Il y a quelques mois, nous avons rencontré Gregory Hoepffner, artiste aux multiples projets, dont le dernier nommé Kabbel sortait son premier EP End of Norms. Un projet intime et profond, dans lequel le musicien se libère complètement, et qu’il nous tarde de vous présenter à nouveau au travers de cet échange !
LFB : Comment ça va ?
Kabbel : Ça va très bien. Je me considère assez chanceux de ne plus être à Paris en ce moment. Je suis dans un pays et dans une ville où on est pas confiné, on a pas de couvre feu, on ne porte pas de masque, et où les restaurants sont ouverts, c’est presque comme avant. Je pense que je suis une des personnes les plus chanceuses en Europe en ce moment (rires).
LFB : C’est vrai que tu es en Suède actuellement, on en parlera un peu après. Mais on va d’abord parler de ton parcours, parce que Kabbel ce n’est pas la première aventure dans laquelle tu te lances. Est-ce que pour les lecteurs de la Face B, tu peux présenter un peu d’où tu viens ?
K : Alors je ne sais pas s’ils sont tous intéressants à mentionner, mais pour résumer en gros moi je viens plutôt de la scène indie rock au sens large… Post rock, post metal, post hardcore, indie machin bidule, tout ce qu’on veut (rires). En fait j’ai commencé à faire des albums tout seul dans ma chambre, et puis ça m’a ouvert quelques groupes avec lesquels on a un peu tourné. Et après il y a 10 ans, j’ai commencé à faire un autre projet très différent pour couper avec tout ça qui était très electro, qui s’appelait Almeeva. Et à partir de ce projet là je me suis tourné plus vers la musique électronique. En gardant toujours un pied dans le côté rock, dans tous les groupes que j’ai pu avoir, mais ça a teinté tous les projets à partir de ce moment. Donc ça a commencé avec Almeeva, qu’est ce que je peux dire d’autre… J’ai rejoint le groupe Jean jean il y a quelques années, que je suivais depuis très longtemps sans être dans le groupe et puis j’ai fini par en devenir membre. J’avais un groupe qui s’appelle Kid North aussi. Et peut être que je peux citer SURE aussi, qui est un des groupes les plus récents que j’ai lancé il y a quelques années avec des amis, dans le côté plus dark wave, post punk, mais électronique aussi. Et je pense que ce nouveau projet est la continuité de ce son là.
LFB : Effectivement tu es passé par pas mal de genres différents, comment se déroule ce genre de transition ? Comme passer du milieu harcore sur quelque chose de plus dream pop et electro ?
K : Ben ça se passe d’abord dans sa tête (rires). Ca se passe d’abord par accepter qu’on aime des choses très différentes, et qu’il n’y a aucune honte à aimer ce genre de choses. Je pense que ça passe d’abord par là. Et puis pour faire vraiment des choses, ça passe par des rencontres tout simplement. Tous les groupes dont je t’ai parlé, c’est le fruit de rencontres, des gens qui sont devenus des amis, des gens que j’ai rencontré pendant des soirées, et même des fois par le boulot. C’est juste rencontrer des gens avec qui tu as envie de partager quelque chose que tu n’aurais pas osé faire tout seul.Pour moi c’est ça, c’est plus une question d’oser, qu’autre chose.
LFB : Qu’est ce qui t’a attiré le plus dans ces expérimentations au niveau du style musical ?
