiels, à ce compte là.
À quand remonte votre dernier concert ? Quel souvenir en gardez vous ?
Le Troubadour de Metz, cela devait être l’un des concerts des plus représentatifs de nos valeurs, une ambiance de folies, de nouveaux copains du label Coco Machine, une cave voûtée, bière et transpiration… Que du bonheur, ça n’aurait jamais pu être mieux et on échangerait ce souvenir contre rien au monde.
Lorsque vous pourrez remonter sur scène devant un vrai public, vous allez faire quelque chose de particulier pour célébrer ça ?
Deux nouveaux costars, blancs très certainement. Mais surtout jouer le plus longtemps possible, le plus fort possible. Pour fêter ça, on devrait peut-être lancer notre propre marque de boule Qies en guise de Merch.
Avez vous un souvenir ou une anecdote d’un concert sur la scène du lieu où nous avons fait les photos ? Ou un souvenir en tant que spectateur ?
Nos premiers DJ Set, grâce à notre grand frérot High C, du projet Nor Belgraad. De super moments de convivialités avec les copains, Tigrou de School Daze, le Pascal … Ce dont on se souvient, c’est qu’on a toujours pas appris à mixer mais qu’on adore le faire ! Le vrai souvenir, c’est d’avoir tellement bu qu’on a pu tenir des conversations de trois heures sans qu’un seul mot existant n’ai pu sortir de nos bouches.
Quels sont vos projets à venir ? Qu’est ce qu’on peut vous souhaiter ?
On est sur le point de bien se prendre la tête sur des sorties de single, toutes annonçant la venue d’un tout premier album. Vous pouvez donc nous souhaitez beaucoup de bonheur du haut de nos trentaines imminentes, et surtout un bon anniversaire à Rod et à High C, c’est pour bientôt !
La séance photo s’est déroulée dans un lieu culturel actuellement fermé et sans perspective de réouverture rapide. Avez-vous un message pour ce lieu ?
Merci pour le cidre glaçons, les currys, merci pour nous avoir invité pour ces Dj Sets, on sera nombreux a revenir au Motel et y’aura une sacrée note. Surtout, bravo pour votre courage de tenir si bon malgré tout.
Pour les autres épisodes du Not Dead Project c’est par ici