Chez La Face B, on adore les EPs. On a donc décidé de leur accorder un rendez-vous rien qu’à eux dans lequel on vous présentera une sélection d’EPs sortis récemment. Aujourd’hui, on vous parle des premiers EPs de Mr Giscard, Chien Noir et LO.
Mr GISCARD – Sensibilité
Mr Giscard, on l’avait découvert avec Pho. Un apéritif qui nous avait à l’époque clairement mis à la bouche. Tant et si bien qu’à l’heure de découvrir enfin son premier EP, on a eu envie de filer la métaphore culinaire en définissant ainsi la musique du bonhomme : Mr Giscard fait de la pop aigre douce.
La recette est simple : un bonne base de flegme, un soupçon de provocation, une pincée de sensualité, quelques copeaux d’humour. Secoué le tout au shaker et saupoudré d’une bonne dose de groove indolent et vous obtenez Sensibilité, une recette imparable pour nous faire danser un peu, beaucoup, passionnément.
Une musique parfaitement produite, au carrefour de tout un tas d’influences parfaitement digérées de la house à la trappe et chantée d’une telle manière qu’on sent parfois que les mots sont choisis autant pour leur sens que pour leur rythme.
À première vue, la musique de Mr Giscard a tout pour se tailler la route du succès et se faire une place facile dans les très importantes playlists de streaming (un seul morceau de l’EP dépasse, de très peu, les trois minutes)
Cependant, les écoutes répétées permettent surtout de voir au fur et à mesure qu’il se cache quelque chose derrière la surface et que si le tout groove, les thématiques résonnent elles aussi très fort.
Ainsi, ce qui pourrait le rendre irritable au départ finit fatalement par le rendre terriblement attachant. En gonflant les enjeux, en multipliant les provocations que ce soit sur Pho ou OYAPOK qui joue parfois avec une certaine vulgarité, Mr Giscard dresse le portrait d’une époque et d’une génération qui préfère ne s’engager sur rien car elle galère sur tout (notamment sur H&M qui nous parle de cette sensation d’avoir le terme précarité tatoué en gros sur le front).
On est face à ce garçon mi-branleur, mi-brisé qui malgré ses petites provocations semblent être en recherche constante de l’amour (sans sentiment) et d’une certaine stabilité, même si ses pulsions parfois autodestructrice le pousse à toujours repousser pour ne jamais plonger (Pas Personnel).
On jongle alors malgré nous dans les eaux de sentiments perturbés, des petites tempêtes personnelles. C’est ça la grande force de Mr Giscard, un personnage bigger than life qui cristallise autour de lui tout un tas d’histoires universelles.
Mr Giscard, c’est un peu notre pote éméché qui nous raconte ses nuits fauves, ses histoires un peu folle qui pourtant laissent apparaitre des failles et des émotions derrière des yeux qui pétillent de malice. Une pop vraiment aigre douce donc, qui laisse au final éclater toute sa sensibilté …
Chien Noir – Histoires Vraies
Un être entier, se dévoile parfois à travers des morceaux, tel un kaléidoscope qui se voit aussi bien pour ce qu’il est totalement mais aussi pour les petites parties qui le composent.
Ainsi, Histoires Vraies est un recueil, un faisceau singulier d’émotions plurielles. Toute l’essence de Chien Noir est dans cette petite phrase. Un titre qui se multiplie, des contes différents mais unis autour d’une voix.
Une emprunte unique d’un artiste à fleur de peau qui convoque à lui ses souvenirs et ses pensées pour les transformer en moments suspendus, en pastilles de vies qui se transmettent d’un auteur à son auditoire. De l’amour qui se diffuse avec tendresse et sincérité dans cette écriture à la fois imagée et terriblement humaine. Chien Noir convoque des images, des instants qu’il écrit autant pour ne pas les oublier que pour nous les amener.
Ainsi lorsque l’on ferme les yeux, on peut les flammes et la pluie de drôle de vie, les monstres fantasmagoriques de Qu’est-ce que tu fais dans le noir ? ou les corps qui se cherchent et trouvent de Lumière bleue. Chien Noir joue avec son écriture comme avec une peinture qui se dévoile via l’imaginaire. Il en sera de même avec ses compositions.
Musicien virtuose et véritable esthète, Chien Noir décide pourtant de mettre ce savoir de côté pour aller chercher le vrai, le direct, le moment irremplaçable qui uni tout à chacun autour d’une émotion brute et vraie. Chaque morceau s’offre ainsi un écrin qui porte les couleurs des textes qu’il habille.