K : Peut être le côté le côté plus spontané. Toujours pour revenir sur le côté “faire de la musique seul chez soi”, le fait de pouvoir rebondir avec d’autres personnes, mais ça c’est peu importe le style finalement. Juste de pouvoir faire des ping pong avec d’autres personnes en face de toi, qui t’apportent des idées que tu n’aurais pas eu, et que tu te dis “mais en fait c’est vachement mieux c’est trop bien”. Et surtout le fait de pouvoir… je pense que c’est ça la vraie réponse, pouvoir jouer en live, faire des concerts, c’est ça qui a tout changé pour moi. De me rendre compte que pas mal de choses que je maîtrisais tout seul devant un ordinateur ne fonctionnait pas forcément pour le public en tant que spectateur. Et plus tu fais de concerts dans des styles différents, plus tu te rends compte qu’il y a une chose assez universelle à tous les styles : c’est l’énergie que tu renvoie toi en tant que personne sur scène. Je ne dirais même pas musicien forcément. Mais c’est comment tu bouges ton corps sur scène, et comment tu fais le lien entre ce que les gens entendent et ce qu’ils te voient faire. Et par exemple ma plus grosse découverte, moi à la base je suis batteur, et la batterie en live c’est toujours un gros problème. Parce que ça fait énormément de bruit, ça couvre tous les autres, et quand tu es comme moi et que tu frappes très fort et que tu ne sais pas faire autrement, tout de suite ça ferme pas mal de portes. Dès que tu veux chanter en même temps c’est pas possible, bref, pleins de problèmes. Et à force de faire tous ces concerts dans des styles différents, je me suis rendu compte que peu importe la forme de la batterie que tu as, c’est vraiment les gestes que tu fais en tant que batteur qui éclatent les gens dans le public. S’ils te voient taper sur un bidon, c’est aussi cool pour eux que s’il te voient taper sur une caisse claire (rires). Et donc à partir de là ça m’a donné le goût de faire une musique plus basée sur le plaisir corporel, plus qu’un truc cérébral et complexe au niveau de la composition. J’essaye toujours de rattacher ce truc là très physique, en me disant que ça va éclater d’autres gens que moi.
LFB : Il y a vraiment une notion de partage. C’est vrai que l’expérience entre produire dans sa chambre et s’exprimer sur scène, c’est deux cadres très différents.
K : C’est ça, en fait tu peux te faire pleins de films en te disant « ouais cette montée ça va rendre les gens fous, ça va être génial”, et en fait si la montée est là dans les enceintes, mais que toi tu ne bouges pas parce que tu es occupé à appuyer sur quinze pédales d’effets en même temps et à te concentrer sur ce que tu dois jouer sur ton clavier… les gens ne vont pas ressentir la montée du tout en fait. Je me suis rendu aussi en jouant pas mal, la plupart des groupes et artistes live ne jouent qu’une petite partie de ce que tu entends dans les enceintes. Mais ce n’est pas grave parce que ça laisse plus de place à l’expression corporelle, et c’est ça ce que les gens viennent chercher. C’est ce que je pense en tout cas. Ils viennent chercher une communication corporelle, par du son, de l’image, des gens, n’importe quoi… Mais ils ne cherchent pas forcément une perfection, ils cherchent une vérité. Et parfois jouer avec une bande, et ne jouer que 10% du truc, mais être là physiquement sur scène, c’est parfois plus vrai qu’essayer de tout jouer et ne pas être là avec les gens.
LFB : Quand on a joué avec autant de groupes, est-ce qu’on a toujours la même excitation à chaque nouveau projet ? Tu commences à en avoir pas mal, tu retrouves toujours cette petite flamme à chaque lancement ?
K : Ouais, franchement ouais. Heureusement sinon ce serait un peu triste d’ailleurs. Je dirais plutôt à l’inverse, le truc auquel il faut faire attention, c’est ne pas trop réfléchir à ce qui vient après. Parce que forcément si tu as déjà eu deux-trois groupes avant, tu sais qu’après le début idyllique il se passe des trucs hyper relou. Genre démarcher des gens, des médias, des labels, te construire un univers, tout ça c’est super chiant. Donc c’est bien de l’oublier, et si tu y arrives et que tu es juste là avec tes amis pour faire un truc excitant et plus fort que toi, ce sera toujours bien. Enfin pour moi c’est toujours génial, j’y crois toujours à fond dès le début. C’est jamais pour faire plaisir ou pour essayer de faire ceci ou celà, c’est juste pour s’amuser avec des potes en fait.
LFB : On va à présent pouvoir parler de ton nouveau projet nommé Kabbel, qui arrive avec un nouvel EP Ends of Norms. Comment est né ce projet pour commencer ?
