Il est des projets qui fascinent immédiatement, par les acteurs qui le portent, par le thème qu’ils abordent ou leur exécution. The Unreal Story of Lou Reed, c’est une parenthèse dont on avait fait partie des rares chanceux à pouvoir la découvrir en Octobre dernier à l’Aéronef, avant que le second confinement n’emporte le reste d’une belle tournée qui devait avoir lieu en fin d’Automne. Aujourd’hui sort sa version studio, Fred Nevché au slam, Simon Henner aka French 79 au son et une superbe brochette d’auteurs. Plongée dans le Rock, fantasme assumé.
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Depuis leur ville commune de Marseille, difficile d’imaginer nos deux protagonistes préparer leur coup. Après tout, venant d’un producteur d’électro et un slammeur, parler d’une des plus grandes icônes du rock de tous les temps, ça paraît un peu incongru dit comme ça. Et pourtant… Entourés d’auteurs plus talentueux les uns que les autres (pour les citer tous : Blandine Rinkel de Catastrophe, Christophe Fiat, Capucine et Simon Johanin, Ronan Chéneau), ils ont couché sur le papier ce qui deviendra plus tard la vraie fausse histoire de Lewis Allan Reed, ou plus simplement Lou. Au passage, l’occasion d’aborder des thématiques larges et sociétales, d’utiliser un certain nombre de références et d’éclairer la vie d’un jeune garçon juif de Brooklyn différemment. Loin des clichés de la rockstar, des excès du Velvet Underground, celui qui a collaboré avec les plus grands devient un autre.
Les angles choisis sont subtils et intéressants, depuis l’introduction qui prend Lou Reed en tant que fan d’un autre – Delmore Schwartz, nous y reviendrons – plutôt que comme objet d’admiration et qui observera la notion de rêve comme un fil rouge auquel les allusions seront fréquentes tout au long des morceaux. Ces morceaux justement, dégagent une atmosphère particulière par leur construction, racontés et pas chantés. Surprenant certes, mais très rapidement envoûtant. la bande son fournie par le maestro French 79 est subtile, toujours juste pour accompagner les mots slammés par Fred Nevché.
The Unreal Story of Lou Reed
Des clubs de New York au fin fond d’un cinéma onirique, le voyage de Lou Reed devient le nôtre. On apprécie notamment l’aventure à la Factory, racontée dans New-York 1966, qui se dévoile comme un pamphlet sublime incitant à être la personne qu’on souhaite, qu’importe qui on est avant de franchir ses portes. Transidentité, problèmes, amis, famille, faire partie d’un tout est une libération.
« Si on est ici c’est pour disparaître, se délester de l’égo, oublier les problèmes »
Ce genre de punchlines fait également le sel de l’album, régulièrement parsemé de ce type de pépites aux interprétations multiples, et qui s’inscrivent autant dans une démarche de bienveillance que de responsabilisation. Les lectures sont multiples et aussi pertinentes les unes que les autres. En plus de ça, on découvre le travail d’un autre protagoniste : Delmore Schwartz. Dans sa nouvelle la plus célèbre, il s’interroge sur le contrôle que l’on peut avoir sur la vie des autres, sur sa propre vie même, au travers du récit de l’échec du marriage de ses parents. Splendide récit, il s’intercale entre deux « reprises » de classiques de Lou Reed qui si elles ne sont pas dénuées d’intérêt, nous ont moins marqué que les textes originaux présentés dans l’opus.
Ce disque est très beau, il rêve et s’évade au fil de la vie de Lewis Allan Reed, ses choix radicaux, ses aspirations et son humilité aussi. Rafraîchissant dans son approche et dans sa conception, il nous entraîne à découvrir autrement des personnages qui ont forgé des décennies de musiques actuelles et dont l’influence est toujours aussi poignante. Un bel hommage à l’une des personnalités les plus fortes et riches de l’histoire de la musique, celle avec un immense H.