Lorsqu’il s’interroge sur son somnambulisme et les frontières du réelles qui se floutent dans Qu’est-ce que tu fais dans le noir ? , le bordelais s’envolent dans des textes électroniques, irréelles et oniriques.
Il en sera de même dans la sensualité simple et amoureuse de Lumière bleue, chanson d’amour vaporeuse ou le battement ralenti et accélère au rythme des émotions qui s’emballent, où dans la douce brutalité d’histoire vraie qui questionne l’existence et qui n’a besoin de rien d’autre qu’un piano-voix pour laisser fleurir toutes ses émotions.
Unique duo de l’EP, La nuit le vent, qu’il partage avec Hollysiz, joue de ces voix qui échangent et se mélangent pour nous offrir une promenade presque cinématographique et montre tous les contrastes de ces astres qui se cherchent et se repoussent portés par ce minimalisme attrayant et presque lyrique par moments.
À l’image de la pochette de son EP, Chien Noir est un être qui semble observer le vide et le lointain, presque prêt à basculer à tout moment. Si on l’aime c’est sans doute simplement parce qu’on est comme lui, des êtres sensibles qui se laissent parfois déborder par leur sentiments. La grande force de ce molosse au cœur tendre, c’est qu’il a fini par dompter ces faiblesses pour en faire une force musicale qu’il nous offre du bout de ces doigts qui frôlent les cordes de sa guitare ou les touches de son piano.
Après tout quelle importance, tout cela est beau comme la vie.
LO – Parades
Alors qu’on fait nos premiers pas dans Parades, un fort sentiment d’intimité nous envahit. Un rapprochement étrange qui nous force à tendre l’oreille, à prêter attention aux mots, aux ambiances et à l’histoire.
C’est pas du spleen, c’est la parfaite mise sous tension de LO. Un titre court, percutant où la douceur du piano est trompeuse. Le belge parle et cette prise de parole, on le réalise très rapidement, nous est directement adressée. Les barrières sont d’un coup d’un seul complètement explosées.
La pudeur est mise au banc, comme il le dit lui même LO sort de l’œuf et ce qu’il a à nous raconter n’est ni très beau, ni très joyeux et fatalement on se retrouve face à un des douleurs sincères, un cri de vérité qui est vital pour LO de partager.
Mort-né est un morceau formidable et introspectif, porté par une rage et une intensité qui nous frappent et nous laissent pantois. On est un peu sonné, il nous avait prévenu mais le choc est tout de même grand. LO parle de lui mais aussi du monde, de cette vide pleine de doutes, où parfois on subit l’existence plus qu’on ne la vit réellement.
On pense alors que le belge va nous emmener dans un trip introspectif à la première personne, ce qui n’aurait pas été un mal. Mais LO a plus d’une corde à son arc et le prouve de suite avec NPQEAC, morceau sec à la rage sourde où l’artiste balance un cri cassé à un être supérieur, détruit d’une plume acérée ces religions qui devraient nous unir mais qui font que l’homme se confronte et s’autodétruit depuis la nuit des temps.
L’écriture est empathique, proche du réelle mais ne juge jamais. C’est une nouvelle fois le cas avec Delphine. Ici LO troque totalement la première personne pour se transformer en narrateur, observant la liberté d’une personne qui a décidé de vivre avec elle même, acceptant ses failles, ses petites trahisons et ses vices pas si cachés.
Alors que les morceaux précédents c’étaient éloignées du piano pour s’offrir des orchestrations plus grandiloquentes où l’on croise des guitares, des saxophones et des orgues un peu déglingué, Amsterdam nous offre un retour à l’épure et à l’émotion brute pour une déclaration d’amour d’une ville qu’il connait si bien mais qu’il n’oublie jamais et dans laquelle il se retrouve toujours.
Parade Nuptiale termine l’aventure sur une note plus lumineuse, nous rappelant que le monde tourne et qu’au fond tout est éphémère et qu’il faut apprendre à pardonner et savoir faire la paix et laisser derrière soi les histoires foireuses, les amitiés gâchées et les moments gênants.
Une chose est sûr avec Parades, LO ne cherche à aucun moment à esquiver ses émotions. Ce premier EP est une succession de titre qui trempent leur plume dans le réel, le sien et celui qu’il ausculte. Loin de la sinistrose, LO cherche des échappées, des vérités qui consolent et qui cajolent.
L’aventure commence et le futur s’annonce déjà brillant.