K : Alors c’est né… j’essaye de résumer ça de manière pas trop ennuyeuse. En gros c’est né d’énormément d’échecs sur plusieurs années (rires). En fait avec Almeeva, qui est encore aujourd’hui mon projet le plus fort dans ma tête, je me suis beaucoup perdu à essayer de faire un disque trop gros pour moi à tous les niveaux. A toujours me prendre de nouvelles gamelles, et ça a fini par devenir assez dangereux mentalement. J’avais énormément de morceaux depuis des années sur mon disque dur qui ne finissaient nul part et qui n’étaient jamais terminés. Et puis j’en avais un ou deux que je trouvais très forts, mais très différents du reste. Et j’étais bloqué par cette peur du “ah mais c’est trop bizarre, c’est trop violent, c’est trop dark, ça va pas plaire à mon label, à mon tourneur et…”. Et puis finalement la pandémie est arrivée et a mis un stop à toutes ces grosses ambitions. Et je ne sais pas pour toi, mais cette situation là m’a amené à revenir sur des choses très rassurantes. C’est-à-dire une espèce de trip nostalgique de ce dire que s’il n’y a plus de futur on va revenir un peu en arrière. Se faire plaisir en écoutant les vieux trucs d’il y a 10 ans, ou alors se remettre à jouer aux jeux vidéos comme à 15 ans. Un truc hyper régressif. De tout ça est né une envie de renouer avec ce côté violent dans la musique que j’avais complètement mis de côté, parce que j’avais envie d’être un peu cool, et pour moi faire de la musique violente c’était pas du tout cool. Et ça c’est vraiment le pire moteur artistique de se dire “j’ai envie d’être cool” (rires). Et là j’avais envie de dire au contraire “non, j’en ai marre, je n’ai plus envie de réfléchir à ça, et puis de toute façon il n’y a plus rien là, plus de futur, plus de cool”. Je me suis demandé si je refaisais de la musique violente comme quand j’étais jeune, qu’est ce que ça donnerait. Bon par contre c’est très long comme réponse (rires).
LFB : C’est très bien, ça me va. Mais oui c’était pas juste changer d’alter ego face après Almeeva. C’est drôle parce qu’en général on dit que la musique ça sert à s’évader, un moyen de fuir, alors que là c’est quelque chose de plus interne, plus un repli sur soi.
K : Complètement ouais, et c’est aussi le fruit d’un ras le bol que j’ai pu avoir et que j’ai toujours un peu. Quand tu es musicien et que tu persévères avec autant de trucs, tu finis vite par te professionnaliser d’une manière ou d’une autre, et d’être entouré de pleins de gens qui ont tous un avis sur ce que tu fais. Et il faut passer par tous ces filtres, par machin qui te dit “tu devrais faire plus ça comme truc”, et bidule qui te dit “nan mais tu devrais plus faire comme machin si tu veux que ça marche”. Et en fait, je suis arrivé à un point où il n’y avait pas juste une voix dans ma tête qui me disait “éclater à faire de la musique” mais quinzes voix qui répétaient “mais mec, il faut que tu coche telle case, et telle autre case, et telle autre case, et ce sera jamais bien pour tous les gens”.
LFB : Un vrai besoin de s’écarter finalement, puisque tu ne vis pas seulement un nouveau départ artistique, mais aussi physique puisque tu es en Suède maintenant. Il y a un lien entre ton déménagement et le projet Kabbel ?
K : Alors la raison de mon déménagement est beaucoup moins, marrante à raconter on va dire. C’est juste que mon conjoint a trouvé du boulot là-bas. Et donc je l’ai rejoint au bout de quelques mois, j’avais une espèce de double vie entre Paris et Göteborg, et puis j’ai finis par vraiment déménagé. Mais tu as raison. En plus quand j’ai commencé à faire ce projet là, on était entre deux apparts (c’est hyper compliqué de trouver un logement Göteborg attention(rires)), on se faisait éjecter du premier et on devait en trouver un autre. et le seul truc qu’on a trouvé, c’est une maison sur une île.
LFB : Ah c’est pas banal ça !
