Il est toujours difficile d’écrire sur des artistes dont on vante les mérites depuis leurs débuts, difficile de tenir des propos dénués de redondance. Heureusement, l’émotion ne meurt pas et le cœur tout autant que l’esprit parviennent toujours à mettre des mots sur des morceaux qui semblent (r)éveiller en nous quelque chose de familier. Des petits quelques choses qui nous abîment, nous manquent mais que l’on peut aimer parfois, tendrement la plupart du temps. Des petits quelques choses sacrés qui se trouvent être le moteur central du premier EP de TERRIER intitulé Naissance, disque aux saveurs tantôt douceâtres, tantôt amères et qui nous bouleverse sans modération.
Avec ce premier effort, TERRIER chante la nostalgie du passé, sa fragilité mais également la force du présent. Une atmosphère mi-claire, mi-obscure dans laquelle ses premiers singles nous baignaient déjà et qui nous fascine alors un peu plus à chaque fois. Avec À nos jours, titre d’ouverture de ce sept titres, le vendéen d’origine laisse s’échapper l’amertume qu’il porte envers la ville lumière – sa ville d’adoption. Il y chante ses origines, son enfance, l’avant qui lui faisait du bien, énumère ses souhaits, son besoin de recouvrer les plaisirs d’un hier adoré où le gris laisserait place à la couleur, où les sourcils froncés seraient remplacés par des sourires sincères et où la vie remplacerait le vide. TERRIER abandonne ici sa pudeur pour faire parler ces rêves qui l’habitaient enfant et auxquels il se raccroche aujourd’hui dans ce monde qui l’effleure et l’effraie.
S’ensuit Le Bandit, lancé sous ses allures slam-rock, porté par une guitare qui ouvre la voie vers cette poésie brute, sans filtre, réfléchie et dont on s’était déjà épris à ses débuts. Un morceau fait de ces indécisions relationnelles, d’étreintes amoureuses, de pouls qui pulsent, de corps moites qui se serrent et d’un désir fou dont il est impossible de se lasser. Une romance que l’on retrouve avec Demain, où l’urgence des sentiments et de la passion dépassent toutes limites, où chaque mot scandé de sa voix grave et éraillée déborde de sensibilité et de sincérité. Demain est une invitation à laisser s’envoler les doutes relatifs au futur, à s’évader main dans la main avec une moitié dont il aurait été éperdument amoureux, le tout dominé par ce besoin viscéral de se tourner vers les interdits. Au risque de s’écorcher et s’abîmer certes, mais peu importe puisqu’à deux, l’impossible n’existe plus.
Un caractère impétueux que la ballade mélancolique de L’Hiver fera taire le temps d’un instant. Un morceau qui, à la suite de sa sortie, nous avait accompagné tout au long de cette saison mal-aimée mais que lui chérit sans retenue, une saison où malgré l’omniprésence du gris, le froid qui déchire la peau et le temps qui semble infini, il trouve matière à la sublimer. Sublimée de par la justesse des mots choisis qui viennent solliciter chacun de nos sens et qui dressent le portrait de réminiscences d’hier et d’aujourd’hui pour ainsi faire s’embraser des sensations similaires chez chacun de nous.
À la manière d’une montagne russe émotionnelle, Naissance poursuit son chemin avec Rue des Pervenches, titre dynamique et puissant faisant honneur à ses origines, cette ville de Landeronde en Vendée et cette rue surtout, cette rue où il a grandit et où bon nombre de ses premières fois sont nées. Un morceau aux influences cold-wave, ponctué d’une batterie à l’énergie fulgurante, une déclaration d’amitié sincère à ses plus fidèles compagnons et une ode à son enfance, son adolescence, ces fragments de vie qui l’ont construit.
Puis vient la fin de ce disque, où les titres Naissance Pt.1 et Pt. 2 viennent sceller cette première réussite, ce condensé de sentiments aux milles et une couleurs. Des morceaux qui font que la gorge se serre tant ils semblent être ce qu’il y a de plus intime et puissant dans cet EP. Au-delà du clin d’œil évident qu’il fait à ses parents, TERRIER clame ce besoin indubitable de se tenir à l’écart du brouhaha du monde, ses faiblesses et ses pièges éventuels. Un vacarme dont il se sent à l’abri que lorsqu’il est au contact de ce qui lui est familier, baigné dans un environnement-carapace qui résistera aux tempêtes les plus furieuses de l’extérieur, dans ce cocon qu’il câline et estime particulièrement. Une enveloppe protectrice mais éphémère car il faut, contre son gré, affronter l’inconnu. Avec Naissance Pt.2, il le fait, regrette le temps d’un instant puis trouve du réconfort chez ses pairs, leur tendresse et la lumière d’un lendemain énigmatique. De quoi conclure ce premier effort sur de belles promesses, prémices d’un avenir musical radieux.
Ce que l’on retiendra de cet EP, c’est le besoin absolu de TERRIER de laisser vivre des sentiments contenus en lui depuis trop longtemps, de libérer ce trop plein que sa pudeur persiste à faire taire mais que la musique parvient à faire exister. Entre mélancolie et nostalgie, passé et présent, l’artiste aura alors réussi à se sauver de cette impasse émotionnelle par le biais de ses mots justes, balancés à l’instant t et ce, dans leur essence la plus pure et la plus originelle.