Nautilus : « L’océan est une source d’inspiration infinie »

On a rencontré Loic Fleury, aka Nautilus, à l’occasion de l’édition d’été du Pop Factory. L’occasion de discuter de cette nouvelle facette de sa personnalité musicale, de poésie, de français et d’océan, forcément.

La Face B : Salut Loic, comment ça va ?

Nautilus : Impeccable, super content d’être à Lille, de voyager, de changer de ville après tout ce temps d’abstinence, c’est un grand plaisir.

LFB : Tu viens de donner tes premiers concerts en plus de la sortie de ton premier EP. Comment est-ce que tu vis cette concrétisation de ton projet ?

Nautilus : C’est assez incroyable car c’est un projet que j’ai commencé il y a quelques années déjà. Ça a été hyper long car j’ai changé d’avis plusieurs fois, j’avais envie de m’essayer à un style diffèrent pour ressourcer ma créativité. J’ai essayé plein de chose et ça c’est la première idée que j’avais eu.

En temps, j’ai pris mille virages et j’ai un ami qui m’a vachement soutenu sur ce projet-là et qui m’a vraiment aidé, c’est lui qui m’a fait prendre conscience qu’il y avait une sorte d’originalité et un discours assez clair dans ce projet.

Grâce à son appui j’ai réussi à le finaliser. Ça n’a pas été évident, moi je suis assez volatile et j’ai tendance à changer d’avis comme de chemise donc me donner sur un projet à cent pour cent pour moi, enfin pour n’importe qui, c’est assez compliqué.

LFB : Comment est-il venu ce désir de lancer ton projet et surtout quelle part de Loïc vient de ton projet ? C’est un projet solo mais c’est encore une espèce de alias avec une partie de toi bien distincte.

Nautilus : Ouais c’est ça. Alors disons que j’ai la chance d’avoir une créativité assez affluente. Je peux me permettre de faire beaucoup de projets musicaux avec pas mal de styles différents.

J’aime bien ce côté un petit peu caméléon et pour moi Nautilus c’est une exploration parmi tant d’autres. J’espère par la suite m’exprimer sous d’autres pseudonyme pour le coup, là c’est vraiment une inspiration du moment et ça coïncide avec le fait que j’ai déménagé en Bretagne, au bord de la mer, il y a maintenant deux ans.

Maintenant j’ai une relation assez intime avec l’océan parce que je fais beaucoup de surf, je me rends beaucoup à la plage vu que j’habite à côté d’un spot de surf et d’une plage. Ça m’a beaucoup inspiré pour les paroles de l’album et pour tout son univers aquatique et marin.

crédit : Inès Ziouane

LFB : Justement, pour les gens qui t’ont connu avec Isaac Delusion, je trouve qu’il y a plusieurs choses qui peuvent surprendre. Le côté beaucoup plus apaisé moins, épique et aussi au niveau de l’utilisation de ta voix qui change pas mal.

Nautilus : J’avais envie de faire de la musique en français et je ne savais pas trop comment la chanter. C’est vrai que le français ce n’est pas comme l’anglais. C’est hyper dur d’être lyrique et de faire du français. J’ai trouvé que chanter, comme ça, de façon assez apaisée avec mon vrai timbre, c’est-à-dire ne pas chanter dans un registre aigu. Je chante vraiment comme ça vient, de façon presque murmurée.

Ça donne une certaine sincérité à mes textes et finalement ça m’a plu. Je me suis aussi inspiré des chanteurs folks américain qui chante comme ça avec une voix assez calme comme Elliott Smith au Sufjan Stevens mais qui pourtant ont vécu beaucoup d’émotions. J’ai toujours aimé ce genre de parallèle et j’avais envie d’essayer de le faire en français dans un style un peu électronique. Et ça a donné Nautilus.

LFB : Finalement le français tu l’avais un tout petit peu exploré quand tu étais sur Isaac mais là il y a une vraie complémentarité entre la musique et la voix. Même dans les thématiques qui sont abordées, jusque dans la pochette, et je me demandais comment est-ce tu avais choisi ces titres qui donnent un vrai sentiment d’unité ?

Nautilus : J’avoue que, c’était assez naturel. J’ai fait pas mal de morceaux et je les ai envoyés à mon copain qui a un studio en Normandie qui s’appelle studio 33 et lui m’a très vite fait des retours sur des morceaux qu’il trouvait bien et je me suis vraiment fié à son goût.