K : Alors, ça a l’air complètement fou dit comme ça, mais là bas les îles, c’est un peu la banlieue de la ville. Tu vis sur une île avec cinq/six milles habitants maximum, c’est juste un style de vie différent. Et donc on était là dedans, je m’étais installé un petit studio, et c’était vraiment l’isolement total. On est arrivé sur cette île, et je n’ai vu personne de la journée pendant trois mois. Je ne faisais que me balader sur des rochers, écouter de la musique chelou, et réfléchir à ce que j’allais faire pour mon prochain projet. Du coup forcément, ça a dû pas mal influencer le truc, et les premiers sons sont sortis de cet endroit Et d’ailleurs le nom vient aussi de cet endroit. Kabbel, c’est un mot suédois qui veut dire “câble”, mais s’écrit juste avec un b normalement, j’ai rajouté un deuxième parce que je trouvais ça plus joli. Comme tous les graphistes qui veulent faire un truc joli graphiquement (rires). Et en fait c’est un panneau que tu vois un peu partout au bord la mer là bas, où c’est écrit en énorme et déjà juste, visuellement ça pète ! Parce qu’en gros ça veut dire “attention si vous êtes en bâteau, ne vous approchez pas parce qu’il y a des câbles partout”. C’est un énorme warning qui dit “attention c’est électrique et vous allez crever”.
LFB : C’est une signification qui t’a tout de suite séduit.
K : J’ai trouvé ça assez puissant ouais !
LFB : Du coup c’est bon, tu as déjà ta promo avec la signalétique là-bas.
K : Ouais il faut juste que je rajoute un deuxième b sur tous les panneaux et c’est bon (rires).
LFB : Pour définir le style de ton album, tu utilise la formule Queer Sadcore. En quelques mots, qu’est ce que c’est ?
K : J’aime bien inventer des formules à la con comme ça, désolé. D’ailleurs j’ai beaucoup réfléchi à cette formule avant de l’utiliser. Alors j’ai commencé avec le terme Queer parce que c’est quelque chose que je n’avais jamais vraiment mis en avant dans les projets que je faisais. Et j’avais envie de le faire dans celui-là, déjà tout simplement parce que j’ai mis longtemps à m’accepter en tant que personne lgbt et la musique c’était une façon pour moi de m’évader sans le dévoiler pendant énormément d’années. Et en repensant à toutes ces années de non vie, de se cacher, je me suis dis que quand j’étais jeune, j’aurais vraiment kiffer voir un.e artiste revendiquer ce truc, et faire de la musique un peu chelou comme ça. En tant que jeune, ça m’aurait vraiment aidé à me libérer. Donc je me suis dis, si jamais ça peut aider quiconque, j’ai envie de le dire. Je ne sais pas si ça va aider quelqu’un, je ne sais pas si les jeunes ont aujourd’hui le même blocage que j’avais eu. Mais ça ne coûte rien de le faire, et je trouvais aussi que c’était un peu inédit dans ce genre de musique là. J’aime bien l’idée de faire rencontrer deux univers qui ne sont pas censés aller ensemble, et voir si il se produit un truc étrange ou intéressant. Donc c’est un peu l’idée de cette formule, c’est de mettre deux trucs que tu ne mettrais pas naturellement ensemble, mais qui en fait fonctionnent, j’espère.
LFB : C’est pas seulement un travail pour soi ou pour s’accepter soi, mais aussi dédié à aller vers autrui.
K : Ouais c’est une envie de partage, de libération à tous les niveaux de ce projet là, autant artistique que dans la communication. C’est de décloisonner des choses, et s’amuser avec.
LFB : Est-ce que le fait de travailler seul, au lieu que dans un groupe, tu trouves ça plus simple, pour t’exprimer vraiment ?
K : Ça dépend. En ce moment là tout de suite je te dirais oui. Sur ce projet c’est très simple. Mais aussi parce que je ne mets aucun enjeu autre que me faire plaisir. Et du coup c’est assez simple de se faire plaisir, quand on sait ce qu’on veut et qu’on sait comment le faire. Je pense que le plus dur quand on travaille seul et qu’on fait de la musique seul, c’est de savoir ce qu’on veut faire exactement. Parce qu’on a tellement de portes ouvertes qu’on ne sait pas par où aller, et qu’on se perd assez vite. Le jeu c’est de réduire l’entonnoir le plus possible, et une fois qu’on est arrivé dans le tout petit tuyau, là ça va très vite. Mais la période de réduction est beaucoup plus longue que de créer. C’est assez flippant d’ailleurs.
LFB : Et au final tu arrives à un style assez singulier, qui est à la fois calme et très violent. Ce n’est pas trop compliqué de trouver un équilibre entre les deux ? Dans le processus artistique, comment fais tu pour réussir à mettre les deux au même niveau ?
K : Alors je ne le réfléchis pas aussi précisément que l’as exprimé à l’instant. Mais c’est une question que je me suis beaucoup posée au début, le plaisir de la violence en musique, de la puissance ou de la noirceur, est-ce que c’est pérenne plus que sur un ou deux morceaux, ou vraiment tu lâches tout, et c’est ultra la fin du monde. Est-ce que vraiment c’est intéressant ? Et la réponse c’est non, très vite ça m’a lassé. D’où l’intérêt de trouver un langage plus nuancé et plus ambigu. Après ça passe par des choses techniques, genre quel instrument exprime quoi, comme je chante. Comment exprimer ce sentiment, de manière pas forcément unilatérale. Pas tous dans la même direction. De toute façon c’est toujours pareil, c’est une question d’équilibre. Trouver l’équilibre en gardant le message intact.
LFB : On va parler également de tes clips. Des clips qui ont aussi une esthétique singulière. Est-ce que tu peux nous raconter leurs histoires ? Tu les as tourné en Suède du coup ?
K : Oui, en partie chez moi, et en partie dans différents endroits de la ville où j’habite, et le studio où je produis les morceaux. Et le studio qui est très très important dans ce projet d’ailleurs. C’est un studio que je partage avec un producteur suédois, qui s’appelle Christoffer Berg. Je suis toujours très humble par rapport à cette situation, parce que c’est quelqu’un que je suis depuis des années, dont j’adore les prods qu’il a fait. Je me sens hyper chanceux de partager ce truc avec lui. Et avoir accès à toutes ces machines, toutes ces opportunités. Du coup, je m’en suis servi dans ces vidéos. Ces deux clips c’est surtout de l’expérimentation. Je n’ai pas écris sur un bout de papier ce qui allait se passer. C’est littéralement au jour le jour, je tourne un plan, et puis le lendemain ça me donne une idée d’un autre plan, je tente des choses en post prod… C’est un peu comme si je créais à nouveau le morceau mais avec des images. C’est très ludique en fait, je redécouvre le plaisir de filmer avec une caméra, et de tenter des trucs. Et aussi de me mettre en scène moi. Comme c’est un projet où je me présente vraiment comme un chanteur, je pense que c’est important d’incarner ta voix. Je trouve ça frustrant quand tu entends quelqu’un chanter mais que tu ne le vois pas où que tu vois quelqu’un d’autre. Du coup je me suis beaucoup posé la question de comment me présenter, et j’ai essayé de briser quelques tabous que j’avais vis-à-vis de mon corps. Genre de me montrer dans certaines positions, situations, tenues… C’est le fruit de tous ces effets, c’est peut être un peu bordélique d’ailleurs quand j’y pense. Mais c’est mon petit labo.
LFB : Ca rejoint un peu ce que tu disais au début, où en tant que batteur il fallait aussi se mettre en scène en live. Dans Young Again quand on te voit chanter et danser, on a l’impression qu’on te voit en live. Est-ce qu’au niveau de la gestuelle, quand tu fais le clip tu te dis déjà “cette esthétique je la ferai bien sur scène” ?
K : Alors c’est exactement ça, tu as tout compris. Ce premier clip c’était une sorte de test, d’ailleurs à la base je voulais que ce clip soit une sorte de clip live. C’est-à-dire que j’aurais enregistré la voix live pour qu’on se dise “ok ce sera comme ça en live”. Mais c’était exactement ça l’idée, c’était de me dire “le jour où je pourrai de nouveau faire des concerts, comme je fais ce projet sur scène ? Tiens, je vais essayer avec juste un vidéo projecteur, un micro et moi même”.
LFB : Et du coup il n’y a pas d’influences particulières ? C’était vraiment au jour le jour ?