Finalement, les morceaux que j’ai retenu ce sont les morceaux qui parlent vraiment de quelque chose. Il y a par exemple le morceau sur les méduses, je décris en fait une méduse à ma façon. Océan Lumière est un morceau qui parle d’une sorte d’addiction positive à l’océan. Bleu électrique, c’est un morceau qui m’a été inspiré par un documentaire sur Jacques Mayol… Finalement ce sont tous des morceaux où il y a des histoires assez concrètes et des choses à raconter. Contrairement à Isaac ou c’est un autre processus qui est très plaisant aussi mais qui n’est pas le même. C’est vraiment de partir de zéro et de faire une sorte de langage imaginaire assez onirique. Là, je pense qu’il y a un côté plus terre à terre. On parle de l’océan donc c’est marrant de faire ce parallèle mais disons que ça fait du bien de raconter des histoires et de ne pas en inventer.

LFB : Ce qui est intéressant finalement c’est que malgré tout ce champ lexical maritime et cette façon de raconter des histoires on sent que malgré tout il y a une volonté de taper dans quelque chose d’intime, très personnel. Comment est-ce que tu t’es amusé avec ce champ lexical de la mer pour entre « te cacher » derrière ces histoires ?

Nautilus : Disons que je trouve qu’il y a énormément à dire sur l’océan. Ce qui est intéressant aussi lorsque l’on parle de l’océan c’est que chacun a sa propre vision de celui-ci et c’est très dur de parler de la mer. C’est un élément que l’on ne connaît pas forcément et chacun a sa propre façon de l’analyser et de le voir. C’est pour ça que c’est un sujet d’écriture infinie. Pour ça, je pense que c’est hyper intéressant d’écrire sur l’océan parce qu’on peut faire un EP comme un livre. Quand on lit un bouquin qui fait 400 voir 500 pages, c’est assez long mais il n’y a pas une seconde où l’on s’ennuie… L’océan c’est tellement infini, il se passe tellement de choses c’est une source d’inspiration infinie.

LFB : Finalement quand on rentre dans tes chansons, il y a cette idée de profondeur et d’endroit très sombres. Pourtant sur chaque morceau il y a aussi un retour vers une espèce de lumière. Ce côté plus obscur, est-ce que c’est quelque chose que tu cherches aussi ou tu avais envie d’aller chercher un peu plus de lumière dans les histoires ?

Nautilus : Ouais, bien sûr il y a plusieurs choses. Il y a beaucoup de métaphores, c’est très métaphorique. Les méduses par exemple, le texte peut être approprié à des gens. Récemment, j’ai découvert la pratique de la méditation transcendantale qui consiste à aller chercher en soi, c’est une sorte de plongée en soi-même contrairement aux autres types de méditation qui sont plus voué à l’élévation. Celle-ci permet de rentrer dans la matière, certains même, diront que ça permet de rejoindre le champ quantique… Enfin, ça c’est un autre discours ! C’est une pratique qui m’a énormément influencé et qui a un peu changé ma vie, ma façon de voir le monde. Je pense que ça a mis une certaine saveur à mes textes. Ça traduit cette sorte de descente en soi-même ou une descente dans quelque chose.

La Face B : Ce qu’il y a de marrant c’est que à chaque fois, tu as une sorte de deuxième voix comme un dialogue… Il y a vraiment cette recherche intérieure en fait. Qu’est-ce que tu as appris, toi, justement en écrivant ces chansons-là ?

Nautilus : J’ai appris que, le mieux, c’est de parler de ce que l’on connaît. Et de ce que l’on aime. L’océan c’est vrai que c’est quelque chose qui m’a toujours passionné depuis que je suis gamin. J’ai une histoire avec la mer. Mon père est un mordu de voile, il nous emmenait quand on était gamins en bateau à chaque vacance. Ensuite il y a eu le surf et c’est un élément que je pense bien connaître. Je pense pouvoir en parler de façon très sincère et c’est hyper agréable de raconter des histoires quand on sait de quoi on parle. Je pense que c’est ça qui crée des choses intéressantes.

Et après, ce que j’ai appris sur moi c’est aussi la fragilité parfois ça peut aussi avoir du charme dans la musique. Ça veut dire que j’ai toujours construit la musique de façon empirique. En essayant de faire des morceaux comme des pyramides, avec des fondations bien solide. C’est vrai qu’avec ce projet-là, j’ai vraiment eu une autre approche, c’est de la déconstruction. J’ai essayé d’utiliser très peu de source sonore, de salir tous les sons de synthé dans des magnétos tape un peu fragile, un peu friable.

La voix, j’ai essayé d’apporter quelque chose de l’ordre du parallèle. Finalement il y a un résultat qui est assez beau, assez gracieux et en même temps fragile. C’est vrai que cette fragilité c’est une direction que je n’ai pas vraiment explorée avant et finalement c’est assez intéressant. C’est aussi révéler ce que l’on a, à l’intérieur de soi.

crédit : Inès Ziouane

LFB : Est-ce que le fait de se retrouver seul à la barre aussi ça peut libérer justement sur toutes ces choses-là où tu ne te serais peut-être pas autorisé avec le groupe ?