K : Il y en a eu quelques unes, c’est bête ce que je vais dire, mais je ne les ai pas noté, et je ne sais déjà plus ce que c’est. C’est sûr qu’il y a des choses que j’ai vu dans des films, ou dans des clips, que j’avais envie de refaire à ma sauce. Mais l’idée de me mettre juste devant un vidéo projecteur, ça vient aussi du côté “ok comme faire un truc en simple, un truc que j’ai vu qui a coûté 10 000 balles”. Où il y a un énorme mur de led, et quarante strob qui font la taille d’une salle à manger. Et en fait, juste avoir un vidéo projecteur, et programmer des lumières sur un ordi, sachez-le c’est le truc le plus pratique de la terre. Si vous voulez faire des clips chez vous, c’est la vie.
LFB : Dernier point un peu sur l’esthétique, comment s’est décidé le visuel de ton album ?
K : Pareil, c’est le fruit de pas mal de tests. En fait je suis assez obsedé par les mains, parce que pour moi une main est ultra expressive, mais jamais aussi réducteur qu’un visage. Dans le sens où la main c’est vraiment la chose la plus universelle humainement que tu peux voir. Alors que le visage, si tu ne l’aime pas, c’est fini, c’est sans appel. Du coup j’avais envie de jouer avec l’outil, ou l’objet de ce nouveau projet. Et pour moi le meilleur outil de ce projet c’est le micro. Et j’ai essayé de customiser un peu ce micro en lui donnant une sorte de matière holographique. C’est assez à la mode sur les sacs, les fringues, ça donne des espèces de réflexions arc-en-ciel. Je trouvais que c’était un bon résumé de le montrer. Le sujet principal de ce projet je pense c’est la voix, et donc pour moi c’était sympa de montrer cet outil dans l’univers du personnage que j’ai créé pour ce truc, qui porte ce costume un peu spécial. Mais sans me montrer avec ma tête, juste montrer toutes les facettes de ce micro comme un kaléidoscope.
LFB : Avant-dernière question, Almeeva est mis en pause pour le moment du coup ? Ou écarter à tout jamais ?
K : Alors non pas du tout, et je suis très heureux de l’annoncer d’ailleurs. Le but de ce projet c’était de me faire reprendre un peu confiance en moi. Et ça va mieux ! Et du coup Almeeva va revenir assez vite je pense. J’ai toujours mon album en stock que je prod toujours. Mais avant ça je vais très probablement sortir un EP assez vite dans l’année, et peut-être un deuxième. Je ne sais pas encore comment, mais le comment va se régler assez vite.
(Petite parenthèse, l’EP To All My Friends de Almeeva sort le 29.10.21, fin de la petite parenthèse)
LFB : Et du coup dernière question, quels sont tes coups de cœur de l’année 2021 ?
K : Alors récemment je suis retombé sur un groupe que j’ai aimé il y a bien longtemps qui s’appelle Mint Julep, c’est un duo américain, ils ont sorti un album qui s’appelle In A Deep And Dreamless Sleep. L’album est magnifique, c’est pop indé et très electro, et ça s’écoute n’importe quand avec n’importe qui, ça détend à fond c’est génial. A part ça je recommande aussi le dernier single de Mykki Blanco, qui s’appelle Free Ride, qui est ultra positif, euphorique, funky, très différent de ce que Mikky faisait avant, mais plein d’espoir. Et sinon à part ça… un truc un peu moins récent peut-être… En fait je découvre pleins de trucs mais après coup, comme un grand naze (rires). Mais récemment je suis tombé sur Beck, genre un des mecs les plus célèbres au monde, et il a un album qui s’appelle Morning Phase. C’est la beauté absolue ce truc, et j’essaye même de faire une reprise d’un des morceaux, tellement je trouve ça beau. Ah et j’en ai un dernier, mais un artiste qui s’appelle Serpentwithfeet, il a un nouvel album qui s’appelle Deacon et surtout un single qui s’appelle Fellowship, qui est ultra beau.
LFB : Et bien c’est la fin de l’interview, merci beaucoup pour ce temps.
K : Merci à toi !
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