Nautilus : Bien sûr, surtout en termes de confiance. Lorsque l’on arrive à mener un projet de A à Z, tout seul, c’est très valorisant. Après, on se dit que finalement c’est que j’ai réussi à le faire tout seul, si j’ai envie de faire quelque chose je le fais en fait. J’arrête d’attendre des réponses ou d’attendre quoi que ce soit. On peut faire les choses tout seul, même si la musique en groupe c’est bien, c’est génial. Je pense que dans la vie il faut tracer sa route et surtout faire le maximum de choses possibles.

LFB : Tu parlais de raconter des histoires des espèces de courts-métrages… Est-ce que tu envisage l’écriture sous une autre forme ?

Nautilus : J’y pense de plus en plus. Encore une fois, je n’ose pas passer le pas. Par exemple, écrire un scénario, une nouvelle ou même de la poésie c’est un truc qui m’attire mais je ne l’ai jamais fait mais je pense que jour je le ferai. Un jour j’écrirai sous un autre format que autour de la musique, ça m’intéresse énormément.

LFB : Tes chansons sont quand même très poétiques. Plus que ce que tu avais fait auparavant. On voit l’évolution. Moi qui ai beaucoup écouté Isaac Delusion et qui aimait beaucoup les chansons en français, on voit qu’il y a quand même quelque chose de beaucoup plus léger dans la façon dont tu écris.

Nautilus : Avec Isaac il y a une dimension très dansante. Le propos avec Isaac, c’était juste de faire des morceaux qui sont à la fois mélancoliques et dansants, des trucs que tu peux mettre en soirée pour passer un bon moment où il y a que quand même un côté assez entraînant est assez populaire. En gardant un côté indé, c’est un travail d’équilibriste. Par contre avec Nautilus c’est un autre propos. J’avais envie de raconter des histoires, de faire de la poésie et de me mettre en marge de ce côté musique rythmée, qui peut être dansé. J’avais vraiment envie de faire quelque chose de plus contemplatif. C’est un autre discours.

LFB : Il y a moins d’attente aussi…

Nautilus : Oui, il y a moins d’attente et surtout c’est complémentaire. Je pense que c’est hyper intéressant de faire plein de choses différentes et d’explorer plein de directions différentes.

LFB : Comment est-ce que tu vois l’avenir avec Nautilus ? Tu viens de sortir un premier EP. C’est quelque chose que tu vois dans le temps ou est-ce quelque chose de plutôt spontané ?

Nautilus : A la base, ça devait être spontanée ça devait être un essai. Après, je vais voir comment ça évolue. Les retours sont bons, les gens ont l’air d’apprécier cet EP.. Peut-être que j’en referai un autre, peut-être que je ferai un album. Peut-être que je ferai un projet différent ! Franchement je ne sais pas mais l’important c’est de faire, d’essayer et de faire vivre sa créativité. Échanger avec les gens, je crois que c’est le plus important.

LFB : Tu as quand même une volonté de le faire sur scène ?

Nautilus : Oui, ce soir c’est un peu particulier. Je le fais vraiment en piano voix. En long terme, j’aurais peut-être plus d’arrangement électronique comme sur l’album. Là, c’est vraiment une version hyper simple presque acoustique. Il ne faut pas s’attendre à toutes les textures que j’ai. Au moins, ça permet de se concentrer sur les textes et sur la voix.

LFB : Étant donné que nous sommes au Pop Factory, est-ce que tu peux me donner ta définition de la musique pop?

Nautilus : Oula ! Pour moi la musique pop, c’est un moyen de faire passer des idées progressistes et intéressantes, enrobé dans un emballage accessible à tout le monde.

LFB : Dernière question, est-ce que tu as des coups de cœur ou des choses qui sont en rapport avec ton projet et que tu aimerais partager avec nous ?

Nautilus : Oui, par exemple le musicien qui m’accompagne ce soir, c’est un musicien qui est un multi-instrumentiste mais qui est un très bon pianiste. C’est lui quand même qui m’a vachement encouragé plusieurs fois sur ce projet. C’est mon voisin, on habite tous les deux en Bretagne et on fait tout. On a commencé à se côtoyer en faisant du surf. La première chose que l’on a commencé à faire ensemble c’est d’aller surfer ensemble. Ensuite, on s’est mis à faire la musique. Tout dans ce projet ramène à l’océan c’est hyper intéressant !

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